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Le net se lance dans les courses

La part des ventes en ligne de fruits et légumes progressent doucement mais sûrement. Pour s’y engager, il nécessite une organisation pour le conditionnement et une réflexion sur la livraison.

Les ventes en ligne de fruits et légumes vont se développer mais les acteurs de la distribution misent sur l'omnicanal : différents circuits complémentaires.
© Nerthuz - stock.adobe.com

« Tous les indices indiquent une augmentation de la part du marché de la vente en ligne des fruits et légumes jusqu’à 7 % d’ici 2030 », indiquait le rapport de tendance de Fruit Logistica de 2018. « Actuellement dans la grande distribution, le e-commerce représente 2 à 3 % des parts de marché des fruits et légumes », rapporte Christian Hutin du CTIFL. Dans les entreprises spécialisées dans le e-commerce alimentaire du frais, les fruits et légumes sont souvent à la base de l’offre. « Sur les 15 t de produits vendus par semaine, les fruits et légumes représentent 60 % des volumes », indique Natacha de l’entreprise KelBonGoo, qui livre 1 000 à 2 000 commandes de produits alimentaires par semaine issus de producteurs picards sur trois points de collecte dans Paris.

A lire aussi : « Proposer des services pour relancer la consommation »

 

Le nombre d’acheteurs va croissant : en 2017, près d’un acheteur sur cinq a utilisé ce circuit, une proportion qui a doublé en cinq ans. « Et tous les indicateurs sont en hausse, le niveau global des quantités achetées en ligne a progressé fortement, insiste l’économiste du CTIFL. Il a plus que triplé depuis 2012. » Chez Kelbongoo, on estime à 15 % la croissance annuelle du nombre d’acheteurs. « Nous avons ouvert un deuxième distributeur avec 200 casiers début avril à Avignon et nous avons des demandes d’autres communes », souligne Guillaume Sinard de la Chambre d’agriculture de Vaucluse qui anime l’association de producteurs du drive fermier du département. Et le nombre d’acteurs ne cesse aussi de croître.

Des consommateurs plus jeunes

Première des raisons de ce développement : le gain de temps. Les clients sont surtout des actifs entre 20 et 50 ans, qui ont peu de temps pour faire leurs courses. Avec ses livraisons en semaine dans les entreprises, Com’3 pom (voir page suivante) cible spécifiquement cette tranche d’âge. « Le circuit drive des grandes enseignes est privilégié par les familles et particulièrement celles qui ont des bébés », rapporte Christian Hutin. Chez ces consommateurs, ce circuit favorise l’achat des fruits et légumes : « en temps normal, un foyer de quatre personnes et plus achète 1,3 fois plus de fruits et légumes qu’une personne seule. Lorsque les achats se font en drive, le rapport est d’un à six. » Les plus jeunes achètent aussi deux fois plus de fruits et légumes que la moyenne des clients en drive alors que ce rapport est inversé dans les commerces physiques.

L’atout fraîcheur et la demande de standardisation

Un des atouts mis en avant par les acteurs spécialisés dans le e-commerce est la fraîcheur des produits. « Entre le moment où les produits sont déposés en point de collecte par les producteurs et le moment où ils sont vendus, il y a maximum 48 heures », détaille Natacha. Au drive fermier d’Avignon, où les producteurs ont choisi une distribution quotidienne de leurs produits dans des distributeurs automatiques, le délai est de maximum 24 heures. « L’un des freins à l’achat des fruits et légumes en ligne est la perte de contact physique et donc la crainte des consommateurs de l’irrégularité de la qualité des produits », souligne Christian Hutin. Les catégories de fruits et légumes les plus achetées en ligne sont celles qui ont un haut niveau de standardisation. « Cela permet aux consommateurs de savoir exactement ce qu’ils obtiendront sans avoir vu les produits », précise le rapport de Fruit Logistica. La standardisation passe aussi par l’emballage. « Ordinairement, le préemballé représente un tiers des volumes, indique dans son étude Christian Hutin. En drive, la proportion est inversée. » « Nous nous attendons à voir augmenter les conditionnements en unité individuelle, hermétiques, en matériaux écologiques », s’avançaient les rédacteurs du rapport. Certains acteurs se spécialisent aussi sur des produits prédécoupés.

Le frein du dernier kilomètre

Le conditionnement est en effet une des contraintes à prendre en compte par les producteurs ou les entreprises spécialisées, « qui devront étendre leur capacité de packaging », prévoit l’étude de Fruit Logistica. « Les producteurs ont dû s’habituer à conditionner en plateau de 1 ou 3 kg avec parfois plusieurs espèces de fruits par plateau », indique Guillaume Sinard. Les charges les plus lourdes résident dans le reconditionnement, la préparation des commandes et les livraisons, si elles existent. La gestion du dernier kilomètre jusqu’au consommateur reste le principal risque de perte de rentabilité. En France, la livraison à domicile ne domine pas mais ce n’est pas le cas d’autres pays comme le Royaume-Uni. Les géants du web, tel que Amazon et son offre Prime now, se placent sur ce créneau mais en restreignant encore leur couverture à certains centres-villes (voir Réussir Fruits et Légumes n°391). La logistique reste le nerf de la guerre dans ce type de commerce. Outre l’interface de vente sur internet, des logiciels permettant l’approvisionnement, les préparations de commande et les parcours de livraison sont indispensables. Ces outils informatiques sont aussi une opportunité pour répondre à la demande de transparence des consommateurs et d’autres types de services (recettes, reportages…). « Une façon de différencier son offre », souligne l’étude de Fruit Logistica.

