Le cuivre se cherche des alternatives
L’utilisation du cuivre en agriculture biologique comme conventionnelle pose la question de son impact sur l’environnement. S’il n’est pas pour l’heure envisageable de s’en priver, la recherche d’alternatives efficaces se poursuit.
L’utilisation du cuivre en agriculture biologique comme conventionnelle pose la question de son impact sur l’environnement. S’il n’est pas pour l’heure envisageable de s’en priver, la recherche d’alternatives efficaces se poursuit.
Le cuivre est largement utilisé en arboriculture, en viticulture et dans certaines cultures légumières pour ses effets fongicides et bactéricides, notamment en agriculture biologique. C’est un produit qui présente un très bon rapport coût/efficacité contre les mildious de la vigne et de la pomme de terre, les tavelures du pommier et du poirier ou encore les maladies de conservation des fruits. Mais, en s’accumulant dans le sol, il est toxique vis-à-vis de certains vers de terre et des micro-organismes. Actuellement fixée à 6 kg/ha/an, la dose maximale de cuivre métal autorisée en protection des plantes en AB pourrait à l’avenir être réduite à 4 kg/ha/an. C’est du moins une suggestion de l’Anses. « La matière active "cuivre" sera bientôt en réévaluation au niveau européen », signale Nathalie Rivière, conseillère arboriculture à la Chambre d’agriculture de Lot-et-Garonne, lors d’une rencontre sur le thème de l’arboriculture bio en novembre. La recherche d’alternatives est donc plus que jamais d’actualité.
Bicarbonate de potassium et bouillie sulfocalcique
« Ces dernières années, plusieurs projets de recherche ont cherché à identifier des produits alternatifs au cuivre qui ne présentent pas son niveau de toxicité », indique Claude-Eric Parveaud, du Groupe de recherche en agriculture biologique (Grab), lors d’une conférence au salon Tech & Bio en septembre dernier. Le dernier en date, Co-Free a rassemblé vingt partenaires issus de dix pays européens entre 2012 et 2016 autour de quatre cultures : la vigne, la pomme, la pomme de terre et la tomate. Une vingtaine de produits alternatifs ont été testés au cours du projet, à base de micro-organismes, de protéines, de levures, d’oligosaccharides, de nématodes, de plantes ou d’algues. Mais seulement un nombre limité de ces produits a pu être testé en France. Sur pomme, contre la tavelure, « la stratégie testée la plus efficace a été l’application de bicarbonate de potassium en début de contamination primaire », constate Claude-Eric Parveaud. « Le bicarbonate de potassium, moyennement efficace sur tavelure, est intéressant pour ses effets sur d’autres champignons comme l’oïdium, les suies et crottes de mouches », évalue Catherine Reynaud, domaine expérimental La Tapy, dans une fiche technique publiée sous la coordination de la Chambre d’agriculture PACA. Comme le soufre et la bouillie sulfocalcique (qui ne possède pas d’AMM mais qui a bénéficié d’une dérogation d’usage en 2016 et 2017), le bicarbonate de potassium est cité par Nathalie Rivière comme un traitement possible contre la tavelure en arboriculture bio. « Mais je le préconise moins que la bouillie sulfocalcique car il est délicat à positionner, il peut y avoir des problèmes de phytotoxicité, explique-t-elle. La bouillie sulfocalcique est quant à elle un produit efficace, à appliquer sur feuillage humide dans les heures qui suivent le début de la pluie contaminatrice ».
Les OAD sont sous-utilisés
Au cours du projet Co-Free, dans l’ensemble des essais réalisés sur les quatre espèces concernées, certains candidats présentent une efficacité similaire au cuivre dans le meilleur des cas, avec une écotoxicité faible voire nulle, mais un prix souvent plus élevé. Le remplacement du cuivre par d’autres produits n’est cependant pas pour tout de suite. La grande majorité des matières actives évaluées lors de Co-Free ne sont pas homologuées à l’heure actuelle. Certains pays comme les Pays-Bas, le Danemark ou la Norvège ont interdit le cuivre en protection des cultures. « Mais ils n’ont pas trouvé de solution miracle pour autant, prévient Claude-Eric Parveaud. L’utilisation du cuivre dans ces pays reste autorisée sous forme d’engrais foliaire, comme le cuivrol ». L’usage des produits alternatifs au cuivre doit être à envisager en lien avec les variétés et en combinaison avec d’autres leviers : matériel végétal (comme les variétés résistantes tavelure), système de consuite, outils d’aide à la décision (OAD)… Ceux-ci pourraient jouer un rôle clé pour rendre des stratégies alternatives aussi efficaces que l’utilisation de cuivre. « Ils sont néanmoins sous-utilisés, note Claude-Eric Parveaud. Notamment car leur interface est peu conviviale ». Selon lui, un abandon du cuivre à l’heure actuelle conduirait à des coûts et des risques inconsidérés. Mais une réduction des quantités utilisées est possible. Les produits alternatifs pourraient notamment « contribuer à gérer les contournements de résistance ». « Des importants travaux de R & D sont encore nécessaires pour transformer les résultats expérimentaux en solutions concrètement mises en œuvre », conclut le spécialiste.
« Un abandon du cuivre à l’heure actuelle conduirait à des coûts et des risques inconsidérés, mais une réduction des quantités utilisées est possible » Claude-Eric Parveaud Grab
La tomate aussi
Dans le cadre du projet Co-Free, des essais sur tomate contre le mildiou ont été réalisés en France entre 2012 et 2016 avec la participation de la Sonito. Quelle que soit la pression mildiou, les produits alternatifs testés utilisés seuls n’ont pas montré d’efficacité. Mais une réduction de la dose de cuivre est bien possible : il n’y a pas eu de différence significative entre la pleine dose et la demi-dose de cuivre. Les modalités produits alternatifs + demi-dose de cuivre n’ont pas montré de différence significative avec la demi-dose de cuivre seule, mais elles ont affiché une tendance intéressante.