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François Mius
La puissance publique au service des “quartiers”

Depuis 1998, Epareca œuvre à remettre le commerce de proximité au cœur des quartiers sensibles des villes. Son directeur général, François Mius, explique le fonctionnement d’un établissement public n’hésitant pas à endosser les habits de promoteur immobilier.

La politique de la Ville en général, et celle des quartiers sensibles en particulier, relève souvent de la machine infernale. Terriblement sensible, hautement politique, le sujet voit aussi intervenir un grand nombre d’acteurs : l’Etat, les collectivités locales et territoriales, les opérateurs privés et les organismes publics… L’Etablissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (Epareca), créé en 1998, fait partie de ces derniers. Son objectif : accompagner les collectivités locales dans la reconquête de leurs zones commerciales et artisanales de proximité, au sein des quartiers en difficulté (zones urbaines sensibles – ZUS – en majorité). A ce titre, il est à la fois le promoteur, l’investisseur et l’exploitant (à titre transitoire) de ces petits centres commerciaux qui, au-delà de leur approvisionnement de proximité, sont aussi un lien important pour la cohésion sociale des habitants. « Un opérateur commercial relevant de la sphère publique, je reconnais que cela peut paraître paradoxal », convient en souriant François Mius, directeur général d’Epareca depuis 2006. La rénovation urbaine, il connaît bien. Architecte et urbaniste reconnu, François Mius a accompli l’essentiel de son parcours professionnel dans le privé (groupe Sari-Seeri, Eiffage, Suez et Mutations qu’il a fondé et dirigé de 2001 à 2006). Il est un spécialiste de l’organisation de maîtrise d’ouvrage et d’œuvre et des processus opérationnels. Dans les années 90, il est à l’origine de la rénovation de l’espace Bellefontaine dans le quartier du Mirail à Toulouse. Ce qui présageait un peu de son poste actuel. Dans un autre domaine, il crée un cours d’éveil à l’architecture en milieu scolaire et a participé à la création de l’Ecole de la rénovation urbaine, et est chargé de cours à l’IEP de Paris.
Pour comprendre sa mission, François Mius explique la démarche d’Epareca : « Avant toute chose, il est nécessaire que le maire fasse appel à nous. C’est le cas lorsque les opérateurs privés, pour des raisons juridiques ou économiques, ne peuvent ou ne veulent plus intervenir. Nos équipes effectuent une première visite sur le site et rencontrent les parties prenantes, collectivités, maires, commerçants afin d’avoir une première idée de la plausibilité du projet. Il est clair que si le centre se trouve à proximité de trois hypermarchés, la réponse est non. Ensuite, Epareca mène une enquête plus approfondie : le potentiel commercial du site, la qualité et la quantité de l’offre, les aspects juridiques et fonciers y sont étudiés. Cette étude nous permet ensuite de lancer la programmation commerciale. » Pour cela, Epareca dispose de prérogatives de puissance publique. L’établissement peut ainsi déclarer d’utilité publique certains sites et possède un droit d’expropriation, si nécessaire.

Revivifier le tissu commercial des “quartiers”
Ce dispositif lui permet de devenir l’unique propriétaire du site concerné, condition sine qua non. Ensuite, l’établissement, maître d’ouvrage, mobilise les subventions publiques qui permettront de procéder aux travaux de rénovation, « mais de plus en plus de démolition et de reconstruction. Nous héritons de la politique de construction des grands ensembles où les surfaces commerciales apparaissent surdimensionnées vingt ans plus tard et surtout sans connexion avec l’environnement extérieur. Ce qui entraîne une lente déperdition d’activité, amplifiée par l’évolution sociale et économique. Nous trouvons des sites dégradés, obsolètes avec beaucoup de vacance. Les travaux à mener nécessitent alors d’importants budgets que seule la puissance publique peut lever. » De plus, l’opération doit s’inscrire dans un projet global de rénovation urbaine qui demande un accompagnement fort, en collaboration avec la collectivité. Epareca exploite les sites pendant une période transitoire (environ trois ans) avant de procéder à leur mise en vente : « Notre établissement n’a pas de vocation patrimoniale car nous visons le retour au droit commun, souligne François Mius. Cette période permet d’accompagner les commerçants jusqu’à la stabilisation économique puis de rechercher des repreneurs. Pour cela, nous pratiquons des loyers basés sur l’espérance de chiffre d’affaires du commerce. Nous portons une très grande importance à ce que l’équilibre soit préservé dans les types de commerces présents sur nos sites. Le principal est surtout d’éviter les doublons, tout ce qui pourrait concourir à une surreprésentation de certains commerces. » Quant à la présence de commerces communautaires, François Mius est clair : « Leur présence répond à la demande et aux habitudes de la population. Ils ont vocation à faire partie de l’offre même si elle ne doit pas être exclusive, mais suffisamment diversifiée. C’est ainsi qu’est assurée la viabilité économique du site. Nous ne cherchons pas spécifiquement à augmenter l’emprise du centre mais à le rendre attractif. Il y a des incontournables : une moyenne surface alimentaire, une pharmacie, un boulanger, un tabac-presse et les services comme la Poste… Lorsqu’il existe un marché, nous faisons tout pour le conserver. Le marché est un lieu de socialisation important. N’oublions pas que les populations des quartiers sensibles sont souvent fragiles socialement, souvent âgées, ne disposant pas toujours de voiture… Notre rôle est de pouvoir offrir des commerces de première proximité et de dépannage et d’assurer l’insertion du site dans le quartier. Revivifier le tissu commercial dans ces quartiers participe à la reconstitution du lien social. »

