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« La mascotte personnifie les qualités des f&l »

Pionnier dans l'image de synthèse en France, Lionel Fages, président de Cube Creative Productions, revient sur cette technique très utilisée dans la communication publicitaire à destination des enfants. Son meilleur exemple : les mascottes Frutti et Veggi, que son entreprise a créées avec la Sopexa pour Interfel.

Lionel Fages est le président de Cube Creative Productions, une société de production de films équipée de son studio d'animation, qu'il a fondée en 2002 avec Majid Loukil et Bruno Le Levier. Cube se démarque par une ouverture aux jeunes designers et réalisateurs, recrutés dans les écoles, et la diversité de ses travaux (publicité, habillage de la chaîne France 3, animations 3D et effets spéciaux pour les longs métrages, vidéos clips, création d'univers).

FLD : Comment Frutti et Veggi ont-ils vu le jour ?

LIONEL FAGES : Nous avons travaillé avec la Sopexa pour répondre à l'appel d'offres européen. Le client, Interfel, avait déjà émis l'idée de créer une mascotte, et pour la Sopexa la réponse adaptée était un film avec un enfant, certainement une petite fille, et une mascotte pour symboliser les fruits et légumes, rouge pour les fruits et verte pour les légumes. Lors du design, on s'est très vite interrogés sur la personnalité et la conception de la mascotte rouge parce que cette couleur est souvent associée à des aspects négatifs (le diable, la colère, l'interdiction...). Une mascotte rouge qui est très dynamique, qui s'énerve un peu, était une idée un peu dangereuse. Nous nous sommes focalisés sur la mascotte verte qui a joué dans les cinq films. Elle est plus conviviale, le vert représente l'alimentaire, l'espérance. La mascotte rouge intervient seulement à la fin, lors de la présentation du programme.

FLD : Comment expliquez-vous le succès de ces mascottes fruits et légumes ?

L. F. : L'objectif de la mascotte est de séduire les enfants. Elle permet de personnifier la marque, le dynamisme et les qualités du produit. Avec Frutti et Veggi, nous avons mis l'accent sur la jovialité du personnage, sa complicité avec les enfants. On est même allés au-delà puisque, dans les films, la fillette gère elle-même les fruits et légumes et donne des conseils à Veggi. Le sous-message que les enfants comprennent, c'est qu'ils ne sont pas condamnés à manger des fruits et légumes. Ils acceptent de les consommer car les mascottes les ont rendus ludiques. De plus, Frutti et Veggi ne sont pas “gnan-gnan” mais dynamiques et un peu agressifs, avec un grand sourire et des dents. C'est peut-être tout cela qui a fait le succès. Ils impliquent les enfants, ce qui est important car ils veulent de plus en plus tôt être maîtres de leur vie. Par exemple, la série Mimi Cracra (diffusée dans les années 80-90) a beaucoup plu, il y avait des gros mots, c'était un peu limite. C'est ce qu'aiment les enfants. La mascotte ajoute aussi un côté magique. Dans les films Interfel, Veggi découpe les produits dans un style “Jackie Chan”. Les enfants ne sont pas dupes, ils savent qu'un fruit ou un légume ne s'épluche pas de cette manière mais cela leur fait plaisir d'imaginer le geste autrement.

FLD : Pourquoi des mascottes ?

L. F. : Les mascottes sont extrêmement utilisées dans le cadre de communications destinées aux enfants. Si les annonceurs exploitent énormément cette approche de personnification (à travers des personnages dans des films d'animation), c'est que cela fonctionne bien. Je pense que 80 % des produits liés à l'alimentaire destinés aux enfants mettent en scène des mascottes. C'est un moyen assez simple de symboliser les produits et la convivialité avec les enfants. C'est particulièrement fort sur les produits chocolatés, bonbons, restauration rapide. Sur la filière fruits et légumes, je n'ai pas beaucoup d'exemples, j'ai l'impression que c'est plutôt limité, que ce soit pour les enfants ou les adultes.

