Drive fermier
Le drive fait des émules chez les producteurs
Situés au cœur d'une zone d'activité qui draine plusieurs milliers de salariés, les producteurs livrent tous les jeudis les commandes passées sur le net. Expérience.
Un drive fermier a-t-il sa place dans une agglomération déjà largement alimentée par ceux des GMS et dotée de nombreux circuits courts ? Il semble que oui, en Mayenne en tout cas. Laval et son agglomération - qui approche les 100 000 habitants - compte au moins huit drives en GMS, La Ruche qui dit Oui, un magasin de producteur appelé L'Ilot fermier et cinq Amap, dont une située dans l'agglomération. Depuis décembre 2013, les Mayennais ont en plus la possibilité de s'approvisionner en produits fermiers via un drive. « L'idée est venue d'une conseillère agricole de Bienvenue à la Ferme à la recherche de produits locaux », affirme Marie Bourny, présidente de l'association du Drive fermier 53. Cette dernière réunit dix-neuf producteurs adhérents du réseau Bienvenue à la Ferme, dont deux maraîchers, Brice Marsollier et Pierre-Yves Haudayer, et deux arboriculteurs, Emmanuel Viot et Thibaut de Lavarène. Les habitants peuvent ainsi acheter des pommes et des poires, des légumes de saison et quinze autres familles de produits, les offres habituelles (porc, volaille, lapin, viande bovine, fromage, yaourt, œuf, cidre, miel, foie gras, plants horticoles) mais aussi les plus insolites comme de la viande d'autruche. La légumerie 53 participe aussi comme fournisseur (cf. encadré p. 42).
Les commandes et le paiement en ligne s'effectuent au plus tard le lundi sur le site Internet (drive-fermier.fr/53). Près de 600 clients y sont inscrits dont un tiers commande très régulièrement tous les huit ou quinze jours. La Chambre d'agri-
culture, située dans la technopole de Laval à Changé, sert de lieu de dépôt où tous les jeudis de 16h30 à 19h30 les clients peuvent retirer leurs achats. L'endroit est sans doute bien choisi puisque l'instance agricole est implantée au cœur d'une zone universitaire, tertiaire et industrielle qui draine plusieurs milliers de salariés. Chaque semaine 45 commandes sont préparées en moyenne. Les agriculteurs arrivent à 15h30 pour déposer leurs produits dans les caisses identifiées au préalable par un numéro et le bon de commande du client.
L'un des trois adhérents en charge de l'organisation exécute cette tâche hebdomadaire. Les produits nécessitant une basse température sont stockés en armoire froide en attendant un investissement dans une chambre adéquate qui permettra de loger les caisses elles-mêmes.
Initié en Alsace en 2013, le Drive des Epouvantails compte treize antennes dans l'Hexagone dont une aux Ponts de Cé (Maine-et-Loire).
L'approvisionnement et le lieu de dépôt s'effectuent dans un magasin de producteurs spécialisé dans le bio. La mise en route de l'installation leur a coûté 2 500 €. La logistique du site revient aux fondateurs du drive Eric Petitjean et Manuel Bolleau. L'activité démarre doucement avec 500 €/mois de
chiffre d'affaires. « Nous sommes en réflexion pour la développer, relève Olivier Hauville, membres sociétaires de Terre et Terroirs. Le challenge serait de livrer aux comités d'entreprise du secteur. Notre clientèle, des jeunes femmes, vient souvent chercher sa commande durant le déjeuner pour gagner du temps. »
Drive fermier 53 propose des légumes conditionnés par Génie, une structure qui emploie neuf personnes en insertion. La légumerie (cf. fld hebdo du 24 septembre 2014) a déménagé des cuisines du lycée agricole de Laval dans celles de l'ancienne caserne militaire mise à disposition par la mairie. Le principe est de laver, découper, mettre sous vide les produits issus de la Mayenne. Les demandes du drive sont assez timides mais devraient aller crescendo à partir du printemps. Cet hiver, le kit soupe et les légumes oubliés ont remporté le plus de succès, avec le kit ratatouille à l'automne. Génie – dont les clients sont divers (restauration scolaire, instituts publics, quelques restaurateurs) – livre 6 tonnes de légumes par mois.
Un rapport qualité/prix apprécié
A tour de rôle, deux producteurs assurent la permanence. En ce jeudi 16 avril, le maraîcher Pierre-Yves Haudayer et l'encadrante technique d'insertion professionnelle de la légumerie 53 Mélanie Usureau accueillent les clients, des familles essentiellement et des retraités. Le prix du panier moyen est assez élevé puisqu'il se chiffre à 35 €. « Nous offrons, assure le producteur de miel Thierry Cocandeau, un rapport qualité/prix intéressant. Nous drainons un type de clientèle qui certainement ne s'approvisionnerait pas auprès du magasin fermier où les prix sont plus élevés. Ce magasin est seulement à 10 minutes d'ici en voiture mais il est vrai que s'il se trouvait en face de la Chambre d'agriculture, nous aurions plus de mal à vendre nos produits. »
La clientèle du drive fermier est sans doute plus conciliante envers les producteurs que les acteurs des GMS. Pour preuve cette cliente qui croyait à tort que le drive s'était trompé de jour de livraison (la viande bovine est à commander quinze jours avant) et qui s'exclame : « Je veux bien vous aider pour améliorer le service ! »
Les erreurs de commande sont rares mais elles arrivent. De retour de sa permanence, un producteur n'hésite pas à porter le produit manquant chez une cliente située sur la route de son exploitation. Tous les producteurs associés font de la vente directe et respectent la charte de Bienvenue à la ferme. Brice Marsollier, 6 ha dont un sous couvert, commercialise déjà ses produits dans un magasin situé sur sa ferme à Renazé (Mayenne) et sur plusieurs marchés locaux. « Le drive a l'avantage d'être un commerce plus régulier, affirme-t-il, que les marchés. Mais il demande un coût de transport plus important – je ne livre plus moi-même les légumes au drive – et les contacts soit moins conviviaux que sur les marchés. » Les producteurs ne comptent pas seulement sur le bouche-à-oreille pour développer ce nouveau mode de commercialisation. Ils continuent quelques actions qu'ils ont entamées dès l'ouverture : distribution de flyers, relation avec les médias. Toutes les semaines, les animateurs de France Bleu Mayenne font allusion au drive fermier dans la rubrique “Les produits du marché” en indiquant les prix pratiqués. De la publicité dans les revues locales est à l'étude. Le drive consacre entre 1 000 et 2 000 € à son plan de communication.