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Ail fumé d’Arleux
L’ail fumé d’Arleux tresse son chemin vers l’IGP

Après plus de sept années de démarche, l’ail fumé et tressé d’Arleux devrait obtenir son IGP en 2010, ce qui permettrait à cette production du Nord-Pas-de-Calais de revenir à des pratiques beaucoup plus conformes aux traditions locales.

Au Nord, il n’y a pas forcément que les corons, la bière ou les frites…, il y a aussi l’ail, et notamment l’ail fumé et tressé d’Arleux ! Depuis 1962, cette petite bourgade de 2 600 habitants, située à mi-chemin entre Douai et Cambrai, organise sa traditionnelle foire à l’ail le premier dimanche de septembre. A l’époque de sa création, 120 à 140 producteurs s’y rendaient pour vendre leurs aulx !
Le rendez-vous est devenu incontournable : d’une fête purement locale où le chaland venait s’approvisionner en ail pour l’année, l’engouement des consommateurs a très vite dépassé les frontières régionales. On accourt désormais de partout pour acquérir cette fameuse tresse d’ail que nombre d’amateurs suspendent traditionnellement dans la cuisine ou le cellier pour la consommation de l’année. Et les producteurs locaux se sont sentis très vite débordés.
La notoriété de la foire à l’ail d’Arleux a suscité l’engouement et créé des vocations parmi les producteurs d’ail. Tant et si bien que nombre de spécialistes, voyant se commercialiser chaque année autant de tonnes d’ail fumé et tressé d’Arleux, se sont interrogés : une zone de quelques centaines d’hectares est-elle capable de produire autant d’aulx qu’il s’en vend chaque année à la foire et sur le bord des routes ?

Une production placée sous surveillance
Assurément non. Surtout quand on sait que l’ail ne peut à nouveau être présent sur la même parcelle qu’au minimum tous les huit ans ! Les plus raisonnables parlent de trente ans ! Beaucoup ont donc profité du filon. L’ail d’Arleux s’est ainsi cultivé de plus en plus à Locon dans la plaine de la Lys toute proche. D’autres ont eu moins de scrupules et l’ont fait venir de France ou d’ailleurs (d’Italie, d’Espagne voire de Chine !). Ils l’ont tressé et fumé et n’ont pas hésité à le commercialiser sous l’appellation “Ail fumé d’Arleux”… tandis que la production locale diminuait dangereusement sur la zone d’Arleux.
Autant de dérives et de pratiques fort éloignées des traditions locales. De quoi faire réagir également toute l’équipe municipale, le maire et conseiller régional, Patrick Masclet, en tête, qui demanda à ce que l’on mette un peu d’ordre dans cette production qui a tant fait pour l’image de la commune, mais qui commençait de plus en plus à la ternir…

A Arleux, tout le monde cultivait de l’ail
En 2002, le Centre régional des Ressources Génétiques dresse un premier inventaire de la production locale. La municipalité parvient à convaincre une partie des producteurs locaux à entrer dans une véritable démarche de qualité qui puisse permettre de protéger l’appellation “Ail fumé et tressé d’Arleux”. A l’image de ce qui a été entrepris dans des zones de production où l’on cultive l’ail rose de Lautrec (Tarn), l’ail blanc de Lomagne (Tarn-et-Garonne) ou de ce qu’ont réalisé les producteurs de Cadours (Gers), de la Drôme ou de Normandie. A des échelles parfois fort différentes !
Dans cette vallée de la Sensée où l’on cultive l’ail d’Arleux depuis toujours, les traditions sont tenaces. Au plus fort de l’histoire des Houillères du Nord-Pas-de-Calais, chacun sait que tout mineur emportait une tête d’ail dans “son briquet” (le casse-croûte du mineur) avant de descendre au fond. Ici, on a l’habitude de dire « qu’à Palluel avant 1914, tout le monde cultivait de l’ail, même l’instituteur… et il n’y a que le curé qui n’en mettait pas ! »
Depuis deux siècles, l’ail d’Arleux a donc principalement bâti sa réputation sur des producteurs dont la plupart pluri-actifs cultivant surtout cette liliacée sur quelques ares. Ils étaient parfois agriculteurs (rarement), mais le plus souvent ouvriers agricoles ou jardiniers et s’arrondissaient leurs fins de mois en cultivant et vendant de l’ail en plus de leur travail.
« Des producteurs allaient autrefois faire la chine dans les corons voisins pour vendre au porte-à-porte les précieuses têtes d’ail aux mineurs », explique Lucien Merlin, le président du nouveau groupement de producteurs motivés par cette reconnaissance en IGP. Cette concurrence “déloyale” gênait de plus en plus les véritables exploitants agricoles traditionnels implantés sur le territoire qui furent les premiers à dénoncer certaines pratiques néfastes à l’image du produit.
Puis sont arrivés de nouveaux producteurs comme Martine et Eric Potdevin installé à Cuincy-les-Douai. Ils ont travaillé à plus grande échelle des quantités importantes et ont commercialisé l’ail dans les comités d’entreprise et en grande distribution, ce qui n’a pas manqué de faire réagir les producteurs traditionnels d’Arleux. Dans le milieu, l’individualisme est tenace et les jalousies exacerbées !

L’IGP pour 2010 ?
Dix producteurs sur les soixante-dix recensés ont choisi de rejoindre la démarche IGP. Cela s’est fait surtout sous l’impulsion de la municipalité d’Arleux, attachée plus que jamais à cette production traditionnelle, avec l’appui du pôle Légumes de la chambre d’Agriculture, du Centre régional des ressources Génétiques et du Groupement Qualité Nord-Pas-de-Calais.
En mars 2008, ils ont déposé leur dossier d’IGP à l’Inao, comprenant la demande de reconnaissance de l’Organisme de défense et de gestion (chargé d’assurer la défense et la gestion du produit sous signe) et le projet de cahier des charges pour préserver l’authenticité du véritable “Ail fumé et tressé d’Arleux”.
Leur dossier a été enregistré officiellement en septembre 2008. La procédure officielle d’opposition s’est achevée le 18 janvier 2009 ; le dossier ne faisant l’objet d’aucune remarque, il suit actuellement son parcours normal. Les deux spécialistes de la commission d’enquête chargée de l’instruction du dossier (dont la présidente de l’ail blanc de Lomagne) doivent rencontrer les producteurs du groupement à la fin du mois d’août et le comité national IGP devrait statuer d’ici la fin de l’année. Si ce dernier donne un avis favorable, les dix producteurs, membres du groupement, pourraient apposer la mention ail fumé et tressé d’Arleux sur leur production.
« Une fois l’IGP obtenue pour une protection nationale, la démarche devra s’ouvrir à de nouveaux producteurs motivés », explique Cathy Gauthier qui suit le dossier au groupement Qualité Nord-Pas-de-Calais. Et pourquoi pas une première commercialisation à l’occasion de la foire d’Arleux le premier dimanche de septembre en 2010 ?

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