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Consommation
L’analyse d’Emmanuel Raynard

A l’issue de la présentation des travaux du CTIFL, Emmanuel Raynard (Inra Sadapt & Centre d’économie de la Sorbonne) a été amené à faire part de ses réflexions. « Un tiers des consommateurs est peu ou pas satisfait d’une tomate fade et sans goût. Notons qu’un tiers d’entre eux est sans doute prêt à payer plus et/ou consommer plus si elle présentait une meilleure qualité gustative. » Selon lui, il existe des attentes distinctes au niveau des différents maillons de la filière qui se révèlent parfois antagonistes en particulier sur les plans commerciaux et techniques. Selon sa déclinaison, les impératifs en amont sont la stabilité de la production, la rentabilité et l’adaptation. Au niveau distribution, la fermeté et la conservation sont les principaux critères de la “qualité commerciale”. L’acheteur, pour sa part, privilégie la couleur et l’aspect. Quant au consommateur, ses critères sont plus complexes. Ils se déclinent en saveur (sucre/acidité), arôme (volatil), texture (parois), pigments qui sont les composantes de la qualité organoleptique. Enfin, le consommateur intègre la dimension santé (vitamine et antioxydants) qui compose la qualité nutritionnelle.
Si la qualité commerciale est une dimension facile à définir sur un plan réglementaire, visuel, part des mesures, etc., la qualité gustative est « un problème plus complexe. Elle dépend en effet de la subjectivité des consommateurs, du goût qui évolue selon les saisons donc un ensemble de critères difficilement quantifiable. L’analyse sensorielle est un outil pour une appréciation plus complète, mais elle est longue et coûteuse. » De plus, ajoute-t-il, « l’absence de réglementation n’autorise que peu de chose pour définir la qualité gustative. » Sur les segments de niche (par exemple les tomates Ananas, rose, raisin, etc.), la qualité gustative, la différenciation par l’aspect et le goût sont plus importants que sur les segments de masse comme la ronde et la grappe. C’est ce qui explique l’augmentation des parts de marché de cette première catégorie qui “cannibalise” la seconde, où rendements et caractéristiques visuelles prévalent.
Emmanuel Raynard préconise plusieurs leviers d’action : à travers le matériel génétique, par exemple avec une inscription de la qualité gustative comme critère de distinction. Ajoutant : « Il est évident que cette disposition doit faire l’objet d’un accord collectif. Et je suis conscient qu’une pareille disposition pourrait poser des problèmes entre opérateurs ou sélectionneurs. » Le Geves (Groupe d’étude et de contrôle des variétés et des semences) ne se dit « pas opposé à des mesures de la qualité gustative lors de l’inscription de nouvelles variétés au catalogue. » Néanmoins, il pose des conditions : trouver des critères adaptables à tous les types de tomates ; modifier la réglementation des inscriptions et faire admettre cette disposition par l’Europe.

Encadrement contractuel entre les différentes parties
Il propose aussi des aménagements au travers de la conduite culturale (« il y a antinomie entre techniques, rendements et qualités gustatives ») ou encore au travers de la post-récolte. Cela passe aussi par un encadrement contractuel entre producteurs et OP, OP et client final, etc., mais le point le plus important semble être la nécessité d’indicateurs ou de repères de qualité. « Souvent les consommateurs se plaignent de l’aspect gustatif, alors que, par ailleurs, l’absence de qualité gustative n’est jamais un motif de refus de la marchandise entre le distributeur ou les metteurs en marché. Le consommateur n’a que son œil pour choisir et est incapable de juger si la tomate sera goûteuse ou pas. Dans cette incertitude, le consommateur préfère souvent ne pas acheter. S’il était possible de lever cette incertitude, il serait alors possible d’augmenter les actes d’achats. »
Parmi les points critiques au niveau post-récolte, Emmanuel Raynard a relevé les délais, l’organisation interne de la logistique de la distribution, le manque de prestige du rayon f&l et, au stade final, la conservation au réfrigérateur des tomates qui nuit à sa qualité. En conclusion, il résume : « Les points essentiels sont l’amélioration de la fiabilité des indicateurs avec comme limite une baisse de rendements, des changements d’itinéraires techniques et de tests lourds et coûteux. Pour rendre plus pertinente l’évaluation visuelle, des repères doivent être mis en place par les OP avec le risque de multiplication des concepts tomates et une diffusion limitée des variétés. Il faut ensuite rendre plus pertinente l’évaluation visuelle avec un risque de multiplication des marques, voire la seule prise en compte d’une variété. Enfin, il faut améliorer la connaissance des variétés par les consommateurs et ce en dépit d’une absence de réglementation, d’une distinction difficile entre variété et leur turn-over en rayon auxquels s’ajoutent les problèmes de confidentialité entre opérateurs. »
A partir de là plusieurs scénarios se dessinent : ne rien faire en ignorant la seconde possibilité qui consiste à améliorer la qualité gustative sur l’ensemble de l’offre ou encore approfondir la segmentation avec un segment standard de bonne qualité. Une autre voie pourrait être de mieux contraster les filières longues et courtes avec des variétés différentes ou encore travailler de nouveaux itinéraires techniques innovants. Dans un contexte européen très concurrentiel, la filière tomate française semble avoir du travail devant elle.

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