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International - Pays-Bas
La production durable par The Greenery

Culture hydroponique, agriculture de précision, géothermie… les producteurs hollandais s’engagent résolument dans la production alternative, même si le marché ne valorise pas toujours leurs efforts.

En avril 2010, The Greenery, le premier opérateur fruits et légumes néerlandais, lançait sa démarche “Nature Counts” (“La nature compte”). Son objectif était d’inscrire dans les faits, par l’attribution d’une appellation, les efforts réalisés par les producteurs de la coopérative en matière de développement durable. Deux fois par an, un jury d’experts évalue les projets des entreprises selon différents critères (gestion de l’eau, protection des cultures, utilisation de CO2…) et aujourd’hui une dizaine d’entreprises sont détentrices de cette appellation. Fld est allé à la rencontre de trois d’entre eux.
Le chauffage des serres par géothermie s’est développé aux Pays-Bas à la fois pour des raisons géologiques et économiques. Le pays profite d’une géologie relativement simple, avec des formations planaires et homogènes, un profil que l’on ne retrouve pas en France par exemple. De plus, le sous-sol renferme des aquifères sableux qui sont à la fois productifs, offrant du coup des débits importants, et sous couverture, ce qui limite les déperditions d’énergie. Enfin, le faible relief du pays limite fortement l’écoulement des nappes : le stockage de l’énergie en est du coup favorisé. Les raisons économiques tiennent au fait que l’électricité générée par les serres est revendue, apportant un complément financier. La tendance s’est quelque peu infléchie ces deux dernières années.

A + G Van den Bosh, entreprise pionnière dans la géothermie
L’entreprise A + G Van den Bosch, la première à recevoir la distinction “Nature Counts”, a été créée dans les années 70 à Berkel en Rodenrijs, sur 1 ha de serres plastiques. D’année en année, elle s’est développée, et s’est aussi installée sur Bleijswik où elle dispose de deux unités de production et de conditionnement. Aujourd’hui, A + G Van den Bosch produit et vend quelque 160 000 t de tomates Cœur de bœuf, dont 40 % exportées vers le Royaume-Uni. Dans les années 80, elle a décidé de se spécialiser dans la culture de cette variété. La société dispose de 28 ha de serres dédiées. C’est en 2005 que la société a lancé son projet de géothermie, à une époque où le chauffage au gaz devenait trop coûteux au vu de marges qui se réduisaient fortement. « A cette époque, il n’y avait que des développements en Allemagne, en Islande et aux Etats-Unis, explique Rik Van den Bosch, le directeur. C’était une idée simple, facile à comprendre mais quand il s’est agi de la mettre en œuvre pour la première fois, ce fut un vrai défi. » Et surtout d’importants investissements : A + G Van den Bosch a déboursé deux fois 6 millions d’euros pour le forage et l’installation de pipelines à 1 700 m de profondeur, où se trouve une nappe d’eau à 60 °C. Rik Van den Bosch ne regrette rien : « Cela valait le coup. Le système bâti pour durer quarante ans et le retour sur investissement sont assurés en dix ans. Nous arrivons à économiser environ 1,5 million d’euros par an en électricité. L’énergie dépensée par kilo de produits a été divisée par deux. » D’autre part, depuis la mise en place de la géothermie, la production de CO2 est passée de 75 à 3,5 kg au mètre carré et la consommation de gaz, de 42 à 2 m3 par mètre carré. Côté marché, le bilan est plus mitigé. « Nos clients sont tout à fait favorables mais il est difficile de faire passer cela dans les prix, concède Rik Van den Bosch. Cela tient aussi à l’évolution de la relation avec le client : moins de long terme, plus de zapping entre les fournisseurs. C’est facile d’oublier cet engagement pour le durable dans la chaîne d’approvisionnement. »

