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Le Maroc veut améliorer son usage de l’eau

Face aux impacts du changement climatique, le Maroc cherche à adapter son agriculture pour la rendre plus résiliente et moins dépendante de la ressource en eau.

Avec plus de 8 millions d’hectares de terres agricoles, le Maroc fait partie des pays qui souffrent le plus du changement climatique. C’est l’un des enjeux du Plan Maroc Vert (PMV) depuis son lancement en 2008. De nombreux acteurs ont sonné l’alarme et entamé des travaux de grande envergure afin de faire face aux défis du changement climatique. « La zone méditerranéenne est clairement l’une des zones les plus exposées et les plus sensibles aux conséquences possibles du changement climatique sur la planète. L’impact serait plus prononcé dans les pays du Sud comme le Maroc qui, même s’il est un pays faiblement émetteur de gaz à effet de serre, est déjà l’une des régions les plus sèches du monde. Au Maroc, l’impact du changement climatique sur l’agriculture présente de nombreux aléas à effets multiples. La sécheresse est le plus sévère et le plus récurrent de ces effets, mais aussi le moins prévisible », précise le Pr Mohammed Sadiki, secrétaire général du ministère de l’Agriculture et président du Centre international des hautes études agronomiques méditerranéennes. Le changement climatique rendra plus difficile les cultures spécialisées au Maroc, en particulier celles qui nécessitent beaucoup d’eau.

1,3 million d’hectares de fruits et légumes touchés

Selon le Pr Sadiki, l’agriculture non irriguée, qui représente plus de 75 % de la rotation des cultures marocaines, est impactée par les pluies faibles et irrégulières. Mais l’agriculture irriguée (maraîchage, arboriculture…) est également fortement impactée, selon les années et les régions, en raison d’une disponibilité irrégulière de l’eau des barrages et d’une augmentation des coûts d’énergie et d’eau. Ainsi, « le changement climatique aura certainement un impact sur la productivité des principales cultures, en particulier les fruits et légumes qui sont les aliments de base du Maroc », note Michael Gajo, chef du département Environnement et Climat de la GIZ Maroc (agence de coopération internationale). Au Maroc, les cultures de fruits et légumes couvrent 1,3 million d’hectares dont 1,06 million pour les fruits et 280 000 pour le maraîchage. « Ces cultures ont un besoin élevé et constant en eau d’irrigation. Elles consomment entre 6 000 et 9 000 m3 d’eau par hectare et par an », note le Dr Mimouni, du Centre régional de recherche agronomique INRA à Agadir. La plupart des zones de production souffrent déjà d’un déficit hydrique. L’abaissement et la modification des pluies, associés à une augmentation des températures et à des valeurs potentielles d’évapotranspiration élevées auront un impact clair sur la rentabilité de ces cultures.

Le choix des cultures et des variétés

La filière fruits et légumes devra donc s’adapter, notamment en privilégiant les espèces les plus « rentables » en termes d’utilisation de l’eau. Par exemple, une analyse économique de la tomate de serre, culture rentable à l’export, a montré que son niveau de valorisation de l’eau était de 42 Dirhams/m³ (3,85 euros), contre 10 Dhirhams/m³ (0,92 euro) en moyenne pour les autres légumes. « Il est nécessaire de privilégier des cultures qui valorisent au mieux cette ressource rare qu’est l’eau », ajoute le Dr Mimouni. Mais au-delà du choix des espèces, des améliorations doivent être faites en termes de productivité et de consommation d’eau. Les rendements moyens à l’hectare en serre de tomate ne dépassent pas 200 tonnes, avec une consommation d’eau d’environ 30 l/kg de tomate. En comparaison, aux Pays-Bas, la consommation d’eau pour produire un kilo de tomates est inférieure à 5l avec un rendement à l’exportation supérieur à 600 tonnes/ha. « Nos serres canariennes ont atteint leurs limites en termes de qualité pour la production et l’exportation. Il serait grand temps de produire dans des serres de nouvelle génération à climat contrôlé (température, humidité et niveaux de CO2) afin d’augmenter les rendements et la qualité tout en réduisant la consommation d’eau à 10 l/kg de tomates, atténuant ainsi l’impact environnemental, déclare le Dr Chraibi, membre de l’Association marocaine des producteurs et exportateurs de fruits et légumes (APEFEL). Pour atténuer l’impact du changement climatique, il est temps d’entamer un examen approfondi de notre chaîne de production pour remédier à ses défaillances, à savoir la productivité, notamment à l’exportation ».

