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Jacques Pelissard, président de l’Association des maires de France
« Le maire est devenu l’avocat d’un territoire »

Député-maire de Lons-le-Saunier et président de l’Association des maires de France, Jacques Pelissard nous a reçus pour nous faire partager l’expérience de sa ville quant à la restauration collective municipale qu’il a conservée en service public.

Depuis vingt ans, Jacques Pelissard s’est attaqué à la qualité de l’eau de sa commune, la ville de Lons-le-Saunier (Jura). Outre le fait d’avoir réduit la présence de nitrates et de pesticides, il a encouragé les agriculteurs d’une partie de la plaine voisine à raisonner leurs cultures. Et plus avant, incité certains d’entre eux à se convertir au bio. Mais plus encore que cette conversion, il a également poussé la réflexion jusqu’à leur proposer un marché. Un marché plus que rémunérateur et stable : celui de la restauration collective de la ville. « Faire en sorte de conserver la cuisine collective en gestion directe, c’est un double choix. Il ne faut pas être dogmatique, l’eau est une richesse de la ville. Donc tout ce qui est en orbite, si je puis dire, se devait de rester en régie directe. C’est le cas de la restauration collective. C’est ce qui a permis la démarche de demande de produits bio et donc d’offre, en incitant les producteurs à se convertir au bio. » Un an après sa prise de fonction, Jacques Pelissard a donc fait des choix. Avec un budget de 13 millions de francs à l’époque, il a choisi d’améliorer la qualité de l’eau. Cette évolution s’est faite en plusieurs phases. « La première étape a d’abord été d’inciter les producteurs à cesser de produire certaines grandes cultures et raisonner leurs intrants. On a ainsi stabilisé la présence de pesticides. La deuxième a porté sur une réflexion juridique, en imposant des pratiques culturales par éviction, et la troisième, en 2000, sur une réflexion de développement du bio. » Pour se faire, Jacques Pelissard a « investi dans les hommes », comme il dit. Estimant que tant qu’il y a des métiers importants qui procèdent de prérogatives et de puissances publiques, il faut les garder en régie directe. C’est ce qu’il a fait pour l’eau et la restauration municipale. En revanche, il a laissé place au privé pour tout ce qui peut être délégué à des gens qui connaissent bien leur métier.
Avec le milieu agricole, Jacques Pelissard explique la démarche engagée : « Nous avons décidé de passer convention avec les agriculteurs pour les inciter à raisonner leurs pratiques culturales. » Outre une évolution des techniques de production, la mairie a décidé d’aller plus loin en interdisant certaines céréales. « Ces conventions ont été passées avec le soutien de la chambre d’Agriculture pour que le contrôle soit opéré avec son financement. En contrepartie, la ville s’est engagée – par convention officielle au conseil municipal – à compenser financièrement une moindre productivité des terres. » Vingt ans après la signature de cette convention, celle-ci est sur le point d’être modifiée en raison de la parution de la loi sur l’eau (décembre 2006). « Depuis deux-trois ans, nous réfléchissons à cette nouvelle convention. Dans ce cas, il s’agira d’une déclaration d’utilité publique, qui nous mènera soit à une expropriation soit à une éviction de certaines parcelles proches de la zone de captage. Nous aurons une démarche plutôt d’éviction, c’est-à-dire la reprise de la partie exploitation en imposant des pratiques culturales (cessation de production de certaines céréales, cessation d’épandage du lisier et raisonnement des intrants), avec en plus une incitation au bio. »

La cuisine municipale a créé une “demande solvable” pour les agriculteurs
Pour que les producteurs convertissent leurs terres en agriculture bio, la mairie « a couplé cet effort avec le développement d’une demande importante, via la restauration collective. A l’époque on faisait 600 000 repas par an via la cuisine municipale. On s’est rendu compte qu’on disposait d’un outil fabuleux que constitue une véritable demande en bio. A partir de là, on a pu déclencher la production d’une offre bio. C’est-à-dire qu’à partir du moment où l’on dit “La demande est pérenne, c’est une demande solvable”, on peut déclencher une offre de qualité bio. C’est ce qui s’est passé, on a commencé par un produit simple, classique : le pain. » Quant au surcoût pour les consommateurs, Jacques Pelissard souligne : « La première année avec le pain, le surcoût s’élevait à 17 000 €. Mais le partenariat que nous avons mis en place avec les producteurs a lissé cela. Lorsqu’on a une flambée des prix sur le blé, nous n’avons pas d’effet yo-yo, tout cela est possible parce que nous signons des contrats sur trois ans. »

