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Christian Constant, chef étoilé
Le Chasselas, c’est ma région, mon enfance

Après avoir accepté d’être le parrain des 40 ans de l’AOC Chasselas de Moissac, le chef étoilé Christian Constant, montalbanais de naissance, nous a accordé une interview. Outre son attachement à sa région, il revient sur son parcours professionnel et rappelle combien un bon apprentissage est fondamental.

Fld : Etre parrain des 40 ans de l’AOC c’est une lourde responsabilité ?
Christian Constant :
Ce n’est pas lourd d’être responsable d’un joli produit, c’est plus difficile d’être responsable d’un produit qui n’est pas joli, qui n’est pas bon. Le Chasselas c’est un produit de saison, ça me rappelle mon enfance, mon grand-père sous la tonnelle, il avait toujours un Opinel dans la poche, le soir à la période du Chasselas, avec un quignon de pain, il prenait de l’ail et de l’huile, ajoutait le raisin et le mangeait ainsi. Etre parrain du Chasselas c’est un souvenir d’enfance, c’est une région, c’est un terroir, c’est quelque chose qui m’amuse, mais plus encore, car je n’ai pas de temps juste pour l’amusement, c’est défendre des gens qui protègent leur terroir, qui travaillent bien. C’est comme une Rolls, je sais qui je parraine…

Fld : Vous avez déjà parrainé d’autres produits comme le Chasselas ?
C. C. :
Non, c’est la première fois. Le Bibent s’y prête, je sens un petit quelque chose qui me rapproche de ma région. Je viens de Montauban, Moissac j’y jouais souvent au rugby, comme Castel quand j’étais gamin. Là, je mélange un peu, mais le Bibent, Toulouse, Moissac... C’est un joli lien la place du Capitole avec le Chasselas de Moissac. Il y a quelque chose à faire. Après, il y a des petites localités comme Moissac qui peuvent sortir un peu du lot avec un joli produit, donc il ne faut pas oublier ses producteurs.

Fld : Pour ce parrainage, vous avez des idées ?
C. C. :
Je vais peut-être créer quelque chose, une recette par exemple, je ne sais pas encore. Ce n’est pas loin Toulouse-Moissac...

Fld : Il y a les marchés flottants du Sud-Ouest ?
C. C. :
Ils viennent dans le VIIe. Je les ai rencontrés au mois d’octobre dernier à l’occasion de l’opération des produits du Sud-Ouest sur les quais à Paris. Ils avaient déposé un peu de Chasselas au Violon d’Ingres et de là est partie l’idée du parrainage. Je savais qu’ils venaient depuis quelques années lors de cette manifestation grand public. Avec eux, je vais faire en sorte que Harry Cover, le détaillant qui est à côté du Violon d’Ingres, mette une pile de Chasselas de Moissac en évidence en poussant un peu sa mise en avant durant tout le mois. C’est un de mes fournisseurs, donc je vais exiger du Chasselas à côté de chez Constant !

Fld : Vous ne vous fournissez pas à Rungis directement ?
C. C. :
Non, avant j’allais à Rungis, je me levais à 4 heures du matin deux fois par semaine, et je me couchais à minuit. A un moment donné il faut choisir. Lui (le détaillant Harry Cover), il va à Rungis. Je paye 20 % de plus que ce que je paierais si j’y allais moi même, je l’ai fait pendant des années. Il sait ce que je veux. Il sait que si ça ne va pas, je n’achète pas et ça repart. Rungis je l’ai fait pendant quatre-cinq ans et j’ai mes fournisseurs de base. Je les appelle ou je fais du direct pour le veau par exemple ou le bœuf du Pays Basque.

