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Interprofession
L’après-segmentation se fait désirer

La consommation des ménages a baissé depuis deux campagnes. Pour enrayer le phénomène, l’interprofession doit imaginer l’après segmentation. Et le négoce reprendre l’initiative.

La filière pomme de terre se trouve aujourd’hui confrontée à un véritable paradoxe. En dépassant pour la première fois les 2 millions de tonnes à l’exportation (2,060 millions de tonnes), elle doit néanmoins faire face à une chute brutale de la consommation des ménages français.
S’agissant de nos performances à l’exportation, Francisco Moya, directeur de Négonor, tempère néanmoins l’enthousiasme de la filière : « Ces performances à l’export ont été permises par la multiplication des circuits commerciaux. Mais en réalité, la filière s’est appauvrie dans son ensemble, car tous les maillons n’ont pas gagné forcément leur vie… » En outre, cette performance à l’export s’est construite sur une stratégie de l’accroissement des volumes et de livraisons de matières premières avec, en prime, un transfert du lieu de valorisation de la marchandise, de la France vers l’étranger. La hausse incessante des expéditions de pommes de terre Outre-Quiévrain, qui avait alerté en son temps le GIPT, et qui nous revient sous forme de produits transformés en est aujourd’hui la plus belle illustration !

Promotions constantes
Chacun y va donc de ses explications, plus ou moins convaincantes. Pour les uns, il y a transfert vers les produits transformés à base de pommes de terre. Même si en 2008-2009 les quantités achetées en chips, frites surgelées et spécialités n’étaient qu’en légère hausse sur la campagne précédente et en baisse en ce qui concerne les purées déshydratées et pommes de terre cuites sous vide !
Pour certains, à force d’irrigation et d’augmentation de productivité, notre tubercule aurait perdu une bonne partie de ses qualités gustatives…  « Les enseignes ont eu une préoccupation ambiante de crise et se sont rabattues sur des valeurs sûres comme la pomme de terre pour dynamiser leurs rayons. Car si le consommateur voulait acheter une pomme de terre pour rien, nous aurions assisté à une augmentation des ventes ! Les chiffres démontrent que nous avons assisté au phénomène inverse. La déstructuration du linéaire pommes de terre en matière de prix ne correspond pas du tout aux attentes du consommateur », rapporte Francisco Moya.
Les deux dernières campagnes ont montré que la stratégie des promotions constantes n’entraînait pas l’adhésion du consommateur.
Pour Francisco Moya, « une qualité, ça a un coût, ça se paye, et ça se rémunère à tous les stades de la filière. »

La segmentation a vieilli
De plus en plus de promos, des prix de plus en plus bas et de moins en moins de services : la filière doit-elle aller vraiment dans une telle direction ? Certainement pas, mais elle doit se ressaisir. « On a une base solide, un produit incontournable sur lequel on peut rebondir », souligne le patron de Négonor, avec cet optimisme qui le caractérise, en déplorant dans le même temps cette organisation de mise en marché « catastrophique ». Selon lui, « l’atomisation n’est pas la solution à un modèle économique. » Le succès durable de nos performances à l’exportation ne sera viable qu’à la condition que nos clients étrangers puissent identifier dix à vingt interlocuteurs et non pas 500…
« La filière frais est dans une impasse stratégique : elle attend beaucoup trop de la distribution qui ne lui apportera rien ; ce sont les entreprises de conditionnement qui doivent reprendre l’initiative », faisaient remarquer les auteurs du cabinet d’études Adrien Stratégie.
La segmentation a vieilli. Elle a dynamisé le rayon en faisant disparaître progressivement depuis 1980 les sacs de 25 kg terreux mal présentés.
Mais aujourd’hui, elle n’est plus adaptée. « Il faut tenir compte de la différence de clients entre les zones de chalandise. Un consommateur parisien, n’est pas le même qu’un client alsacien ou du Sud. Pourtant on lui propose le même produit à des univers différents de consommation », souligne Benoist Leforestier, président du CNIPT.
A Légumes de France, Angélique Delahaye, qui intervenait tout récemment devant les endiviers, renchérit : « Nous devons être beaucoup plus attentifs aux besoins locaux et proposer des fruits et légumes plus en rapport aux besoins des différents bassins de consommation. »

