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Le pari de la contractualisation

En destinant leur production de fruits d’été à la transformation, Laurent Ratia et ses associés ont aussi fait le pari de la contractualisation.

Laurent Ratia, aujourd’hui président de la SICA Somail Fruits à Mirepeisset dans l’Aude, a fait ses premiers pas en arboriculture en 1995, date de son installation. Il débute en exploitant 5 ha en fermage sur lesquels il introduit d’abord la culture du melon pour un retour sur investissement rapide, puis la pêche pavie spécifique à la transformation. A la fin des années 1990, la coopérative Sica Somail Fruits où il est alors apporteur, commercialise sous contrat près de 2 000 tonnes de pavies produites par une trentaine de producteurs sur 90 ha. Cette contractualisation avec le transformateur roussillonnais Elnia devait durer jusqu’en 2009. En 2004, date à laquelle Laurent Ratia devient président de la structure, le contrat est unilatéralement rompu par la société italo-autrichienne ayant racheté Elnia. Restait donc à trouver des débouchés pour un potentiel de 2 000 tonnes. Le défi s’avéra impossible à relever. Il s’est soldé par un plan exceptionnel d’arrachage subventionné par les pouvoirs publics et, trois ans plus tard, un potentiel réduit à 300 tonnes produites par Laurent Ratia et ses trois associés.

Un contrat de 15 ans

« Cette période nous a permis de prendre conscience de l’importance de la relation humaine dans la contractualisation, mais aussi de la fragilité et de la dépendance de notre statut de fournisseur de matière première. En 2005, en pleine tourmente, nous décidons de lancer une gamme de jus de fruits en vue de capter un peu de valeur ajoutée, tout en diversifiant nos circuits de commercialisation », précise Laurent Ratia. Une solution satisfaisante mais largement insuffisante pour commercialiser les 300 tonnes de pavies. L’envie de travailler ensemble fut à l’origine du premier contact établi en 2006 entre Somail Fruits et un transformateur de fruits familial et français référent. Après deux campagnes tests, la signature d’un contrat de 15 ans entre les deux parties a été à l’origine d’un projet de plantation de 60 hectares pour près de 1,2 M€ d’investissement. Initiées au cours de l’hiver 2008-2009, ces plantations de 25 ha de pêchers, 30 d’abricotiers et 5 de cognassiers planifiées sur trois campagnes, ont permis d’envisager un potentiel de quelque 1 800 tonnes. « Pour la première fois, nous avons été en contact avec une entreprise qui s’est souciée de nous et de notre pérennité. Le prix de vente défini conjointement a non seulement pris en compte nos coûts de production mais aussi une marge ; ce qui nous a permis d’avoir une bonne visibilité sur l’avenir et un gage pour aller négocier avec les banques », tient à souligner Laurent Ratia. Un détail qui n’en était pas un dans un contexte où aucune banque ne prenait le risque de prêter à un arboriculteur de ce secteur. « C’est à ce moment-là que l’aventure a commencé car nous avons été face à un immense défi de restructuration du foncier et de financement », se souvient-il.

Le bon compromis tonnage/charges/prix

En 2017, avec ses 1 300 tonnes produites, la structure a atteint son seuil de rentabilité grâce à une gestion efficace des vergers. « Notre objectif vise à produire un certain tonnage de fruits par hectare répondant au cahier des charges de notre client dans le cadre du prix de vente contractualisé », explique Laurent Ratia. Pour la pêche pavie, il se situerait entre 35 et 45 tonnes/ha et aux alentours de 25 tonnes/ha pour l’abricot. Concernant cette dernière espèce, la structure a aussi fait le choix, en accord avec son partenaire transformateur, de produire une cinquantaine de tonnes destinées au marché du frais exclusivement local. « En abricots de bouche, notre objectif vise à travailler avec un grossiste local via notre marque Somail Fruits, en vue de donner plus de visibilité à notre gamme de jus de fruits et, plus récemment, aux purées de fruits que nous commercialisons auprès des glaciers de la région Occitanie », poursuit-il. Dans le cadre de la diversification des débouchés, les quatre associés ont d’autres projets en tête parmi lesquels la plantation d’un verger mécanisé d’une vingtaine d’hectares d’amandiers. A l’instar des autres activités, ce projet vise à s’inscrire dans le cadre d’une contractualisation. Une notion très chère à Laurent Ratia. « La contractualisation n’est pas uniquement bénéfique aux agriculteurs. Elle permet aussi de pérenniser l’aval et les filières de qualité au profit, in fine, des consommateurs », termine-t-il en insistant sur le nécessaire partage de valeurs entre les deux parties d’un contrat.

Un verger efficace

« L’idée n’est pas d’avoir le plus beau verger du monde mais le plus efficace. Cela revient à trouver le bon équilibre entre les charges et leurs impacts quantitatifs et qualitatifs sur la récolte », affirme Laurent Ratia. Cela passe par une bonne conception des vergers aussi bien en termes de localisation, de choix variétal que de pratiques culturales. « Les variétés sont toujours choisies en lien avec notre client qui a la maîtrise des débouchés », poursuit-il. Le suivi technique est également dispensé par le client en lien avec un conseiller de la Chambre d’agriculture du Roussillon. Situé au cœur du vignoble, le verger bénéficie d’un environnement privilégié et d’une faible pression parasitaire. « Grâce à notre situation et à notre présence dans le réseau des fermes Dephy des Pyrénées-Orientales, nous avons réussi à baisser notre IFT à un niveau proche de celui des vergers bio », se félicite l’arboriculteur. L’absence d’éclaircissage mais aussi et surtout la mécanisation de la taille et de la récolte participent grandement à la maîtrise des coûts. Reste un point à améliorer, l’irrigation. « Un meilleur pilotage de l’irrigation devrait nous permettre d’améliorer nos rendements sans porter préjudice au potentiel qualitatif des fruits », estime-t-il.

 

Chaque fruit produit doit avoir son débouché

La gamme de jus de fruits est lancée en 2005 et vise à apporter un nouveau débouché tout en créant de la valeur ajoutée. Fabriqués par un transformateur des Bouches-du-Rhône à partir de fruits produits par la structure ou achetés localement, les jus constituent une gamme marquée "Somail Fruits" et estampillée Pays Cathare. En une décennie, la structure commercialise 150 000 bouteilles dans la région. Un volume que les associés ne souhaitent plus développer compte tenu de la concurrence féroce qui sévit dans cet univers. Ils s’orientent désormais vers un nouveau segment, celui de la purée de fruits. De 30 tonnes vendues en 2017 à la société audoise "La Fabrique du Sud", Somail Fruits souhaite saisir des opportunités existantes à l’échelle de la région Occitanie en lien avec les glaciers et les pâtissiers. Au sein de la structure, la diversification des activités suit un seul et unique objectif  : celui de valoriser les productions en veillant à ne plus jeter un seul fruit. « Chaque fruit jeté constitue une perte nette. Chaque fruit produit doit nécessairement avoir son débouché ; c’est ce qui guide nos projets de diversification », conclut Laurent Ratia.

 

Parcours

1995 – Installation de Laurent Ratia
2004 – Laurent Ratia devient président de Somail Fruits
Rupture unilatérale du contrat par le transformateur
2005 – Lancement de la gamme de jus de fruits
2008/2012- Plantation de 60 hectares de vergers
2017 – 1 300 tonnes produites/Rentabilité atteinte
150 000 bouteilles de jus de fruits
50 tonnes d’abricots de bouche pour le marché local
30 tonnes de purée de fruits

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