Un débouché parmi d’autres

Pour les producteurs, ce débouché en est un parmi d’autres. « Nous ne voulons pas créer de dépendance chez nos producteurs fournisseurs, dans un sens comme dans l’autre, et nous essayons de faire en sorte de ne pas représenter plus de 30 % de leur CA », prévient Natacha de Kelbongoo. « Le passage à la vente directe via le drive est souvent progressif sans qu’il devienne pour autant le débouché principal, indique Guillaume Sinard. Mais c’est un débouché souvent rentable. » Dans le système drive fermier du Vaucluse, ce sont les producteurs qui fixent leur prix sur lequel une marge de 20 % est prise pour la gestion des commandes. Alors que le paiement était reversé en fin de mois au producteur et il sera effectué dès la commande du client passée. « C’est une aide à la trésorerie, notamment pour de jeunes installés, souligne le conseiller. Il a permis à certains producteurs du groupe d’arriver à prendre un jour de congé par semaine pour ceux qui étaient en vente directe ou d’embaucher un salarié. »

"Le niveau global des quantités achetées en ligne a plus que triplé depuis 2012", Christian Hutin, CTIFL.

Sources :

Les achats de fruits et légumes en ligne, une pratique émergente en quête de fidélisation, Info CTIFL n°343

The rise of Online retail, Fruit Logistica report 2018

The future of E-commerce in FMCG, Kantar World Panel, 2016

Le cas de la Chine

La Chine est le pays où le e-commerce est le plus développé avec des livraisons à domicile. Près de 8 % des produits de grande consommation sont vendus en ligne et les fruits font partie des premiers. Deux groupes spécialisés dans ce type de commercialisation Tmall (groupe Alibaba) et JD.com totalisaient 82 % du e-commerce chinois en 2018. Mais avec l’arrivée de la grande distribution locale sur le secteur du e-commerce, la croissance des spécialistes du web ralentit. Ils essayent de se démarquer grâce aux services de livraison de leurs prestataires. SF express a ainsi lancé ses livraisons par drone dans un rayon de 120 km sur la région pilote de Jianjxi.

Les acteurs de la vente de fruits et légumes en ligne

Les drives fermiers

Les « Drives fermiers » sont portés les Chambres d’agriculture. Un producteur seul ou en groupe peut avoir accès au système de vente en ligne dédié si au moins 80 % du volume d’activité du Drive est réalisé avec les produits issus de son exploitation. L’utilisation du système informatique en lien avec les « drives fermiers » coûte 300 €/an et 1 % du chiffre d’affaires du drive. Aujourd’hui, 45 Drives fermiers existent avec 120 points de retrait. Plus de 90 000 commandes sont effectuées par an. Plus de 900 producteurs sont engagés dans ce type de vente.

Les drives des grandes surfaces

Plus de 5 000 drives ou click and collect, gérés par une des 15 enseignes de la grande distribution, étaient ouverts en France fin 2018 (source LSA). Les trois cinquièmes sont accolés à un magasin physique, le reste concerne soit un retrait de ses courses à l’accueil soit les drives sont déportés. Le leader est l’enseigne Intermarché avec plus 1 300 sites de drive à lui seul. Et le nombre continue à croître, tout comme leur chiffre d’affaires, avec 7,6 % de plus en 2018 par rapport à 2017. Ce succès est un cas particulier à la France.

Les spécialistes

Une multitude d’entreprises spécialisées dans la vente de produits alimentaires en ligne existent. Beaucoup d’entre elles ont un rayon d’action régionale. Mais certaines se sont structurées pour travailler au niveau national comme Potager city, Nature O frais ou au niveau européen comme La Ruche qui dit oui ! Elles se distinguent en jouant la carte du local. Ces entreprises n’ont donc pas de stock, elles n’achètent que ce qui leur est commandé : en produits individuels ou en panier assortiment. La livraison est souvent concentrée dans des points de retrait ou sur le lieu de travail, ce qui permet aux entreprises de limiter le coût du dernier kilomètre.

A savoir

En pratique

Toutes les mentions indiquées en point de vente doivent être reprises lors d’une vente par internet : désignation du produit, origine, catégorie, variété et calibres selon les normes appliquées en fonction des espèces.

La vente en panier est possible si son poids net est inférieur ou égal à 5 kg avec une qualité homogène des fruits et légumes. Ils sont considérés comme des mélanges d’espèce.

Il n’existe pas de droit de rétraction de l’acheteur. Une fois acheté, il n’y a pas d’annulation ou de retour de marchandises possibles.

Si le point de retrait n’est pas un point de vente, les informations relatives aux produits figurant sur le site sont reprises sur le bon de livraison ou la facture et doivent accompagner la marchandise.

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