FRUIT LOGISTICA - Afrique du Nord

Le nouveau rivage de la grande distribution

D’après une enquête menée par le cabinet de consultants A.T. Kearney, les pays du Maghreb présentent aujourd’hui l’un des potentiels les plus attractifs pour la grande distribution. La croissance de ces pays, ainsi que la hausse de pouvoir d’achat qui l’accompagne, crée une demande forte des consommateurs pour les produits de grande consommation. Une concurrence féroce est donc en train de s’organiser entre les enseignes locales et internationales, notamment françaises.

La Tunisie en tête
La Tunisie connaît une hausse du revenu des ménages de 3 % annuels qui devraient, selon le cabinet tunisien d’analyses financières MAC, atteindre les 3 635 € par an en 2014, contre plus de 2 600 € en 2009. Dans son classement des pays à plus fort potentiel commercial, A.T. Kearney a hissé la Tunisie du 14^e au 11^e rang. Les grandes surfaces se multiplient dans les grandes villes du pays et 20 % des Tunisiens se déclarent désormais habitués à y faire leurs courses, celles-ci proposant une offre alimentaire et non alimentaire plus complète et variée que les magasins traditionnels de détail.
En 2010, la moyenne de consommation tunisienne des produits alimentaires est devenue très proche de celle des ménages occidentaux. En revanche, les services télécommunication et Internet n’occupent que 4 % des dépenses, loin devant les loisirs, l’électroménager, l’électronique. Carrefour, associé à Ulysse Trading and Industrial Companies, y est implanté depuis presque dix ans et bénéficie d’une part de marché de 31 % sur le secteur. L’enseigne a par ailleurs lancé un site Internet carrefourtunisie.com qui propose les actualités des quatorze magasins, ainsi que les catalogues et promotions en cours. Carrefour a également initié la carte de fidélité Wafa, qui fonctionne sur un système de collecte de points fidélité permettant d’avoir des cadeaux. Monoprix, qui a accéléré son implantation dans le pays en 2009, s’octroie aujourd’hui quelque 32 % de part de marché. L’enseigne, qui est exploitée par le groupe Mabrouk, n’a apparemment aucun lien capitalistique avec l’entreprise française. Il s’agit, selon Adel Ayed, PDG de Monoprix Tunisie, d’un système d’exploitation « par légitimité historique ». Précisons que Mabrouk gère également des hypermarchés Géant et, selon Adel Ayed, « l’arrivée de Casino sur le territoire » ne serait pas exclue. Le troisième acteur du secteur, Magasin Général, est l’enseigne historique des grandes surfaces en Tunisie. Fondée en 1920, elle a été introduite en bourse en 1999 après moult rachats et regroupements. Pour les prochains mois, l’actualité ne manque pas dans le secteur puisque Magasin Général a annoncé l’ouverture de deux nouveaux hypermarchés. Un Hyper U exploité par le groupe Miri devrait également voir le jour en 2011 et l’enseigne Leclerc serait en négociation avec le groupe El Mouradi pour l’implantation de quatre hypermarchés d’ici à 2016.

