Bio - Consommation
La ruée vers le bio se moque de la crise
Malgré un contexte général peu favorable au marché des fruits et légumes, le rayon bio a su se démarquer en se développant considérablement depuis cinq ans.



Les fruits et légumes bio ont conquis les ménages français. C’est en tout cas ce que met en évidence l’étude annuelle réalisée par le CTIFL (1) sur les achats de fruits et légumes bio. Cette analyse, réalisée sur la base d’un échantillon représentatif de 12 000 ménages français, révèle les tendances d’achat, de consommation et de commercialisation de quatorze références bio, dont neuf légumes et quatre fruits. Malgré un cours supérieur d’environ 20 % à celui des fruits et légumes conventionnels, la clientèle friande de bio a considérablement augmenté depuis 2005, tout comme les quantités achetées.
Un consommateur prêt à mettre le prix
Le rayon fruits et légumes bio se joue des tendances actuelles du marché. Alors que les achats de ces produits en conventionnel connaissent une période peu faste où ils stagnent voire régressent, leurs équivalents issus de l’agriculture bio se développent de façon considérable. En effet, la contribution du bio en rayon a été multipliée par deux depuis ces cinq dernières années. Les quantités achetées ont doublé pour la quasi-totalité des produits, mise à part pour le concombre, la pêche et la nectarine. Les sommes dépensées par les ménages en fruits et légumes bio ont augmenté en conséquence, et ce malgré une progression des prix de 7 % pour les légumes et de 17 % pour les fruits depuis 2005. Il apparaît donc que le consommateur est prêt à mettre le prix pour acheter bio, et ce ne sont pas les 40 centimes supplémentaires en caisse qui semblent freiner cette demande spécifique.
Si les quantités achetées ont tant augmenté depuis 2005, cette tendance est à mettre en relation avec l’augmentation considérable du nombre de ménages consommateurs. L’achat de produits bio serait-il entré dans les mœurs ? Il y a trois ans, 20 % des ménages avaient acheté au moins une fois dans l’année des légumes bio, contre 30 % en 2008. En ce qui concerne les fruits, ce sont 12 % des ménages qui s’étaient laissés convaincre par le bio au moins une fois dans l’année en 2005 contre 20 % en 2008. Toutefois, cette progression certaine ne permet pas encore au bio de prendre de l’avance sur les produits issus de l’agriculture conventionnelle.
Le conventionnel a toujours une longueur d’avance
La fréquence des achats bio est, elle aussi, en hausse. Au total, on compte environ 40 % des ménages ayant acheté des fruits ou légumes bio en 2008, et ils effectuent ce type d’achat en moyenne quatre fois par an. La quantité achetée atteint ainsi 6 kg de fruits et légumes bio par an et par ménage. Bien entendu les quantités consommées en conventionnel restent largement supérieures. Le niveau d’achat moyen par ménage s’élevant à 34 kg de fruits et 55 kg de légumes, soit près de 35 fois plus qu’en bio !
Dans le porte-monnaie d’un ménage français, la part des fruits et légumes bio représente environ 4 % de l’ensemble des achats effectués dans ce rayon. Certaines espèces se détachent largement du lot avec des résultats beaucoup plus élevés. C’est le cas de la carotte bio, par exemple, qui représente 8 % en valeur de l’ensemble des achats de ce légume. Du côté des fruits, c’est le kiwi bio qui rassemble le plus d’adeptes, puisqu’il représente une part de 6 % des achats globaux de kiwi.
Rappelons que les prix du bio varient de façon moins prévisible que pour les fruits et légumes conventionnels. Même si la saisonnalité est à peu près semblable, elle est tout de même plus forte pour les produits issus de l’agriculture bio. Cela paraît logique, puisque les approvisionnements sont moins importants dans les périodes hors saison. Les volumes étant plus faibles, les aléas liés aux stocks ont des répercussions plus visibles sur les prix en bio. Cela serait-il à l’origine d’un certain manque de compréhension de la part du consommateur ? Ce dernier semble toutefois bien averti et concerné par ses achats.
