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La méthanisation, essai transformé chez Boyer

La société tarn-et-garonnaise a été l'une des premières à valoriser sesmelons déclassés grâce à la biométhanisation. D'autres entreprises ont emboîté le pas.

Depuis deux ans et demi, la société Boyer qui détient la marque de melons Philibon recycle ses déchets par biométhanisation. Une première en France pour des fruits et légumes. Le prix “Technologies économes et propres” lui a d'ailleurs été remis à l'occasion des vingt-cinq ans du “Prix Entreprises et Environnement” du ministère de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie. Les institutionnels ont ainsi été séduits par cette innovation subventionnée au final à 50 % (Europe, Etat/Région, Conseil Général, Adème, ville de Moissac).

Le tri sélectif effectué à la récolte pour répondre au cahier des charges que s'impose l'entreprise pour commercialiser du melon mature, d'un certain calibre et sans défauts visuels, aboutit à une certaine quantité de produits déclassés appelés, par son dirigeant Joël Boyer, les écarts de tri. « C'est par une relation locale que nous avons eu connaissance d'un projet de la société belge GreenWatt en 2010, affirme-t-il. Nous sommes allés visiter le prototype et le premier méthaniseur de déchets endiviers en Belgique. Séduit par le principe, nous avons commencé la construction en 2011. Aujourd'hui, nous en sommes très satisfaits. »

La méthanisation uniquement de fruits et légumes ne va pas de soi. En principe, la fermentation – la base du processus – exige un apport de déjections animales. Ce sont des ingénieurs de l'université de Louvain en Belgique qui ont apprivoisé certaines bactéries dites méthanogènes pour rendre effective la production de méthane à partir de fruits et légumes. Aussi, le procédé est unique en son genre, notamment en raison de sa forte saisonnalité. Contrairement aux unités classiques, la méthanisation chez GreenWatt s'effectue en deux phases dans deux cuves distinctes. Dans la première, les déchets (en l'occurrence des melons déclassés) sont liquéfiés et dégradés en acide gras. Dans la seconde, phase plus délicate, les bactéries continuent la dégradation en se nourrissant des acides gras mais à pH neutre. « Toute la difficulté est de maîtriser la vitesse de la première phase pour ne pas pénaliser la seconde », relate Jean-Marc Spiltoir, ingénieur chez GreenWatt. Le biogaz produit est envoyé grâce à un réseau souterrain dans la centrale de cogénération qui, à l'aide d'un moteur thermique, va transformer le gaz en électricité. Cette énergie est rachetée par un fournisseur d'énergie, ERDF pour l'entreprise Boyer. La chaleur dégagée par la fermentation est utilisée pour chauffer l'eau nécessaire au lavage des pallox et des caisses de récolte ainsi que les logements de saisonniers. Au total, cela équivaut en théorie aux besoins calorifiques de quatre-vingt-dix ménages. Le CO2 évité équivaut à 50 t/mois. Le digesteur produit 76 mégawattheure/mois en énergie électrique. Joël Boyer projette de produire du froid à partir de la chaleur excédentaire obtenue par méthanisation pour climatiser éventuellement le hall de conditionnement. Le système “digère” du melon depuis fin avril avec l'arrivée des melons du Maroc jusqu'au mois d'octobre avec les dernières récoltes de melons du Sud-Ouest. Le reste de l'année, l'approvisionnement en déchets provient des entreprises environnantes producteurs de pommes et de kiwis essentiellement.

« Ces apports permettent seulement d'entretenir le digesteur, précise le dirigeant de Boyer. D'ailleurs, le modèle économique a été calculé en prenant en compte cette trêve hivernale. » L'opération demande un équivalent temps plein réparti sur l'année, le travail étant plus important l'hiver du fait de l'arrivée de petites quantités. L'amortissement du matériel a été calculé sur huit ans.

Une très bonne valorisation

Aujourd'hui, la biométhanisation paraît la meilleure solution pour l'entreprise. Grâce à un étalement de la saison du melon rendue possible du fait de divers sites de production et l'apport des entreprises avoisinantes, la transformation en énergie est faisable.

