La chronique
Le consommateur malin face à la crise

L'histoire du commerce nous apprend que le consommateur-client a toujours été malin. Or la relation à l'achat a toujours été empreinte de stratégie, de calcul et d'arbitrage. Pour le dire autrement, de ruse et de tactique. En particulier pour les ménages les plus démunis ou les plus contraints. Aujourd'hui, face à la crise, la figure moderne du consommateur “malin” a évolué grâce notamment au numérique et cumule trois logiques : la compétence, l'expertise et la maîtrise de soi.
Deux passionnants ouvrages(1) sur le sujet viennent d'être publiés sous la direction de Fabrice Clochard et de Dominique Desjeux. Les nombreuses contributions qui alimentent ces deux tomes permettent d'explorer différentes pratiques (la location, le troc, le glanage sur les marchés, la revente des cadeaux de Noël, la récupération d'objets sur des sites non marchands, la consommation d'énergies économes…), différents espaces (le click and mortar, le numérique, les marchés de rue, la fréquentation de magasins populaires par des classes moyennes supérieures…), permettent de repérer que tous les secteurs sont impactés et font la lumière sur quelques logiques de comportements.
Pour Fabrice Clochard(2), qui a traité tout particulièrement de la “bonne affaire”, la recherche de l'achat malin s'élabore selon trois logiques : le calcul, l'exploration et la restriction.
Le calcul. Ici le prix et le contrôle de l'achat sont les ressorts majeurs. Il ne s'agit pas de pratiques propres aux ménages démunis. Le contrôle passe par l'établissement de l'itinéraire d'achat, la préparation rationnelle de la liste de courses, la comparaison des prix. La lenteur de la décision (et sa préparation) l'emporte sur l'achat d'impulsion. Le calculateur est avant tout un organisateur.
La recherche de l'achat malin s'élabore selon trois logiques : le calcul, l'exploration et la restriction. Le calculateur est avant tout un organisateur. L'explorateur serait, lui, plutôt un butineur. Le consommateur qui se restreint élabore ses choix sous contrainte de pouvoir d'achat.
L'exploration. L'explorateur, quant à lui, serait plutôt butineur. Sa logique n'est pas la restriction ou le calcul, mais l'appétence à trouver la bonne affaire. Pour ce faire, il fait appel à ses cercles sociaux (famille, amis, organisation de tontine) et, bien sûr, aux réseaux numériques. Il lie plaisir, arbitrage et opportunisme.
La restriction. Prix bas, recherche de produits en promotion, pratique systématique des soldes, utilisation des bons de réduction, récupération d'encombrants dans la rue à des fins de revente, glanage de produits alimentaires au moment de la fermeture du marché, récupération aux abords des supermarchés…, le consommateur qui se restreint élabore ses choix sous contrainte de pouvoir d'achat. Il est mu par une double pratique, le renoncement (la restriction de la quantité de produits consommés, l'élimination de certaines dépenses) et le détournement.
(1) Le consommateur malin face à la crise, sous la direction de Fabrice Clochard et Dominique Desjeux, éditions de L'Harmattan, 2013.
(2) Tome 2.