Medfel 2014 : les pays du dialogue 5+5
« Le commerce entre les deux rives fait partie de l'histoire »

FLD : En tant que producteur de pommes en France, quel est le positionnement de Blue Whale quant à l'export vers les pays du pourtour méditerranéen ?
MARC PEYRES : Le bassin méditerranéen est un débouché naturel pour nos produits. Hors Europe, il s'agit des marchés les plus proches. Le commerce entre les deux rives fait partie de l'histoire depuis l'origine du commerce. Il y a quelques années, j'avais émis l'idée qu'avant d'aller conquérir ces lointains horizons (Japon, Chine), il serait intéressant de se pencher en priorité sur nos marchés proches. Rapidement s'est ouvert le marché algérien et l'on sait tous, dans la pomme, l'importance de ce marché en volume depuis dix ans. Mais on avait aussi mis une priorité sur la Tunisie. On espère pour la prochaine récolte une avancée significative sur ce dossier. Nous livrons toutes les semaines des pommes sur la Libye et l'Egypte : ce sont des marchés compliqués de par la situation politique actuelle, mais comme dit mon directeur, quand c'est compliqué, c'est pour nous !
FLD : La Méditerranée est le berceau de notre civilisation, elle représente aujourd'hui 30 % des échanges mondiaux. Quelle est la part à l'export de votre entreprise dans ce secteur ?
M. P. : Egypte, Libye, Algérie et, dans une moindre mesure, Maroc – en attendant demain la Tunisie – représentent environ 5 % de nos ventes. Ces marchés achètent en priorité des variétés traditionnelles (Golden, Rouge). Or nos producteurs ayant depuis vingt ans réalisé un grand effort de renouvellement, ce ne sont pas ce qu'on produit le plus chez nous. Mais, à terme, ces marchés s'ouvriront également aux nouveautés (nous vendons déjà de plus en plus de Gala, Granny mais aussi Pink Lady et Ariane dans ces pays). Par ailleurs, si l'on se projette, on peut facilement imaginer que la consommation dans ces pays va rapidement augmenter…, ce qui n'est pas le cas en Europe et en France, bien au contraire.
FLD : Quelle est est la part du verger correspondant à l'export vers le bassin méditerranéen ?
M. P. : Chaque fois que l'on vend un conteneur sur un nouveau marché à l'export, ce sont de nouveaux arbres que l'on plante en France. La France exporte la moitié de sa production. Sans export, ce serait la moitié du verger français qui disparaîtrait mathématiquement, et plus encore car affaiblie, la production restante serait vite concurrencée sur son propre marché par la concurrence étrangère. Les frontières à porosité sélective, cela n'existe pas ou n'existe plus ! Notre filière est une filière de production en France. Toute filière de production a besoin pour se développer de l'export car, à l'échelle du monde, la France est un petit pays de consommation de par sa population. Il est difficile de quantifier la part de verger qui dépend des exportations sur le bassin méditerranéen à moins de rester dans le symbolique ou le théorique. En pratique, quand on produit des fruits, nous avons chaque année une récolte différente à vendre soit en volume, soit en qualité. C'est le propre des productions agricoles comme la nôtre car nous ne décidons pas des quantités que nous vendrons, la nature décide pour nous. La seule façon d'amortir cela est d'avoir un grand nombre de marchés pour pouvoir augmenter ou réduire les ventes afin d'écouler et d'optimiser la valorisation de notre production. On pourrait prendre le problème différemment. Sans ces marchés, j'aurais probablement à ce jour perdu tout mon verger de Rouge américaine et une grande partie du verger de Golden. Mais où que nous allions, nous ne sommes pas seuls. Longtemps la France a été leader de l'exportation de pommes dans le monde. Aujourd'hui, même si nous restons un opérateur essentiel du marché mondial, ce n'est plus le cas car de nouveaux pays nous concurrencent et donc nous devons continuer à investir, innover, nous regrouper pour gagner en compétitivité produit et garder nos marchés partout dans le monde, ce qui nous permettra de continuer à planter des pommiers dans nos régions françaises. Aujourd'hui, sur le marché du bassin méditerranéen, nos concurrents sont italiens et turcs notamment. Mais la concurrence a du bon : elle oblige à être meilleur ! Aujourd'hui, les pommes que nous vendons sont meilleures qu'il y a dix ou vingt ans !