« Depuis de nombreuses années, nous cherchions une solution pour nos écarts de tri, assure Joël Boyer. La transformation en IVe gamme, voire en Ve gamme, n'est pas adaptée. Elle nécessite en fait des melons assez proches qualitativement de ceux qui sont vendus en frais. Le compostage et l'alimentation animale ne nous conviennent pas non plus. Les quantités à fournir sont trop limitées. Le surplus était acheminé en déchetterie, une solution onéreuse loin d'être satisfaisante. »

La biométhanisation, c'est quoi ? DÉFINITION

La biométhanisation consiste en la dégradation en matières organiques simples de matières organiques complexes via la digestion anaérobie. Ce processus est inspiré de la digestion naturelle des ruminants. Elle se fait en quatre étapes impliquant cinq groupes enzymatiques différents. D'abord une hydrolyse et une fermentation dégradent les complexes moléculaires de grandes tailles (graisses, amidon, protéines...) en molécules plus simples et donc de plus petites tailles (sucres, alcools, acides aminés...) puis une acidogenèse qui transforme les molécules simples en acide gras volatils, ce qui produit de l'hydrogène et du gaz carbonique. Ensuite l'acétogenèse transforme ces molécules en acide acétique ou en hydrogène et la méthanogenèse convertit l'acide acétique et l'hydrogène en méthane.

Le melonnier Rouge Gorge a trouvé une parade assez similaire pour les melons déclassés. Il participe à l'approvisionnement d'une grosse unité de méthanisation, Tiper Méthanisation, située à 12 km de la station, à Thouars. Cette dernière “ingurgite” 80 000 t de produits par an dont essentiellement des fumiers (cf. fld hebdo du 2 mai 2013). Mais pour des raisons économiques et de rentabilité énergétique, les quantités de melons livrées sont limitées. L'unité qui a démarré en 2013 est conçue pour produire 16 millions de mégawattheure/an. Deux moteurs alimentent la cogénération. L'électricité est vendue à une régie locale, Seolis. La chaleur est consommée en interne et fournie à une usine d'aliment du bétail appartenant au négoce Bellanné. France Champignon apporte aussi ses déchets ainsi que la SCEA Foucher, en lien avec sa production de poireaux.

D'autres projets sont en cours

GreenWatt teste en ce moment à Agadir au Maroc la méthanisation de déchets de tomates (cf. fld hebdo du 12 février). Le constructeur agit pour le compte de l'Association marocaine des producteurs et producteurs exportateurs de fruits et légumes (Apefel). « La zone se prête bien à ce test, explique Jean-Marc Splitoir. Le potentiel est là. La production de fruits et légumes se concentre sur 8 000 km2 , 5 000 ha de serres. L'avantage avec la tomate, c'est que l'effeuillage dure pratiquement toute l'année et l'arrachage des pieds s'effectue en mai/juin. » GreenWatt construit aussi une unité de méthanisation à la station de conditionnement de la coopérative des producteurs légumiers de Doué-La-Fontaine (Maine-et-Loire), spécialiste de la restauration collective, sous la marque Rosée des Champs. D'une capacité plus grande que celle de chez Boyer, elle fournira 962 mégawattheure par an en électricité et 1 196 mégawattheure en énergie thermique. Contrairement aux autres unités, les déchets de la station seront très variés, issus notamment de la transformation des légumes (salades, céleris, fenouils, poireaux…) en IVe gamme et en Ve gamme. Les boues biologiques de la station d'épuration liée à la station de conditionnement seront aussi intégrés.

L'approvisionnement se fera toute l'année et de façon très régulière. La construction a commencé le 21 mai dernier pour une mise en service à la fin de l'année. « Ce projet s'inscrit dans notre politique d'énergie renouvelable », relève Francis Bailly, le directeur de la coopérative. L'énergie thermique sera utilisée pour la pasteurisation, pour le lavage des emballages et peut-être aussi pour le séchage de légumes.

Enfin, comme nous vous l'avions annoncé le 2 janvier 2013, la société Les Jardins de Rabelais (Indre-et-Loire) étudie la construction d'une unité de méthanisation avec le constructeur Entec. L'objectif est de devenir autonome en énergie pour la production haut de gamme toute l'année de tomates grappe. Le système sera conçu pour un apport de 37 000 t de déchets issus des Jardins de Rabelais mais aussi d'industries agroalimentaires et de grandes et moyennes surfaces avoisinantes. La production sera équivalente à 11 millions de mégawattheures en énergie électrique et 12 millions de mégawattheures en énergie thermique sur un an. Le dossier financier n'est pas encore totalement bouclé.

Toutes ces initiatives montrent le dynamisme des professionnels à adopter des énergies alternatives, phénomène déjà amorcé avec la cogénération au gaz naturel et les chaudières à bois. Toutefois, certaines contraintes vont sans doute limiter leur développement sans parler du coût financier : trouver des partenaires pour un approvisionnement régulier et des acheteurs d'énergie thermique.

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