Un projet de construction d’une légumerie
Après avoir proposé du pain, la ville de Lons-le-Saunier s’est attaquée à la viande bio. « Nous achetons les bêtes sur pied, donc la marge du chevillard n’existe pas. Et cette filière bio s’est développée grâce à la demande. Aujourd’hui 100 % de la viande proposée est bio. Depuis, nous avons développé une offre de yaourts bio et maintenant de légumes. » Pour ces derniers, la ville de Lons-le-Saunier a un important projet, la construction d’une légumerie. « Ce projet fait partie du budget 2011. Nous avons voté les orientations budgétaires début novembre. » Il s’agira d’un bâtiment construit à côté de la cuisine municipale. « Tout cela fonctionnera par conventionnement avec les fournisseurs de légumes bio. » La légumerie pourra approvisionner la restauration municipale de Lons mais aussi les cuisines des lycées et collèges de la région. « Nous allons bénéficier d’une dotation intéressante de l’Agence de l’eau pour sa construction », ajoute-t-il (une aide équivalant à 40 % du budget global qui s’élève à 200 000 €). Pour les légumes (dont 25 % des volumes sont bio), la ville est en achat de marché, donc hors contrat. Et les fruits, « C’est la misère, note le directeur de la cuisine centrale Didier Thevenet. On a bien un producteur de pommes bio proche de Lons, mais pour le reste de nos besoins, on s’approvisionne en conventionnel. »
Dans la future convention avec les agriculteurs, Jacques Pelissard annonce une majoration pour les agriculteurs désirant se convertir au bio. Dans ce cadre, les légumes seront concernés. Pour autant, il estime qu’il serait nécessaire de modifier la loi concernant les exploitations bio. « Pour cibler les zones de protection des nappes phréatiques, il serait bon que les parcelles puissent être bio indépendamment des autres parcelles de l’exploitation non impliquées. Il est donc nécessaire de modifier la législation pour cibler uniquement les zones à protéger en priorité. » [Le règlement (CE) n° 834/2007 relatif à la production bio prévoit la cohabitation de plusieurs modes de production sur une même exploitation mais avec des contraintes importantes, NDLR] Cette demande, Jacques Pelissard la présentera en tant que député et président de l’Association des maires de France (AMF). « Nous avons identifié le problème, qui est bien réel aux alentours de ma commune. Or c’est toujours à partir d’exemples locaux que l’on peut bâtir des solutions nationales. Si je prends la partie dédiée aux déchets en France, elle a été entièrement construite grâce à des expériences locales. C’est le rôle de tout député proche du terrain. »

Pour un remaniement de l’article 53 du code des marchés publics
Par ailleurs, Jacques Pelissard ne renonce pas à faire modifier le code des marchés publics pour la restauration collective. Le but, remanier l’article 53 du code des marchés publics pour faciliter l’achat durable de denrées alimentaires. Une modification promise lors de l’adoption de la LMA. « J’ai adressé une demande au ministre du Budget, François Baroin, à ce sujet », avait lancé Jacques Pelissard lors d’une conférence à l’Assemblée nationale sur le bio et le local (cf. fld hebdo du 2 novembre). « Je n’ai pour l’heure aucune nouvelle. J’ai demandé que, dans le cadre du code des marchés publics, le critère de la proximité et du circuit court puissent être pris en compte. Cela me paraît logique. Faire circuler les produits sur une partie de la planète, ou en provenance de l’autre bout de la France, soyons courts, cela me paraît déraisonnable. Pour le moment, le code prend en compte des critères en termes de bio ou d’environnement mais ils sont insuffisamment calés sur cette dimension de proximité. »
Jacques Pelissard ne défend pourtant pas cette position du consommer local à tous crins. C’est en prenant l’exemple des marchés et des petits commerces de centre-ville, qu’il donne son point de vue. « En toute franchise, la démarche de circuit court, d’acheter local, est une préoccupation du maire, selon la volonté de ses concitoyens. Ce qui est important pour lui, c’est de satisfaire la demande de la population. C’est la raison pour laquelle, dans le cas des petits commerces, créer de nouveaux marchés, beaucoup de communes s’en préoccupent. Seulement, on ne peut pas avoir autant de marchés que de communes, sinon la diffusion de l’offre serait pénalisante pour la qualité des produits et la rentabilité des commerces. » Et ce thème fait partie de ceux débattus au sein de l’AMF. « On a créé une commission “Marchés” au sein de l’AMF qui se réunit depuis déjà quelque temps. Ces réunions d’élus permettent des échanges d’expériences en particulier sur les deux modèles de gestion des marchés : les régies directes avec un régisseur municipal et ceux gérés par un prestataire extérieur, délégataire. On a donc affaire à deux champs d’expériences différents. »
Des commissions, l’Association des maires de France vient d’en créer une en septembre dernier dédiée à la restauration collective. « Chaque fois qu’il y a un sujet d’actualité, et qu’il y a un intérêt pour une réflexion collective, on crée un groupe particulier, un groupe ad hoc. »

200 000 €
Le projet de construction d’une légumerie à proximité de la cuisine centrale de la ville de Lons vient d’être validé dans le budget 2011. L’Agence de l’eau soutient ce projet à hauteur de 40 % du budget global.

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