Jan Meuzelaar applique l’agriculture de précision
A Strijen, dans l’Ouest du pays, Jan Meuzelaar cultive depuis trente-cinq ans des salades Iceberg en pleins champs sur l’exploitation familiale (il est la troisième génération dans le maraîchage). Il exploite aujourd’hui l’Iceberg sur 40 ha et s’est aussi spécialisé dans deux produits atypiques : la rhubarbe forcée sous tunnel P17 (particulièrement appréciée en France) et les plantes de bocage pour les bordures de canal, activité pointue plutôt lucrative. Pommes de terre et céréales complètent le portefeuille. Très rapidement, Jan Meuzelaar a appliqué à la culture des salades des principes largement utilisés dans les grandes cultures : l’agriculture de précision. « La réglementation sur les engrais s’est renforcée d’année en année et il a fallu trouver de nouvelles technologies alternatives offrant la même productivité, explique-t-il. Grâce à l’agriculture de précision, nous arrivons à n’utiliser qu’un minimum d’engrais, de produits phytosanitaires et d’eau. » Il s’est ainsi doté d’un système GPS. Celui-ci communique à partir du tracteur avec les satellites et veille à ce que le tracteur soit guidé sur le champ avec une précision allant jusqu’au centimètre. Ce pilotage “au cordeau” est particulièrement utile dans la préparation des champs mais aussi dans la réalisation des plates-bandes. « Grâce à l’utilisation du GPS, le champ est fertilisé uniquement aux endroits où la laitue est plantée, précise Jan Meuzelaar. En utilisant de l’engrais liquide sous forme de dépôt, on diminue la quantité d’azote renvoyée vers les eaux de surface. L’engrais chimique est administré une seule fois et localement. Grâce à cette méthode, nous arrivons à économiser jusqu’à 24 % de produits et les émissions de CO2 sont moindres. » La structure du sol est mieux préservée, ce qui permet d’utiliser au mieux la chimie naturelle du sol pour activer l’engrais. De plus, les risques de chevauchement pendant l’application des produits sont réduits au minimum, entraînant des économies supplémentaires de produits phytosanitaires (de l’ordre de 5 %). Une démarche de précision a aussi été développée pour l’arrosage. Jan Meuzelaar utilise un système commandé par ordinateur qui arrose les plantes avec précision, évitant toute dispersion : « Sur une bande de 500 m en passant une fois, c’est presque 3 ha qui sont irrigués en une nuit, indique-t-il. L’Iceberg a un gros avantage : son système racinaire est peu profond et cela permet de bien doser et d’être précis dans l’arrosage. Avec ce système, nous pouvons réduire la consommation d’eau de 30 à 40 %. » On retrouve chez Jan Meuzelaar le même pragmatisme rencontré plus tôt chez Rick Van den Bosch au sujet du marché. « Il s’agit de sécuriser la production dans une démarche durable plutôt que de rechercher un impact sur la valeur ajoutée. C’est un engagement personnel d’être durable, mais cela a un prix. Si le marché n’est pas là, c’est démoralisant », regrette-t-il. Le fait que la grande distribution s’approprie les valeurs du développement durable sans y associer le producteur navre aussi le maraîcher de Strijen.

Firma Pater Broeser s’est lancé dans la culture hydroponique il y a cinq ans
La société Firma Pater Broeser, dans le Waarland, est actuellement la seule à tenter la culture hydroponique de salades en extérieur. Proche des bâtiments de l’exploitation, s’étend un étang de culture de 5 000 m2 dans lequel flottent des bacs en plastique contenant des pots renfermant les variétés de salades. La société Pater, créée dans le Waarland dans les années 80 avec une spécialisation dans les choux et les oignons, a ensuite ajouté la culture de la laitue Iceberg à son portfolio. Le rapprochement avec Broeser, début 2011, a permis d’accentuer cette activité tout en renforçant un courant d’exportation de choux vers l’Allemagne déjà existant. D’agrandissement en agrandissement, l’entreprise dispose aujourd’hui de 150 ha. Elle produit annuellement 10 millions de têtes de salades, et 3 millions de têtes de choux pointus. Firma Pater Broeser s’est lancé dans la culture hydroponique il y a cinq ans. Comme l’explique David Smit : « Il y a un avantage en termes de productivité : 1 ha en hydroponique permet de cultiver douze fois plus qu’en pleine terre. Le système permet d’autre part d’obtenir un produit uniforme et résistant où l’utilisation de produits phytosanitaires est réduite au minimum. » De fait, l’étang de culture est un système fermé. Les racines, baignant directement dans l’eau, prélèvent ce dont elles ont besoin, ce qui réduit d’autant le travail à fournir. Et le rend plus facile, le personnel pouvant effectuer la récolte debout. Corollairement, les quantités d’eau ou d’engrais utilisées sont nettement inférieures à une culture classique. « Lorsque les précipitations sont trop abondantes, l’eau excédentaire est stockée afin de pouvoir être utilisée plus tard pour la culture. L’engrais ajouté à l’eau ne se mélange pas à l’eau de surface, continue David Smit. Le produit souffre moins des conditions climatiques, même s’il faut demeurer vigilant sur la force du vent pendant la pousse, et résiste mieux aux infections et moisissures. » Le gain de temps est appréciable. Ainsi, on peut compter qu’une salade cultivée selon cette méthode arriverait à maturité cinq jours avant celle de pleine terre. Dernier avantage selon l’entreprise, cela permet de récolter un produit de qualité constante, répondant aux critères de la distribution. Cet automne, Firma Pater Broeser effectue des tests en grandeur nature avant de se lancer dans la pleine production l’année prochaine, ce qui demandera de la part de la société un investissement, principalement en automatisation de certaines tâches.

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