Plus de cent projets en cours
Discret jusqu’en 2006, Epareca est, depuis, passé à la vitesse supérieure. « L’établissement souffrait d’une faible capacité d’investissement, explique François Mius. Jusqu’en 2006, seulement trois opérations par an ont été menées. Mais depuis, la dotation de l’Etat est passée à 10,5 M€ par an. Ce spectre financier beaucoup plus large a permis de mettre en œuvre plus d’une centaine de projets. En 2008, nous avons procédé à un recensement de ce qu’il reste encore à faire et nous avons dénombré une centaine de sites supplémentaires par rapport à la centaine dans laquelle nous sommes déjà impliqués. » Ainsi, Epareca a signé l’année dernière un contrat d’objectifs et de moyens 2009-2011, qui prévoit la mise en production d’une trentaine de nouveaux centres commerciaux et artisanaux de proximité. « Il faut reconnaître que la chose économique n’a pas trouvé une place naturelle dans les écoles d’architecture, regrette François Mius. De même, l’action publique, par mise en jeu de l’Agence nationale de rénovation urbaine, s’est concentrée plutôt sur le logement, les équipements et les espaces publics. Il est vrai que l’aspect commercial réclame une action lourde et complexe qui peut favoriser les stratégies d’évitement. »
Au fil des années, Epareca a élargi sa palette d’interventions. Ainsi, depuis le mois de mars 2009, il peut intervenir dans les quartiers sensibles situés en centre-ville. Ces derniers affichent des différences avec leurs équivalents en banlieue. « C’est un travail très complexe, reconnaît François Mius. La dispersion géographique des espaces pose problème : manque d’unicité des patrimoines concernés, coût de la maîtrise foncière. Du coup, cela interroge sur la capacité à revendre à terme le site. L’action d’Epareca ne peut se faire que sur du cas par cas. Nous explorons les vingt-cinq territoires désignés au titre de cette procédure. »
Grâce à son parcours, François Mius a une vision claire sur son domaine de prédilection : « S’il fallait définir l’urbanisme, je dirais que c’est la projection de la vie des gens sur un territoire. Voyez les centres commerciaux sur lesquels nous travaillons, ils sont un des rares endroits où les gens se croisent et se parlent encore. C’est un lieu qui favorise le brassage social et culturel qu’il faut préserver. C’est pourquoi dans nos interventions, nous essayons de placer le site à la frontière entre le quartier et son extérieur immédiat, pour éviter toute ghettoïsation, pour permettre aux flux de s’installer. » Et son analyse sur certaines tendances actuelles peut être incisive : « Soyons honnêtes, l’urbanisme se prête à bien des effets de mode. Voyez le développement de jardins et de potagers au cœur des quartiers de centre-villes. Il faut être prudent. Le concept est intéressant à un moment. Dans les années 70, un mouvement d’architecture a rencontré un fort succès : celui de la multiplication des coursives. Une coursive c’est pratique, cela peut être beau mais cela ne marche que si la sécurité y est assurée. Or, aujourd’hui, emprunter une coursive à certains moments de la journée peut s’avérer dangereux… De plus les jardins en centre-ville posent aussi bien des questions, ne serait-ce que celle du statut de ces espaces et de leur imbrication dans un plan urbain plus large. Jusqu’où peut-on ou doit-on aller dans la recréation d’un microcosme ? La confrontation entre un concept et la réalité du marché peut mettre en porte-à-faux. En fin de compte, un urbaniste passe une grande partie de son temps à essayer de réparer les erreurs de ceux qui l’ont précédé. »

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