Le point sur le marché
« La France retrouve sa dynamique à l'export »
Vincent Guérin, économiste de l'ANPP, dresse un bilan intermédiaire du marché de la pomme depuis septembre. La fin de saison s'annonce avec quelques perspectives intéressantes.



FLD : Comment s'annonce la prochaine récolte ?
VINCENT GUÉRIN : Il est beaucoup trop tôt pour se prononcer à ce sujet. Nous savons seulement que le manque de froid peut avoir un impact sur la mise à fruit.
FLD : Pouvez-vous nous dresser un premier bilan de la campagne pomme en France ?
V. G. : En septembre, la campagne a démarré avec quinze jours de retard mais de façon dynamique. Il faut se rappeler que la saison 2012-2013 a été complètement atypique avec un manque sévère de récolte dû aux conditions climatiques du printemps 2012. En août 2013, il n'y avait plus de stocks de pommes. Nos voisins européens étant dans la même situation, les références prix ont d'emblée été élevées en début de campagne. On a relevé de la Golden catégorie I (170/220 g) à plus de 1 €/kg départ station de conditionnement. Aucune saison ne se ressemble mais il faut remonter aux années 91-92 pour rencontrer un cas similaire. Dans le même temps, les cueilles 2013 ont été tardives. Elles se sont étalées jusqu'au début décembre pour des variétés telles que Pink Lady.
FLD : En 2012-2013, le marché national était privilégié au détriment de l'export vu les faibles volumes. Cela impacte-t-il les ventes cette année ?
V. G. : Les volumes à l'export ont retrouvé leur niveau normal. Nous avons donc reconquis les marchés que nous n'avions pas honorés l'an passé faute de marchandises. Nous réalisons ainsi de belles performances en Espagne par exemple avec plus de 30 % de volumes supplémentaires sur la campagne précédente qui, je le répète, était déficitaire. En Allemagne, nous avons exporté jusqu'à présent 36 % de fruits en plus. Les tendances sont les mêmes en Russie, Algérie, Moyen-Orient ou encore Brésil. Au Royaume-Uni, en revanche, l'activité est normale avec 53 000 t exportées entre août et décembre.
FLD : Quels sont les derniers chiffres connus à ce jour en matière de stock en France et dans les autres pays européens ?
V. G. : Selon les dernières estimations effectuées au 1er février, les stocks ont retrouvé des niveaux similaires à 2010 ou 2011. Ils sont précisément pour les adhérents ANPP de 503 000 t contre 485 000 t en 2011 et 506 000 t en 2010. Notre position est plus favorable que chez nos voisins européens. En moyenne, les stocks sont 5 % inférieurs à ceux de 2012 pour l'Europe de l'Ouest. Mais de fortes disparités existent entre les pays. L'Italie annonce - 3 %, la Belgique - 6 %, l'Allemagne - 21 %, les Pays-Bas - 24 % et l'Espagne - 8 %. Cela augure de bonnes perspectives en termes d'exportation. Nous avons tout ce qu'il faut en cette fin de campagne pour approvisionner le marché.
FLD : Pourquoi les prévisions de l'hémisphère Sud, annoncées à Fruit Logistica, ne sont plus attendues avec autant d'appréhension depuis quelques années ?
V. G. : Tout d'abord, je voudrais apporter quelques précisions sur l'annonce effectuée à Berlin début février. Il était annoncé une récolte supérieure de 4 % à celle de l'an passé (+ 2 % sur les trois dernières années). Le Chili – qui est le plus gros exportateur vers l'Europe – vient de réviser ses données. Des aléas climatiques, gel et intempéries, n'auraient pas été intégrés dans les prévisions de récolte estimées à 1,871 Mt. En Afrique du Sud, les exportations devraient être beaucoup plus basses que les 6 % annoncés en raison de problèmes qualitatifs imputés à la grêle et la tavelure. Enfin, les récoltes arriveraient avec une semaine de retard, une chance supplémentaire pour les Européens. Depuis sept ou huit ans, l'hémisphère Sud exporte moins vers l'Europe. Avec un volume stable, le marché doit répondre à la demande intérieure ou des pays de proximité. C'est le cas au Brésil, en Chine et en Afrique du Sud où la consommation de pommes augmente significativement. Par ailleurs, suite aux crises successives européennes, les exportateurs se sont aperçus qu'ils étaient trop dépendants de l'Europe. Ils ont donc diversifié leur zone à l'export vers l'Asie et le Moyen-Orient.