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La pomme de terre bio : un marché d’équilibre

Ces dernières années, l’offre et la demande en pommes de terre bio progressent régulièrement. L’origine française est déterminante et la contractualisation est essentielle pour garder l’équilibre du marché.

Selon les derniers chiffres de l’Agence bio/AND International, le marché de la pomme de terre bio fraîche en France s’est élevé, en 2018, à 54 206 t, dont 52 506 t au stade détail (+16 %) et 1 700 t en restauration hors foyer. 34 % ont été commercialisées en grande distribution, 33 % en vente directe et chez les primeurs et 33 % dans les circuits bio spécialisés.

80 % des magasins proposent désormais de la pomme de terre bio avec, en général une ou deux références. La moitié est vendue en préemballé, principalement en GMS, l’autre moitié en vrac, surtout en vente directe et circuits spécialisés. Et comme pour l’ensemble des produits bio, la grande distribution prend des parts de marché et tire la consommation.

Le prix : un frein ?

« La part du bio en pommes de terre, de 5 % environ, est plutôt inférieure à celle des autres fruits et légumes, notamment parce que les consommateurs bio ont une alimentation plus diversifiée et consomment moins de pommes de terre. La demande augmente toutefois régulièrement », constate Cécile Perret, de La Ferme de la Motte, représentante du CNIPT à la Commission bio d’Interfel et co-animatrice de la section bio du CNIPT.

La part des ménages achetant de la pomme de terre bio est ainsi passée de 11,6 % en 2016-2017 à 12 % en 2017-2018 et à 13,5 % en 2018-2019 (panel Kantar). En 2018-2019, selon les chiffres du RNM, le prix de vente moyen a été de 2,20 €/kg en grande distribution, contre 1,30 €/kg pour la pomme de terre conventionnelle, et de 2,10 €/kg dans les circuits spécialisés.

« Même s’il varie selon les campagnes, le prix de vente en magasin est toujours beaucoup plus élevé qu’en conventionnel et est un des principaux freins au développement de la consommation. Dans une étude récente sur un panel d’acheteurs représentatifs, les Français citent parmi les raisons de non-achat le niveau de prix élevé par rapport à la pomme de terre conventionnelle (52 %) et le manque d’habitude (31 %) », constate Ali Karacoban, du CNIPT. Malgré tout, les ventes se développent sur le marché de détail, la demande en restauration hors foyer évoluant plus lentement, avec une part du bio de seulement 3 %. « Globalement, nous tablons sur une augmentation du marché du frais de 10 % par an. Et une nouveauté depuis deux ans est le développement de la demande en industrie, notamment en frites surgelées et en chips, avec des exigences différentes et donc des variétés dédiées », indique Cécile Perret.

L’origine française est primordiale

L’essentiel du marché est couvert par la production française. Selon l’Agence bio/AND International, 94 % des pommes de terre bio proposées en circuit long en 2018 étaient d’origine France. « Les consommateurs bio sont très sensibles à l’origine nationale des produits. Les distributeurs sont donc très attachés à l’origine France des pommes de terre bio. Et il en est de même désormais pour l’industrie », souligne Cécile Perret.

L’import, en provenance d’Allemagne, des Pays-Bas, d’Espagne et d’Italie, n’intervient qu’en fin de saison, quand la production française est épuisée, en juin-juillet généralement mais parfois dès le mois de mai. De plus en plus, l’arrivée d’une offre étrangère entraîne une forte baisse des ventes, ce qui amène des distributeurs à ne plus proposer de pommes de terre bio quand il n’y a plus d’offre française. L’origine française étant primordiale, la production se développe en France. En 2019-2020, selon les estimations CNIPT/AND International, 3 380 ha de pommes de terre ont été cultivés en agriculture biologique en France.

« Les surfaces augmentent chaque année. En 2018-2019, elles ont grimpé de 25 %. Et pour 2019-2020, la hausse prévue sur notre panel – qui couvre 80 % de la production sous contrat – est de 17 % », indique Ali Karacoban. Les principales régions de production sont la Bretagne/Grand-Ouest (31,3 %), la Picardie (19,6 %), le Nord-Pas-de-Calais (13,2 %), le Centre Val-de-Loire (13,2 %), la Champagne (9,5 %) et l’Île-de-France (5,9 %).