FLD : Est-ce une question de budget ?

« Les mascottes Frutti et Veggi impliquent les enfants, ce qui est important car ces derniers veulent de plus en plus tôt être maîtres de leur vie. »

L. F. : Pour la production d'un film ou d'une campagne publicitaire, le film ne représente que 10 à 15 % du prix total. Les 85 % restants sont destinés à l'achat de l'espace publicitaire à la télévision. De notre côté, faire une mascotte en 3D pour les fruits et légumes ou pour des bonbons, c'est la même difficulté, donc le même budget. Si on avait fait les films pour Interfel sans mascotte animée, cela aurait coûté un petit peu moins cher, mais sans le même impact. Si l'agence de communication explique bien son concept et ce qu'elle souhaite, les coûts de production restent négligeables.

BIO EXPRESS

Après des études d'audiovisuel à la fin des années 70, Lionel Fages réalise un stage dans la société de production Via Productions. A l'époque, l'image de synthèse est utilisée à des fins militaires (simulateurs pour former les pilotes de chasse et de char), en France par Sogitec. Cette entreprise est persuadée de l'avenir de l'image de synthèse dans le film publicitaire et collabore avec Via Productions ; Lionel Fages est chargé du dossier. Fin des années 80, le rachat de la Sogitec par Thomson Digital Image donne naissance à Ex Machina. En 2002, Lionel Fages et les autres cadres de Ex Machina fondent Cube Creative Production. Lionel Fages préside aussi Paris Courts Devant, festival international de courts-métrages à Paris, chaque automne.

FLD : Les produits dérivés plaisent énormément : peluches, costumes lors d'événements...

L. F. : C'est cela qui est formidable : une fois la mascotte créée, on peut la décliner à l'infini pour un “moindre” investissement. En 2007, nous avons été mandatés par la Compagnie des Alpes pour moderniser la mascotte des parcs d'attraction européens Walibi : un petit kangourou un peu désuet mais qui fonctionnait bien dans les années 80. Nous avons donc conçu un univers entier avec des personnages, ce qui a donné naissance à des films publicitaires, des films avec effets jaillissants pour une attraction, six vidéos clips en chanson, une mini-série diffusée sur Gulli et Canal J, des spectacles vivants, une bande dessinée et des produits dérivés. Voyez le large spectre promotionnel atteint par Walibi avec ses mascottes, c'est extraordinaire !

FLD : Une entreprise fruits et légumes peut-elle communiquer de cette façon ?

L. F. : Quand il s'agit de faire une communication dynamique, empreinte d'humour, pouvant élancer les produits dans quelque chose qui soit un peu généraliste, la solution d'animation et de design est une très bonne réponse. Ce système mascotte/film d'animation utilisé pour une communication collective par Interfel est transposable aux entreprises de fruits et légumes. Les fruits et légumes sont des produits sains et sympathiques. Les fruits (cerises, melon...) sont souvent associés à l'été et le côté sucré, un peu décontracté, dynamique des produits ne peut qu'engager à aller vers des mascottes. Pour les légumes, c'est un peu plus compliqué. La Sopexa a réussi à donner un aspect très ludique à ces produits par l'utilisation qu'en avait la mascotte. Mais pour les opérateurs de la filière, j'imagine que les enfants ne sont pas leurs seuls consommateurs. Ils doivent donc trouver l'équilibre dans leur communication. Le plus important est de bien déterminer ses objectifs, ses besoins. C'est un travail qui se fait avec une agence de communication. C'est ensuite à nous de mettre en image ce qui a été imaginé. Dans quel univers ?, Avec quel type de mascotte ?, Sur quelle durée ?, Quelle ambiance ?…, même si cela nous arrive de travailler exceptionnellement sans intermédiaire avec les petits clients.

FLD : En quoi vos projets vous amènent-ils à connaître les enfants comme cibles marketing ?

