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Midi-Pyrénées
La pomme joue carte sur table

En juin dernier, la chambre d’Agriculture du Tarn-et-Garonne a organisé une journée de travail sur l’avenir de la pomme dans le département, premier producteur national, et en France.

« Nous avions besoin de faire un point sur l’avenir de la production dans notre département, comme sur le plan national, explique Yvon Sarraute, président du Cefel et responsable fruits de la chambre d’Agriculture du Tarn-et-Garonne. Nous sommes en pleine incertitude. Il y a dix ans, la France produisait 2 à 2,2 millions de tonnes par an, aujourd’hui nous sommes plutôt autour de 1,7 million de tonnes*. Où va-t-on s’arrêter ? Nous devons réfléchir ensemble à l’adaptation de nos vergers à la demande du marché. Malheureusement, nous avions invité des représentants des grandes surfaces et des détaillants à participer à nos travaux, mais personne n’est venu. »
La situation des producteurs de pommes français n’est pas facile. D’année en année, leurs tonnages s’étiolent, à l’image de ceux de l’Europe (- 12 % en dix ans, surtout à l’Est) et de l’Amérique du Nord (- 8 %), alors que la production mondiale globale a augmenté de 15 % sur la même durée, notamment en Chine (+ 52 %), leader mondial qui produit désormais une pomme sur cinq (+ 8 millions de tonnes en huit ans) et qui devient un acteur important à l’export, et dans l’hémisphère Sud (+ 14 %), avec une croissance de 20 % en Amérique du Sud (Chili).
La France, qui a perdu 20 % de sa production entre 2000 et 2008 (1,68 million de tonnes en 2008), est ainsi désormais le huitième pays producteur du monde, derrière l’Italie (1,99 million de tonnes) et devant l’Allemagne (1,64 million de tonnes) qui a vu sa production diviser quasiment par deux durant la même période. « Tous les pays producteurs exportaient jusqu’en 2008, mais cette année-là et en 2009, suite à la crise mondiale, seuls la Chine et les Etats-Unis ont continué à développer leurs ventes à l’étranger », explique Carine Robitaillie, chef de projet produits végétaux à Ubifrance. Ainsi, de premier exportateur mondial en 2008, la France est passée en quatrième position en 2009.
Selon le cabinet américain Belrose, qui publie chaque année un classement des pays producteurs de pommes les plus compétitifs, tenant compte de trois groupes de critères (efficacité de production, intrants et infrastructures, marchés et critères commerciaux), la France oscille entre la quatrième (2008 et 2010) et la cinquième place (2009). Parmi les cinq premiers pays, le Chili est chaque année en tête, tandis que l’Italie, les Etats-Unis et la Nouvelle-Zélande se partagent les trois autres rangs.

Des clients très européens
La France exporte ses pommes presqu’exclusivement vers les pays européens, où ce fruit est toujours le premier fruit tempéré consommé. Les Autrichiens, par exemple, en mangent 24 kg par personne et par an, et les Britanniques 10 kg. C’est d’ailleurs au Royaume-Uni que les producteurs français exportent le plus : 135 000 t en 2009 et près de 160 000 t en moyenne par an, entre 2004 et 2009, ce qui représente un chiffre d’affaires annuel de 170 000 US$ (134 625 €). Viennent ensuite l’Espagne, l’Allemagne, les Pays-Bas… mais aussi l’Algérie, seul pays qui a augmenté ses achats en 2009 (65 000 t), ce qui en fait le troisième client de l’Hexagone (45 000 US$, soit 35 616 €).
« Le problème avec le consommateur occidental, c’est qu’il est exigeant, poursuit Carine Robitaillie. Il vit dans une société d’abondance où priment le service, l’innovation, l’accessibilité, les préoccupations sanitaires et environnementales… et il continuera à faire pression pour imposer des exigences toujours plus contraignantes en matière de sécurité alimentaire, de diminution des résidus chimiques, de traçabilité, d’empreinte carbone, etc. En revanche, il devient économe et cherche toujours le meilleur rapport qualité/prix. On note une réduction globale de son budget, notamment en Allemagne, où les quantités consommées sont en nette baisse, et aux Etats-Unis, où un transfert s’effectue vers les produits les moins chers et de base. »