« Pour des raisons surtout historiques, la répartition géographique de la production est un peu différente de celle du conventionnel, avec notamment l’importance de la Bretagne », note Ali Karacoban. 57 % des surfaces emblavées portent sur des variétés à chair ferme.

Adapter l’offre à la demande

La principale difficulté de la production est la forte variation des rendements, due principalement au manque d’eau ou aux maladies liées aux excès d’eau, notamment au mildiou. Un aspect qui ne devrait pas s’arranger avec le changement climatique. L’irrigation, même dans les régions qui n’irriguent pas traditionnellement, ainsi que l’utilisation de variétés tolérantes ou résistantes au mildiou sont donc essentielles pour sécuriser la production. Une maîtrise de l’offre par la contractualisation est également primordiale. « La France n’est pas concurrentielle en pommes de terre bio par rapport à l’Espagne, l’Italie ou la Belgique. Il n’y a donc pas ou très peu de possibilités d’export. De plus, il s’agit encore d’un marché de niche. Un excédent de production lié à de très bons rendements comme cela a été le cas en 2017 ou à une trop grande augmentation des surfaces peut donc entraîner une forte baisse des prix. Et par ailleurs, la production française doit répondre à la demande en France. La contractualisation est donc essentielle pour garder l’équilibre du marché », analyse Cécile Perret.

En 2020, le passage au statut « hors dérogation » de la pomme de terre, qui obligera à n’utiliser que des plants bio, pourrait toutefois limiter le développement de la production. « Les fournisseurs de plants assurent qu’ils ne manqueront pas de plants bio. On constate toutefois que les opérateurs réservent leurs plants plus tôt cette année », indique Cécile Perret. Les plants devant être bio mais pas forcément français, le recours à l’importation de plants pourrait être une alternative pour cette première année, avec toutefois des variétés différentes obligeant à un travail avec les clients pour référencer ces nouvelles variétés.

Développer la segmentation culinaire

Pour développer la consommation, le CNIPT et l’Agence bio mènent chaque année une campagne de communication mettant en avant la production et la structuration de la filière. Une piste pour augmenter les achats est d’augmenter le nombre de magasins proposant de la pomme de terre bio. « 80 % des magasins en proposent, contre 60 % il y a trois-quatre ans. Il y a donc encore de la marge », précise Cécile Perret. Une autre piste est de développer l’offre avec de nouveaux formats et une plus grande segmentation culinaire. « Actuellement, l’essentiel des volumes porte sur de la pomme de terre à chair ferme pour cuisson eau, vapeur, rissolée. Il faudrait que les magasins puissent proposer aussi des références sur les segments four, purée et spécial frites », indique le CNIPT.

Une difficulté toutefois est que les producteurs manquent de variétés tolérantes au mildiou. Une autre pour les distributeurs est que le rayon bio est en général limité en place et qu’ils peuvent difficilement multiplier le nombre de références. La marge de manœuvre sur le prix est également limitée. « La différence avec le conventionnel s’explique notamment par les rendements inférieurs, de 25-30 t/ha contre 45 t/ha en conventionnel. Les producteurs, qui doivent allonger les rotations pour des raisons agronomiques et sanitaires, sont par ailleurs moins spécialisés qu’en conventionnel et ne peuvent donc comprimer les charges. Les conditionnements recyclables et sans plastique qui sont amenés à se développer coûteront par ailleurs plus chers que ceux utilisés actuellement. Enfin, le stockage et le conditionnement nécessitent des investissements importants », analyse Cécile Perret.

Le seul anti-germinatif autorisé en bio est l’huile de menthe, dont l’odeur persiste. Les distributeurs préférant qu’il n’y ait pas de traitement même autorisé en bio, le stockage des pommes de terre bio se fait en effet en frigo, avec la nécessité de frigos dédiés pour éviter les contaminations croisées au CIPC utilisable en conventionnel jusqu’à l’été 2020. Pour la même raison, des chaînes de conditionnement dédiées sont nécessaires. « Il y a donc un enjeu essentiel à maintenir la valeur du produit, à expliquer pourquoi le bio reste plus cher que le conventionnel et à développer la consommation par des actions de promotion par les distributeurs », estime Cécile Perret.

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