Fld : Hélène Darroze fait venir des asperges directement de la ferme située près de chez ses parents, vous faites pareil ?
C. C. :
Non. Un Béarnais me fournit les magrets, les confits… De Montauban je ne fais rien venir directement. Mais, quand il y a des fruits de ma région, je vais faire en sorte d’en avoir. Je cherche des melons de Lectoure, des pêches de Montauban, des pêches de vigne de la région. Je défends surtout le territoire, le Sud-Ouest jusqu’au Pays Basque toujours, pour faire vivre la région. Beaucoup de produits viennent de là-bas. Les haricots de Tarbes par exemple, j’essaye de ne faire que des produits de saison, des produits du marché. C’est ce qui fait la force d’un restaurant et la qualité. Quand vous avez des produits de qualité et de saison, on peut faire de jolis plats à des prix abordables.

Fld : Pourquoi l’aventure du Bibent à Toulouse ?
C. C. :
Parce que je n’ai pas assez de boulot ! Non, plus sérieusement, je suis natif de Montauban, j’ai trois affaires et quand je suis arrivé en 1996 rue Saint-Dominique, mon idée c’était de faire une brasserie. Au bout d’un an j’ai eu une étoile, alors, il a fallu que je change un peu mon fusil d’épaule et j’ai continué les étoiles. Alors pourquoi Toulouse... Je connaissais Jean-Michel Baylet, il sait que je suis de là-bas, c’est lui qui m’a dit : « Place du Capitole, il y a une brasserie extraordinaire, fermée depuis deux ans, classée monument historique ce serait bien que tu la reprennes. »

Fld : C’est un retour aux sources ?
C. C. :
Non ce n’est pas un retour, enfin… disons que c’est quelque chose qui me fait plaisir. Le marché de l’emploi c’est quand même Paris, avec Toulouse il y a moyen de faire quelque chose, après je n’aurais pas eu peut-être l’opportunité de trouver le Bibent. J’ai 61 ans, encore cinq ou dix ans et je lèverai le pied.

Fld : Passionné comme vous, c’est possible ?
C. C. : Tant qu’on a la santé, qu’on se croit jeune et qu’on est entouré de jeunes c’est facile. Après c’est vrai que le métier devient de plus en plus difficile, les jeunes sont peut-être moins motivés, ils n’ont pas le même esprit. Nous, on ne regardait pas les heures.

Fld : Pourquoi être “tombé” dans la cuisine ?
J’avais un copain, je passais tous les jours chez lui, on jouait au rugby ensemble, son père avait un restaurant. Le matin, le soir, le mercredi, je venais dans sa cuisine, son père me faisait goûter les plats, les sauces. Je ne travaillais pas très bien à l’école. Alors mon père m’a dit « soit tu travailles bien, soit il va falloir que tu fasses autre chose ». Il y avait le rugby, il savait que j’avais un attachement à la cuisine. J’aidais ma mère à préparer les légumes, j’aimais cette odeur de truffe, etc. Le père de mon copain m’a envoyé chez une de ses connaissances à Montauban, lui ne se voyait pas me prendre. J’étais un peu comme son fils. Après j’ai commencé à m’intéresser aux produits, j’avais de la chance de faire un joli métier, l’apprentissage dans une belle maison : la pâtisserie, la charcuterie, les desserts... On faisait les pâtés en croûte, le foie gras en ballottine, le Cassoulet... On utilisait le safran, on passait les sauces à l’étamine, ce que les gens ne font plus aujourd’hui. Un vrai plaisir et l’envie de continuer. Ce restaurant n’existe plus, la famille l’a vendu. S’il était resté, j’aurais peut-être pu mettre une petite pêche là-bas. Mais ça a été vendu et détruit. C’était une petite maison. A l’étage, il y avait la charcuterie, ils faisaient tout, galantines, poulets, bouchées, gnocchis à la romaine… Si je n’avais pas fait un bel apprentissage ou si j’étais tombé dans une mauvaise maison, je n’aurais peut-être pas fait ce que j’ai fait. Après j’ai gravi les marches petit à petit. Cela a été dur, parce que j’étais petit. Ils ne voulaient pas me prendre parce que je n’arrivais pas à pendre les ustensiles, mais quand ils ont vu que j’étais volontaire.... Chez Ledoyen, j’ai commencé comme commis, puis chef de partie. J’ai tout fait : entremets, poisson, rôtisserie... C’était une belle école, on nous apprenait à travailler les légumes… J’ai eu la chance de faire un bel apprentissage.