S’adapter aux marchés
Reste, pour développer ses ventes, à s’adapter aux différents marchés, mais les réseaux de distribution sont hétérogènes. Les consommateurs privilégient la vente au détail en Europe du Nord, les marchés traditionnels en Espagne et en Italie, les discounters en Allemagne… « Il faut choyer l’Afrique du Nord, souligne Carine Robitaillie. La France, comme l’Italie, de par leur position géographique stratégique, mais aussi parce qu’elles proposent une grande diversité de variétés adaptées aux goûts locaux, sont privilégiées pour vendre davantage sur les marchés du Maghreb. Mais il faut aussi continuer à séduire la Russie et d’autres pays tiers malgré des barrières sanitaires toujours présentes. En outre, la diversité variétale, la différenciation par la marque, et la prise en compte des aspects sanitaires et environnementaux sont des atouts pour les produits français sur les marchés émergents, comme ceux du Moyen-Orient. »
En France, les quantités achetées ont baissé de 50 t entre 2005 et 2009 (- 11 %), et le prix moyen au kilo payé par le consommateur, après être monté à plus de 1,60 € en 2008, est redescendu à 1,45 €, en hausse tout de même de 3 % par rapport à 2005. Selon une étude Kantar Worldpanel, 89 % des Français ont acheté des pommes en 2009 (en léger retrait), à raison de 1,5 kg par acte d’achat, treize fois durant l’année (contre quinze fois en 2007). Les achats se font majoritairement en hypermarchés (30,9 %), mais les ventes chez les primeurs progressent ainsi que dans les grandes surfaces spécialisées comme Grand Frais.
« Concernant les variétés consommées, c’est toujours la Golden qui est en tête, bien qu’elle recule fortement et ne représente plus que 27 % des ventes en 2009, contre 33 % en 2003 », souligne Christian Hutin, du département produits et marchés du CTIFL. Parmi les variétés en progression, on trouve Gala qui représente désormais 20 % des achats, suivie de Braeburn, Belchard, Pink Lady et Fuji. En revanche, en matière de prix au détail, c’est la toute nouvelle Tentation (Delbard) qui remporte la palme avec plus de 2,50  €/kg, suivie de Pink Lady, Belchard, Granny Smith et Reine des Reinettes.

Développer les marques
Les plus gros acheteurs sont les plus de 65 ans qui mangent trois fois plus de pommes que les moins de 35 ans… Les plus âgés sont plutôt attirés par le parfum des fruits et les plus jeunes par leur taux de sucre. Mais c’est le caractère “croquant” qui est le plus demandé, bien que le “juteux” ait continué à progresser entre 2000 et 2008, selon le baromètre pomme du CTIFL/ISL. Ce dernier indique également que les critères d’achat progressent. Si le bel aspect des fruits est toujours prédominant, la fraîcheur, la variété et la présentation en rayon ont perdu de l’importance, entre 2003 et 2008 (bien que fraîcheur et variété fassent tout de même partie des trois premiers critères d’achat). En revanche, le prix est de plus en plus décisif. « 40 % des consommateurs européens veulent des produits 1er prix, qui ne sont pas une source de revenu pour nous, confirme Alain Vialaret, directeur général de Blue Whale. Mais il en reste 60 % à satisfaire, qui cherchent autre chose. Nous ne pourrons pas continuer à exister sans développer des politiques de marque forte, comme l’a fait la filière tomate (Rougeline, Savéol) qui s’est organisée, refuse de faire des 1er prix, et innove en termes de variétés et d’emballages. »
« Avoir un produit qui se différencie apporte forcément un “plus”, notamment sur l’aspect communication, et peut être un levier d’action contre la baisse de la consommation, renchérit Christian Hutin. Il faudra aussi développer les ventes auprès des jeunes, notamment en trouvant des modes de commercialisation plus adaptés, en diversifiant les lieux de mise à disposition des produits, etc. »
« Nous avons aussi besoin d’être bons collectivement, en créant par exemple un GIE, indique Daniel Sauvaitre, président de l’AOPn Pommes-Poires. Nous sommes tous concurrents, mais il y a des choses que nous ne pourrons pas faire seuls. Nous devons par exemple exiger le maintien de la qualité en rayon, pour ne pas perdre notre place auprès du consommateur, et nous devons travailler l’identité France. Enfin, il nous faut collecter l’information sur le plan mondial et qu’elle soit transmise à tous, afin d’éviter les rumeurs sur les perspectives de marché. »

* La production en Midi-Pyrénées et en Aquitaine a toutefois recommencé à progresser, la première depuis 2008 et la seconde en 2004 (source : CTIFL).

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