Distribution
La FNPLégumes fait condamner Carrefour
La Cour d’appel de Caen vient de condamner la société Interdis (groupe Carrefour). Le jugement, dont fld a pu se procurer une copie, est particulièrement sévère pour le distributeur.
La société Interdis (centrale d’achats du groupe Carrefour) a été condamnée à payer la somme de 1 million d’euros de dommages et intérêts à la Fédération nationale des producteurs de légumes (FNPL) en réparation du préjudice subi par la profession des producteurs de légumes auxquels le groupe Carrefour a imposé en 2000 et 2001 des contrats types de prestations de services spécifiques. Ce jugement a été rendu le 18 mars par la Cour d’appel de Caen.
A l’époque des faits, la FNPL avait remis à la justice 183 contrats de prestations de service (54 contrats en 2000 et 129 en 2001) portant, pour cette période, sur une somme totale de plus de 3 600 000 euros. Ces contrats avaient été saisis, au siège de la société Interdis, par un huissier de justice mandaté par le juge.
Pour le syndicat, « cette décision vient sanctionner la pratique des marges arrières, largement répandue, qui imposent aux producteurs de payer des prestations aux centrales d’achats sans qu’un service réel ne soit rendu ».
« Ces pratiques, poursuit la FNPL, qui ont pour effet de réduire la marge des producteurs les amènent souvent à vendre en dessous du prix de production alors que leur situation de dépendance économique ne leur permet pas de contester les contrats imposés par les centrales. »
En jugeant par ailleurs recevable la plainte de la fédération, « la FNPL a donc qualité à agir et […] son action est fondée », la Cour reconnaît également le droit aux organisations syndicales agricoles à ester en lieu et place des producteurs.
La lecture du jugement, que fld a pu se procurer, est riche d’enseignements. On peut relever notamment que la Cour d’appel de Caen s’appuie sur un rapport de commission de l’Assemblée nationale pour retenir le caractère « déséquilibré » de la relation contractuelle entre l’enseigne et le producteur, en « défaveur » de ce dernier. La présentation de la prestation au bénéfice du producteur est jugée « fallacieuse ». L’un des attendus est particulièrement sévère : « Attendu que la diffusion et la mise en œuvre d’un contrat type à la présentation fallacieuse et permettant de cultiver l’opacité sur la participation des détaillants aux frais d’orientation des produits entre les divers membres du groupe Carrefour constitue bien une faute », écrivent les juges de Caen. Et poursuivent-ils, cette faute « affecte l’organisation du marché ». Il est question d’une « opacité fautive » qui cause « un préjudice à la profession ».
L’arrêt de la Cour de Caen est exécutoire. Carrefour a deux mois pour se pourvoir en cassation, mais le juge de cassation ne se prononce que sur la forme, et non sur le fond.