Fld : Vous êtes passé chez Ledoyen, le Ritz, le Crillon... Pourquoi créer votre maison ?
A 14 ans, quand vous commencez, vous apprenez le métier puis vous avez la passion et puis l’amour, vous voulez apprendre. A un moment donné quand vous faites Ledoyen, le Ritz, le Crillon, je me suis dit, tu t’installes ou tu t’installes pas ? Mon père était flic, adjudant de gendarmerie, je n’ai eu personne dans le milieu. Personne ne m’a aidé en disant : vas-y installe-toi. A la différence des autres, j’ai attendu d’être mûr pour prendre des risques. A 45 ans, quand vous quittez un palace où j’étais super-heureux, on était complet midi et soir aux étages… A un moment donné j’en ai eu marre d’être commandé, j’ai eu envie de me lancer. Ça a été le coup de cœur ici, rue Saint-Dominique.

Fld : Vous avez participé à Top Chef, ça ne vous donne pas envie de créer une école ?
C. C. :
Ce qu’il faudrait, c’est de grands cuisiniers (Guy Leguet, Paul Bocuse, Michel Troisgros) qui forment la nouvelle génération dans leur maison et qu’on les aide à créer et à les former. Quant à moi, faire une école, c’est beaucoup de travail. J’ai quatre maisons, mes gars, je les ai formés dans mes maisons. Je reste persuadé, qu’il faut être formé sur le tas. Moi j’ai été formé sur le tas. Dès l’apprentissage, je faisais les cours par correspondance. Je crois que l’école ce n’est pas ce qu’il y a de mieux, c’est surtout sur le terrain qu’il faut se former. Si j’ai fait Top Chef, c’est dans cet esprit. Je vois plein de jeunes qui m’arrêtent dans la rue, qui ont envie de faire ce métier à qui je dis : attention c’est quand même dur, il ne faut pas croire que c’est tous les jours la télé ! Si cela a donné un engouement aux gens, une envie de faire la cuisine, tant mieux. Ils vont aller acheter des légumes, de la viande sur le marché !

Fld : Vous seriez partant pour une nouvelle édition de Top Chef ?
C. C. :
Oui totalement si c’est dans les mêmes conditions. Je ne voulais pas qu’ils me donnent une autre image, celle de quelqu’un de dur. Je dis ce que je sens, ce que je ressens, ce que j’aime, je suis sincère, tant que ce sera comme ça, il n’y a pas de problème.

Fld : Et parrainer d’autres productions ?
C. C. :
Il y a la tomate de Marmande... Après il ne faut pas que ce soit chaque année, je ne veux pas être comme Jean-Pierre Coffe chez Leader Price...

Fld : Et la gastronomie  française au Patrimoine de l’Unesco, on vous a demandé d’y participer ?
C. C. :
On m’a demandé si je voulais être interviewé pour parler justement de ce sujet. En France, on a des régions, des saisons, des beaux artisans, il faut les défendre. Ce qui serait intéressant avant tout, ce serait de labelliser le restaurateur. N’importe quel patron peut prendre un restaurant, c’est aberrant.

Fld : Oui mais vous êtes reconnu par la profession avec des étoiles au Michelin.
C. C. :
Oui mais, ce que je voudrais c’est la reconnaissance de bistros où on mange un joli sandwich avec du bon pain. C’est ça la France. C’est pas de manger des fraises de Belgique mais des fraises quand c’est la saison. Car même dans un bistro on peut manger une belle salade.

Fld : Vous êtes plutôt demandeur d’un label ?
C. C. :
Je ne suis pas demandeur, je trouve que ce serait plus logique, ce serait quand même bien un petit restaurant, il n’y a pas besoin d’être un grand restaurant pour faire un joli métier.

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