L. F. : La grande majorité de nos projets ont pour cible les enfants. Lorsqu'on parle animation, on pense enfants. Ce n'est pas innocent. Les plus gros succès de films longs métrages pour enfants sont des animations (Walt Disney, Pixar, Dream-Works...). Il est donc naturel que des annonceurs ayant des messages à faire passer aux enfants imaginent des concepts avec des animations. Mais ce n'est pas réservé qu'à eux ! Pour l'anecdote, nous avons participé au lancement du kiwi jaune Zespri. Dans ce film, on voit un kiwi tel une météorite qui, une fois coupé, se révèle être un kiwi jaune. Pour faire connaître ce produit, la publicité visait tous les publics.

FLD : Comment définiriez-vous cet enfant ?

L. F. : Je crois que l'enfant est quelqu'un à l'écoute et très au courant de ce qui se passe autour de lui, car il a beaucoup de sources d'informations (télévision, Internet, Smartphone, affiches publicitaires dans la rue…). Il est sollicité toute la journée. L'enfant veut les choses très rapidement, avec un dynamisme sympathique. C'est là dessus que jouent les annonceurs et les agences de communication : donner envie aux enfants, pour qu'ensuite ils convainquent leurs parents. Le mieux étant de persuader directement à travers le film qu'il s'agit de quelque chose de positif aussi pour eux. Avec le numérique, on ne s'adresse plus à l'enfant en général mais à Benoît ou Charlotte en particulier. La communication est plus ciblée et personnalisée, et elle est surtout testée par des panels de consommateurs. Enfin, les enfants sont très férus de marques en termes d'image. Celles-ci ont une influence qui s'accroît avec l'âge.

FLD : La communication a-t-elle évolué ?

L. F. : Ce qui a surtout changé, c'est la réglementation, qui est beaucoup plus stricte. On ne peut plus faire n'importe quoi, diffuser n'importe quel message aux enfants (et heureusement), en termes d'hygiène, de santé, de consommation. On a l'obligation d'afficher les mentions légales et sanitaires sur toutes les publicités. Les fruits et légumes sont assujettis aux mêmes règles. Peut-être que les Pouvoirs publics devraient faire une différence entre des produits naturels et sains comme les fruits et légumes ou un produit bonbon ou fast-food…

FLD : Quel avenir voyez-vous dans la communication pour les enfants ?

L. F. : La communication va toujours être fidèle et très proche de ce que les enfants vont voir à la télé ou au cinéma. C'est pour cela que la restauration rapide (McDo avec Happy Meal...) propose des jouets venant de dessins animés comme produits d'appel. Et pour le fond, France Télévisions a l'habitude de résumer en deux mots les attentes des enfants : humour et héros, les deux H. C'est ce qu'on a fait avec la modernisation du personnage de Prince de LU. Prince, c'est le héros d'une aventure en groupe. Il est accompagné de sept ou huit copains dont deux, les jumeaux Zig et Zag, ne font que des bêtises et représentent l'humour.

FLD : Sur quoi travaillez-vous actuellement ?

L. F. : Nous avons lancé, entre autres, une série sur Gulli et Canal J, “T'es où Chicky ?”, pour les vacances de la Toussaint, avec 52 films de 1 min. Les films mettent en scène Chicky, une sorte de poussin avec de grands yeux, caché dans un objet de la vie quotidienne. On passe progressivement d'un gros plan à un plan d'ensemble, ce qui laisse environ 45 secondes au jeune téléspectateur pour deviner dans quel objet est caché Chicky (gâteau d'anniversaire en gâteaux Oreo, flipper…). Nous pensons que ce personnage peut devenir le support d'une opération publicitaire pour un annonceur alimentaire. Et pourquoi pas une entreprise f&l. On peut envisager que Chicky soit caché dans une boîte de conserve ou une corbeille de fruits. Cette série est un véritable produit d'appel sur les chaînes pour enfants.

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