Le rôle de la formation des agriculteurs

Dans la région du Souss-Massa, d’autres cultures utilisent efficacement l’eau. Des recherches sont menées sur ces cultures alternatives car elles sont une adaptation possible au changement climatique : oliviers, palmiers dattiers, arganiers, cactus, amandiers, figuiers ou caroubiers… « Le nouveau modèle agricole devra conserver et optimiser les ressources en eau et soutenir les cultures à valeur ajoutée adaptées aux caractéristiques du territoire », souligne Pedro Bastida, PDG de l’exportateur Alicomar. La formation des petits agriculteurs permettra également d’atténuer l’impact du changement climatique sur le développement social et économique de la population rurale marocaine. Ce soutien devra être initié par les pouvoirs publics ainsi que par les associations professionnelles de toutes les régions marocaines.

 

A lire aussi : Le Maroc segmente sa tomate

 

En chiffres

Production

1,06 million d’hectares de fruits

280 000 ha de légumes

Consommation d’eau

6 000 à 9 000 m3/ha/an pour les fruits et légumes

Club de la presse du Sival

 

 
Cet article, paru initialement dans la revue marocaine Food magazine, a été rédigé dans le cadre du Club de la presse internationale du Sival. Sept journalistes du monde entier, de la presse spécialisée de l’agriculture et des fruits et légumes, ont travaillé sur la thématique de l’impact du changement climatique sur la production de fruits ou de légumes dans leurs pays respectifs. Les articles issus de ce travail ont été présentés au cours d’une conférence au Sival 2020.

 

Une transition vers le goutte-à-goutte

L’un des objectifs du Plan Maroc Vert est de remplacer le réseau gravitaire classique par une irrigation localisée au goutte-à-goutte, sur une superficie de plus de 600 000 hectares. Mais, selon Aziz Elbehri, économiste à la FAO, « la transition actuelle du Maroc vers l’irrigation goutte-à-goutte n’est pas très efficace car elle n’est pas soutenue par des restrictions sur les quantités d’eau autorisées. Cela signifie que l’économie d’eau ne concerne que la parcelle et non la région (ou le bassin versant) ». L’aspect économique ne doit pas être négligé car la conjonction d’un besoin accru et d’une pénurie d’eau entraînera une augmentation des coûts d’irrigation et donc du prix des produits agricoles.

Des réponses au changement climatique

 

 
Le Maroc fait partie des zones les plus exposées au changement climatique. Lancé en 2008, le Plan Maroc Vert doit répondre à cette problématique. © RFL
Le Plan Maroc Vert a conduit à une modification de la structure de la valeur ajoutée agricole et à l’arrêt de l’impact de la volatilité de la production céréalière sur la croissance du secteur. Le secteur agricole au Maroc fait ainsi preuve d’une meilleure résilience grâce à une dépendance beaucoup plus faible aux céréales. En effet, la contribution des céréales à la valeur ajoutée agricole totale a diminué de 9 % entre 2003-2005 et 2015-2018 au profit des cultures fruitières (+ 9 %). Les principaux objectifs des programmes lancés suite au Plan Maroc Vert sont :

 

- L’optimisation de la gestion et l’efficacité des ressources en eau pour l’agriculture en modernisant les systèmes d’irrigation

- Le développement de cultures moins exigeantes en eau

- Le développement des cultures sous serre permettant de contrôler les conditions de culture

- Le développement et l’utilisation de variétés résistantes à la sécheresse et aux pénuries d’eau, pour une large gamme d’espèces végétales

- Le déploiement des pratiques de gestion des risques. En cas de crise climatique comme une sécheresse, ces pratiques doivent permettre de déployer des actions rapidement et efficacement afin de conserver les ressources agricoles et stabiliser les prix

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