Législation
Le local à l'épreuve du Code des marchés publics
Le Code des marchés publics a subi quelques modifications pour faciliter aux PME l'accès aux appels d'offres. Est-ce suffisant ?



La récente évolution du Code des marchés publics ouvrira-t-elle une “fenêtre” pour une plus grande présence des produits de proximité dans les appels d'offres de la restauration collective ? Si les espérances sont grandes, la réalité s'avère toutefois un peu plus compliquée.
L'évolution des textes
Le Code des marchés publics, pierre angulaire de la relation entre fournisseurs et acheteurs publics, a connu quelques modifications. La dernière en date – le décret du 17 septembre dernier (20151163), publié le 20 septembre – relève le seuil de dispense de procédure (publicité…) de 15 000 à 25 000 €. Considéré comme une possibilité plus importante donnée aux PME d'accéder à la commande publique, ce texte s'ajoute à d'autres changements (ordonnance du 26 septembre 2014 sur la simplification des marchés publics, et celle du 23 juillet 2015 qui réécrit l'ensemble des règles applicables aux marchés soumis jusqu'à présent au Code des marchés publics). Autant d'évolutions qui permettraient de dire “Le Code des marchés publics n'est plus un frein aux achats de proximité” comme on peut le lire dans le fascicule du ministère de l'Agriculture intitulé “Utiliser les plates-formes collectives pour développer l'approvisionnement local en restauration collective”. Les règles de non-discrimination, la réglementation européenne peuvent tempérer l'enthousiasme, mais la volonté politique est là. Il existe d'ailleurs différentes “astuces” pour permettre la sélection de fournisseurs de proximité : la négociation, l'allotissement des marchés, la contractualisation de chaque lot échelonnée dans le temps, le choix de critères de sélection des candidatures et d'attribution du marché appropriés, le choix de conditions d'exécution du marché appropriées, le choix de marchés multi-attributaires. Des conseils venant directement des informations largement diffusées par la rue de Varenne.
Un sujet “chaud bouillant”
Le thème est à ce point sensible qu'il s'est immiscé dans la table ronde sur l'origine France organisée pendant le dernier Congrès de Légumes de France à Perpignan le 20 novembre dernier. Il est vrai que les professionnels attendent beaucoup de la restauration collective pour mettre en avant les produits français. Mais comme le faisait remarquer Jacques Rouchaussé, président de Légumes de France, plutôt méfiant : « L'indication d'origine de la viande est obligatoire en restauration collective, et elle n'est pas toujours suivie. Que penser alors pour les f&l où il n'existe pas une telle obligation ?… »

La volonté de la rue de Varenne de “pousser” l'approvisionnement local s'est traduite par un guide pratique “Favoriser l'approvisionnement local et de qualité en restauration collective” diffusé le 3 décembre 2014 à l'ensemble des maires de France, présidents de Conseils départementaux et régionaux. D'autres brochures sont venues compléter l'offre à l'été dernier : l'une recense les soutiens financiers mobilisables, nationaux et européens, selon les étapes de construction des projets, une autre s'attarde sur les plates-formes collectives permettant de développer l'approvisionnement local en restauration collective. Enfin, Stéphane Le Foll a annoncé lors de l'Assemblée générale de Restau'Co en novembre, qu'à l'occasion du prochain Salon de l'agriculture, le ministère éditerait un kit pratique avec modèle type de procédure d'achats et fiches pratiques.
Pour André Belloc, vice-président de Restau'Co, environ la moitié des f&l utilisés dans la restauration collective en gestion directe sont d'origine française. Mais il faut aussi considérer le coût d'un repas. « Ce que l'on peut dire sur le coût d'un repas dépend du segment de restauration considéré, a-t-il précisé à la tribune. Pour les classes maternelles, il se situe entre 0,80 et 0,90 €. D'une manière générale, le coût d'un repas oscille entre 1 et 3,50 € pour 80 % de la restauration collective. Il est supérieur à 3,50 € pour les 20 % restants, le plus souvent en restauration d'entreprise. Si l'on voulait tirer une moyenne, en gros, un repas en restauration collective coûte 2,50 €. »
Et pour illustrer ces propos, rien ne vaut un exemple. Laurent Bergé, président de l'AOPn Tomates et Concombres de France, explique : « Dans les appels d'offres, il est aujourd'hui possible d'inclure des critères relevant de la RSE, dont un approvisionnement de proximité pour réduire l'empreinte carbone. Et cela peut être favorable pour le produit français Je voudrais bien savoir quel serait [pour la collectivité, ndlr] le surcoût alors pour une moitié de tomate, trois-quatre tranches, en calibre 67/77 ? »
La réponse du vice-président de Restau'Co ne se fait pas attendre : « Pour une tomate de 120 g, cela représente un coût de 0,08 à 0,10 €. On peut absorber ce coût, bien entendu. »
L'utopie d'un approvisionnement 100 % origine France
André Belloc ajoute : « Même dans le cas où les marchés publics n'existeraient pas, il faut bien voir qu'un approvisionnement 100 % France ne serait qu'un bonus. La France ne produit pas tout. Nous évoluons aussi dans un contexte européen. Pour autant que je sache, des f&l français sont achetés par nos voisins européens. L'impact financier d'un 100 % France est aussi à considérer : de l'ordre de 8 à 12 % du coût global d'un repas. Les grandes collectivités pourraient se le permettre. De plus, ce sera au domaine juridique de dire si l'introduction de critères RSE dans les appels d'offres est en phase avec la réglementation européenne. Rappelons-nous qu'à une époque on a imaginé un calcul se faisant sur la taxe carbone. »
Pour nombre de responsables en restauration collective (intendants et chefs), la notion de proximité est pour le moins “élastique”, considérant que certaines régions sont plus favorisées que d'autres (ne serait-ce qu'au niveau des politiques voulues en termes d'approvisionnement). Que désire en fin de compte la restauration collective ? « Un approvisionnement régulier avec une constance dans la qualité et, bien sûr, du prix de revient », a noté André Belloc. Sur ce point, il faudra regarder de près l'évolution de la convention de partenariat signée entre Restau'Co, la Fédération des marchés de gros de France et l'Association pour l'achat dans les services publics (APASP) avec pour objectif de favoriser une meilleure connaissance entre les acteurs de la restauration collective et les marchés de gros afin de développer l'approvisionnement de proximité (cf. fld hebdo du 11 novembre).