On observe, en effet, quelques singularités concernant les actes d’achat pour les fruits et légumes issus de l’agriculture bio. Ce qui s’illustre notamment par le choix des différents circuits de distribution.
L’acheteur préfère les circuits bio “traditionnels”
L’observation des ménages selon leurs dépenses en bio en fonction des circuits de distribution révèle des tendances inverses par rapport aux fruits et légumes conventionnels. Si les grandes et moyennes surfaces font l’unanimité pour les produits non biologiques, ce sont les circuits plus “traditionnels” (marchés couverts ou forains, magasins alimentaires spécialisés bio) qui tirent leur épingle du jeu pour le bio.
Même si les grandes et moyennes surfaces rallient un nombre d’acheteurs beaucoup plus important que sur les marchés ou les magasins spécialisés, la part de marché en fruits et légumes bio pour les GMS est quasiment identique à celle de l’ensemble de ces circuits “traditionnels”. Ces types de distribution regroupent chacun environ 30 % des sommes dépensées des ménages en valeur. Parallèlement, les hypermarchés et les supermarchés rassemblent un nombre de ménages acheteurs de fruits et légumes bio de 27 %, contre 14 % en circuits “traditionnels”.
Il faut toutefois ajouter que les comportements d’achat sont très différents d’un type de distribution à l’autre. On note clairement une différence concernant les quantités achetées. Si les GMS regroupent le plus grand nombre d’acheteurs en fruits et légumes bio, il ne s’agit pas des consommateurs les plus friands en termes de quantité. Ainsi, les ménages achètent en moyenne quatre fois plus dans les circuits “traditionnels” qu’en grande distribution. En hypermarchés ou en supermarchés, un ménage achète en moyenne 4 kg par an, contre 12 kg pour les ménages achetant sur les marchés.
En ce qui concerne les magasins alimentaires spécialisés bio, un ménage achète en moyenne et par an un total de 24 kg de fruits et légumes. Il existe donc une grande diversité de comportements au sein des acheteurs. Les ménages habitués des circuits traditionnels semblent plus avertis, la grande quantité de produits consommés peut être liée à une meilleure connaissance des produits, à un intérêt plus marqué pour le développement de ce type d’agriculture.
La différence de prix ne serait plus vécue comme un frein
Les fruits et légumes issus de l’agriculture bio ont investi les rayons de tous les circuits de distribution, et si l’on en croit la tendance en marche depuis ces cinq dernières années, cette conquête des étals ne devrait pas fléchir. La vente directe (marchés et fermes), les magasins spécialisés et les grandes et moyennes surfaces sont les trois principaux lieux d’achat des ménages français, suivis des supérettes et des primeurs. A chaque ménage ses préférences et ses modes d’achat. Toujours est-il que, d’une manière générale, le bio a su se démarquer du conventionnel en se développant très fortement.
L’augmentation des quantités achetées ainsi que des sommes dépensées témoigne de cette progression. La différence de prix avec les produits non biologiques semble de moins en moins constituer un frein à la consommation. Il faut toutefois mettre cela en relation avec le profil du ménage acheteur de fruits et légumes bio, représenté principalement par une classe relativement aisée.
Le seul bémol pouvant être mis en évidence aujourd’hui réside dans les sources d’approvisionnement. Il peut paraître paradoxal d’acheter des produits bio si ces derniers ont connu un long périple avant d’atterrir dans nos assiettes. Les ressources à l’échelle du pays sont en effet encore limitées. Reste à voir si les mesures mises en place par le Grenelle de l’environnement participeront à l’augmentation des surfaces cultivées bio en France.
(1) Selon l’étude du CTIFL “Les achats des ménages en fruits et légumes bio” (juillet-août 2009).