Le Maroc réagit face à la crise
Malgré une crise ayant quelque peu freiné l’engouement des consommateurs, le Maroc connaît également une effervescence dans le secteur de la grande distribution. Dernière actualité en date, le rachat par le groupe Label’Vie de huit magasins Metro dans le pays fin novembre. Cette transaction s’élèverait à 1,2 milliard de dirhams (108 millions d’euros). Label’Vie, qui possède déjà dix-huit supermarchés à son enseigne et deux hyper Carrefour, met ainsi le pied dans un nouveau format, afin de compléter son offre. Les huit Cash & Carry devraient progressivement passer à l’enseigne Carrefour courant 2011. Le chiffre d’affaires de Label’Vie va ainsi doubler et s’élever à 5,3 milliards de dirhams (477 M€) l’année prochaine.
Mais ce bond en avant ne devrait pas suffire à dépasser le leader de la distribution marocaine, Marjane Holding du groupe Ona, qui possède vingt et un hypermarchés Marjane répartis dans les plus grandes villes du pays et trente et un supermarchés Acima, les deux enseignes ayant fusionné en 2007 suite au départ d’Auchan. Le tout pour un chiffre d’affaires dépassant les 7,5 milliards de dirhams (675 millions d’euros). Acteur historique de la grande distribution marocaine, Marjane Holding, fort de ses 18 millions de clients annuels, continue son expansion et envisage l’ouverture de cinq hypermarchés d’ici à 2013. L’étude A.T. Kearney valide bien ce dynamisme en élevant le Maroc de la 19^e à la 15^e place des pays les plus prometteurs en termes de croissance commerciale. Plus petite mais tout aussi agressive, la chaîne de magasins Aswak Assalam a été fondée en 1998 par Miloud Chaabi, président de la holding Ynna. Le premier magasin, inauguré à Rabat, a été suivi de neuf autres dans la décennie et le groupe espère arriver à quinze points de vente d’ici 2012. Ces supermarchés se distinguent par un refus assumé de ne pas commercialiser de boissons alcoolisées, ce qui semble séduire un nombre de plus en plus important de consommateurs marocains.
Par ailleurs, Aswak Assalam a signé, en juin dernier, une convention avec le ministère des Affaires économiques marocaines engageant l’enseigne à commercialiser les produits essentiellement agroalimentaires d’une trentaine de coopératives locales. Cette opération, initiée avec les supermarchés Label’Vie et Marjane en 2008, a été lancée en grande pompe le 14 juin dernier et vise à « aider les artisans du monde rural en valorisant leurs produits et en les commercialisant dans les points de vente Aswak Assalam », selon un responsable de l’enseigne. Et ce sont ainsi 122 produits de terroir (huile d’argan alimentaire, miel, confitures, couscous…) qui vont être proposés dans les rayons des magasins, sans droit d’entrée, afin de permettre aux petits producteurs marocains de pouvoir toucher un plus grand nombre de consommateurs, clients potentiels.

L’Algérie se démène
A cause de son passé tourmenté et de sa politique commerciale, l’Algérie n’en est qu’à ses balbutiements en matière de grande distribution. Le rapport A.T. Kearney lui a d’ailleurs décerné la 21e place de son classement, en chute de dix places. Et le chemin de l’implantation pour les enseignes n’est pas facile. Carrefour, qui s’y était essayé dès 2006 avec l’ouverture d’un hypermarché à Alger, en partenariat avec Arcofina, a finalement dû renoncer en 2009, notamment face aux difficultés liées à l’absence de centrales d’achats, le manque d’installation de stockage et le marché noir.
Mais la résistance locale s’organise, pour preuve, la réussite de Numidis, filiale de Cevital qui a créé il y a trois ans un concept de supermarchés Uno proposant un mix de produits importés et de produits algériens, en veillant à la qualité et la compétitivité des prix. Ces points de vente permettent aux agriculteurs de commercialiser en direct leur production, sans passer par des grossistes. Le groupe envisage l’ouverture d’une centaine de supermarchés dans les cinq années à venir et a inauguré en janvier 2010 le premier hypermarché d’Algérie, Uno City, d’une surface de 7 200 m² à Alger. Cette expansion est rendue possible grâce à la construction conjuguée de plates-formes logistiques à travers tout le pays.
Pour ses approvisionnements, Numidis a fait appel au français Cofrapex, déjà bien implanté en Algérie et fournisseur des principaux hôtels du pays. Arcofina, malgré son échec avec Carrefour, ne jette pas l’éponge et est en train de construire au cœur du nouveau Medina Center de la capitale algérienne un hypermarché à l’enseigne Ardis de quelque 16 200 m² qui devrait être inauguré au premier semestre 2011. Le futur complexe commercial comprend une galerie de 11 200 m2, et possède un parking d’une capacité de 2 000 véhicules. En tout, ce projet aura nécessité un investissement de quelque 4 millions d’euros.
Une ouverture très attendue dans ce pays où la demande est de plus en plus forte en matière de consommation plaisir. Selon le groupe Arcofina, d’autres projets similaires sont à l’étude pour les villes d’Oran et Annaba.