Nouveaux conditionnements
De nouvelles propositions sont sur la table depuis 2007 dont personne ne veut se saisir, du moins collectivement. « Mes collègues ne se sentent pas plus concernés que ça par les évolutions de leur profession », juge sévèrement Francisco Moya en notant « une vraie évolution du métier avec des entreprises ayant une approche professionnelle très différente d’hier. » La montée en puissance ces dernières années des producteurs-vendeurs a fait “bouger les lignes” en perturbant le métier de négociant.
Et cela se traduit à l’interprofession où la plupart des participants sont devenus avant tout des consommateurs avant d’être acteurs et une force de propositions ! « Il n’empêche qu’à titre individuel, certains opérateurs ont su exploiter les préconisations du cabinet Adrien Stratégie », confie Jean-Luc Gosselin, directeur du CNIPT.
L’assemblée de Fedepom, qui se déroulait à La Rochelle en mai 2007, avait décidé de consacrer une partie de ses travaux aux “nouveaux concepts de conditionnements” en présence de créateurs de mode : des innovations remarquables y avaient été présentées.
« Il s’agissait de rompre avec notre vision actuelle du rayon pommes de terre », précisait alors Jean-Michel Loridan, ancien président de Fedepom. Depuis, plus rien !
Au salon Eurogusto de Tours en novembre 2009, la Biennale européenne du goût et de l’alimentation, le CNIPT était associé pour la première fois à Seb, numéro un mondial du petit électroménager domestique, qui présentait ses nouveaux modes de cuisson “réconciliant plaisir et nutrition” avec des recettes à base de pommes de terre.
Il y a sûrement des idées à développer avec Seb. La ratte n’a-t-elle pas assis son succès avec Amora dès 1987 ?

Changement de présidence
Mais rien ne semble avancer. « Ni les conditionneurs, ni la grande distribution n’ont compris les enjeux de l’étude Adrien Stratégie », explique-t-on à l’interprofession.
Pour les auteurs qui avaient remis leurs conclusions en 2007, il s’agissait pourtant de mieux encadrer la segmentation variétés/usages selon trois axes de développement. Tout d’abord en développant les notions de modernité du produit (barquettes, micro-ondables…), puis en mettant en avant l’axe terroir-authenticité et surtout l’accessibilité en rayons. Sur ce dernier point, il s’agissait de mieux différencier les segments de marché pour éviter qu’« ils ne se cannibalisent les uns les autres… »
Ce quasi-immobilisme des négociants, doublé d’une lutte acharnée des trois premiers opérateurs français pour la conquête ou la reconquête de parts de marché (Pom’Alliance, Terre de France et Parmentine), provoque « une nouvelle banalisation du produit qui détourne le consommateur, relève Jean-Luc Gosselin. Jamais il n’y a eu autant de promos, jamais les prix n’ont été aussi bas en ce début de campagne et jamais les achats des ménages n’ont autant baissé. » C’est la spirale infernale qui amène aujourd’hui le consommateur à s’interroger : « mais au fait quel est le juste prix de la pomme de terre ? »
Jean-Luc Gosselin déplore une telle situation : « alors que la pomme de terre, dont les prix sont naturellement accessibles, avait tout pour tirer son épingle du jeu en ces temps de crise, rien n’a été fait. » En décembre prochain, le négoce doit prendre la présidence de l’interprofession. La balle est désormais dans le camp de la grande famille des conditionneurs. Elle devra dépasser ses stratégies individuelles et mettre en place une politique commune et durable de développement de la filière.
« Une filière en ordre de marche est capable de discuter avec la grande distribution », conclut à cet égard Francisco Moya.

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