Avocat - Afrique du Sud
« Le marché européen a encore du potentiel ! »
A quelques semaines de la fin de la campagne sud-africaine d’avocats, Richard Nelson, conseiller technique européen pour la filière, dresse un portrait de l’évolution du marché et des perspectives de production.


Fld : L’Afrique du Sud est en fin de campagne de commercialisation, comment s’est-elle déroulée ?
Richard Nelson : La qualité était au rendez-vous. On a eu quelques petits soucis courant juillet du fait d’un arrivage de fruits trop conséquent toute origine confondue. Les prix ont donc baissé. Mais, d’une manière générale, la campagne est assez bonne. Depuis quelques années, on essaie de travailler en collaboration avec les autres origines comme le Pérou ou le Kenya afin de régler les arrivages chaque semaine au plus près du marché. Le problème c’est qu’en juillet le temps n’était pas favorable à la consommation. Aussi, même si nous avons essayé d’avoir des volumes assez constants – mais il faut compter que la réactivité est relative –, il nous faut trois à quatre semaines pour régulariser nos arrivages en fonction du marché si la météo n’est pas clémente. Après, il faut prendre en compte le fait que nous travaillons en majorité durant l’été. Or, il n’est pas rare de voir sur les étals des fruits qui ont subi une rupture de la chaîne du froid, ce qui peut altérer la qualité du fruit.
Fld : Quelle est l’évolution de la production en Afrique du Sud ?
R. N. : Depuis dix ans, nous avons une saison qui fluctue selon les années. On varie d’une production de 10 à 12 millions de cartons exportés vers toute l’Europe durant les bonnes années à une production frôlant les 6 à 7 millions de cartons. Car la production d’avocats est assez cyclique. Depuis quelques années, nous essayons d’éviter ce phénomène en élaguant les arbres pour sélectionner à la récolte, ce qui permet de stabiliser au mieux la production. C’est le cas cette saison où la production est assez similaire à celle de l’an passé à l’export vers l’Europe à 10-12 millions de cartons.
Fld : Alors la production ne progresse pas ?
R. N. : Nous avons de nouvelles plantations, qui devraient donner des fruits d’ici trois ou quatre ans, mais de manière générale cela se stabilise avec les vergers arrachés. Mais il faut bien comprendre que cela s’effectue sur un marché mondial qui progresse chaque année.
Fld : Quelles sont les évolutions du marché européen ?
R. N. : Le marché européen a encore du potentiel. Mais il reste encore à éduquer le consommateur. Il y a quinze ans, nous avons fait de la promotion au Royaume-Uni, et aujourd’hui c’est presque devenu notre premier marché ! Il faut aussi prendre en compte le fait que l’avocat reste un produit assez cher, voire même réservé à une élite. Pour autant, partout en Europe, il y a un réel potentiel de consommation notamment avec l’élargissement de l’UE. La Scandinavie aussi est un marché important pour nous mais pas aussi imposant que la France, le Royaume-Uni ou l’Allemagne. Il existe aussi un réel potentiel en Pologne, nous attendons notamment que les gens aient un peu plus de moyens mais nous ne sommes pas les seuls sur ce marché en plein développement.
Fld : La récession économique a-t-elle eu un impact sur le marché de l’avocat ?
R. N. : Il est sûr qu’elle a eu un impact. Mais il existe des tendances qui se développent. C’est le cas de la vente des petits calibres. Ce ne sont pas forcément les meilleurs fruits, mais quand on achète du calibre 24/28, le prix est alors un peu moins élevé et pour un nombre de fruits plus important. C’est ce que font les hard discounters et cela se développe aussi chez les grands distributeurs qui les proposent en filets de 3 à 4 fruits. Mais attention, ce développement n’est pas forcément lié à la crise, c’est un marché qui progresse déjà depuis trois ou quatre ans. Et cela tombe bien parce qu’il y a quelques années, nous avions des difficultés notamment avec la production de petits calibres que nous n’exportions pas, surtout en Hass.
Fld : Quelle est la production selon les variétés ?
R. N. : En gros, la répartition s’effectue entre le Hass et les variétés dites vertes. Aujourd’hui, le Hass représente 45 % de la récolte exportée. Puis la variété verte la plus exportée c’est le Fuerte suivi par le Pinkerton destiné en particulier au marché allemand et scandinave.
Fld : Comment se développe le marché français ?
R. N. : Il se développe un peu. Il faut le voir de manière globale. En moins de dix ans, le marché européen de l’avocat a presque doublé surtout parce que la consommation a progressé au Royaume-Uni et en Europe du Nord. Pendant près de dix ans, l’Afrique du Sud était la seule origine présente de début juillet à fin août en Europe. Il nous était à l’époque difficile de commercialiser la totalité de nos volumes. Aujourd’hui, nous sommes toujours présents avec les mêmes volumes mais face à une concurrence exacerbée de nouvelles origines comme le Pérou, le Chili ou le Kenya.
Fld : Qu’en est-il d’une campagne de promotion commune avec les autres pays producteurs ?
R. N. : Honnêtement, je ne crois pas qu’une telle promotion puisse voir le jour. Certains acteurs n’ont pas cette volonté, notamment pour des questions de concurrence. Pour autant, il me semble que plus on travaille à l’échelle globale sur de bons produits et des volumes corrects et plus cela sert l’ensemble du marché. Après certains pays ne peuvent pas être considérés comme nos concurrents. C’est le cas d’Israël qui commence sa campagne en septembre alors que nous sommes à la toute fin de la nôtre. Et puis certains pays n’ont pas les mêmes volontés de promotion.
Fld : Quelle est la part du bio dans les productions sud-africaines ?
R. N. : A ce jour, les volumes bio représentent 5 à 6 % de nos exportations, voire même 8 %. Le problème avec le bio, c’est que le fruit coûte beaucoup plus cher et une part non négligeable de la population ne pourra pas payer plus cher le fruit. Il faut garder à l’esprit que le coût de production doit être pris en compte dans le prix consommateur. Une offre trop abondante sur un marché peu demandeur pourrait alors avoir de fortes répercussions sur les producteurs sud-africains. Nous sommes plutôt sur une recherche destinée à réduire les utilisations de produits chimiques, de production raisonnée, mais on ne développera pas à grande échelle la production bio, trop risquée pour les producteurs.
Fld : L’Afrique du Sud va-t-elle développer plus avant la production de Hass ?
R. N. : On essaie depuis quelques années de produire plus de Hass et moins de variétés vertes. Après, le risque c’est que l’on réduit la période de commercialisation. Pourtant, depuis dix ans, on a augmenté la proportion de Hass par rapport au Fuerte, mais on ne peut pas produire 100 % de Hass, car le marché local en Afrique du Sud n’est pas habitué à le consommer. Pour les Sud-Africains, le Hass mûr est considéré comme un avocat qui n’est plus consommable.