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Mouvement de contestation
Grève sur les ports : la filière fruits & légumes en souffrance

Depuis le 5 décembre, l’opération Ports Morts et les blocages des ports français déstabilisent considérablement les flux logistiques ainsi que les processus industriels de l'agroalimentaire. FLD vous propose un tour d'horizon de la grève, de ses impacts, les solutions temporaires, les aides annoncées...

Le port de Marseille en novembre 2017
© Julia Commandeur / archives FLD

Transporteurs, ports, entreprises de commerce, de toutes les filières et de tous les secteurs… sont touchés à différents degrés par cette grève débutée le 5 décembre, en particulier les spécialistes du multimodal et des livraisons urbaines. Des mobilisations ont encore eu lieu les 22, 23 et 24 janvier et d'autres sont déjà annoncées.

 

Les bateaux sont déroutés sur d’autres ports européens, en particulier Barcelone, Gênes, Anvers et Rotterdam, et des escales sautent. Le port d’Anvers est saturé. Celui de Rotterdam aussi, d’autant plus que, une mauvaise nouvelle n’arrivant jamais seule, la météo vient s’ajouter aux difficultés, l’accès de Zeebruges, sous le brouillard, étant bloqué.

 

 

Perte de trafic… et perte économique

 

Résultat de cette mobilisation : « Moins 40 % d'activité sur Fos-Marseille, le double estimé au Havre, la quasi-totalité des ports de l'Hexagone est touchée », souligne dans un communiqué l'association France Logistique. Et ce alors que 75 % du commerce extérieur français s'effectue par voie maritime, rappelle Armateurs de France.

 

Haropa (ports du Havre, Rouen et Paris) a déploré le 22 janvier : « Depuis le 5 décembre dernier, les ports de l’axe Seine subissent de plein fouet les impacts des mouvements sociaux, qui ont un très lourd impact économique et social sur les ports et leurs territoires. » Un premier constat mentionne une perte de près de 100 000 EVP et près de 300 emplois, 227 escales retardées ou annulées (une centaine d’escales annulées), et plus de 110 trains impactés.

 

La CCI Nantes/Saint-Nazaire estime les pertes liées aux opérations “Ports morts” « à plusieurs millions d'euros », selon son président Yann Trichard. La CCI de Marseille évalue, selon les déclarations de ses membres, ces pertes à près de 100 M€ (33 M€ liés à la baisse d'activité, 25 M€ de manque à gagner de rentrée fiscale (TVA) et 41 M€ de surcoût pour les clients qui ont dû acheminer leur marchandise depuis un autre port). « L'activité des containers a été ralentie de 20 % en moyenne », a relevé Jean-Luc Chauvin, président de la CCI de Marseille. 

 

 

 

L’agroalimentaire particulièrement touché

 

La CSIF, l’Adepale (produits alimentaires élaborés), la chaîne logistique du froid (qui réunit l’UNTF, l’USNEF et Transfrigoroute France), EGS (glaces et surgelés), Fedalis, la Fipa et le SNCE ont co-signé un communiqué le 23 janvier appelant les autorités nationales à « assurer la liberté de mouvement des personnes et des marchandises ». Car les chargeurs de l’industrie agroalimentaire sont particulièrement impactés : « A l'export, les reports d'expédition de marchandises mettent en grande difficulté les entrepôts frigorifiques dont les niveaux de stock sont déjà proches de la saturation » (lire aussi l'interview de Christophe Artero, directeur général de FDA International) et « à l'import, les grèves génèrent de nombreux surcoûts liés aux frais de détention, stationnement et branchement des conteneurs reefer sur les terminaux portuaires. »

 

Les marchandises s’accumulent à quai, ce qui entraînent problèmes qualitatifs et surcoûts de manutention. Les compagnies maritimes jouent sur les CGV pour s’assurer que les coûts supplémentaires seront à la charge du chargeur. Des pénuries de matières premières et l'arrêt de sites de transformation sont observés, ou l’impossibilité de livrer les clients qui, en conséquence, se tournent vers des concurrents européens. Nous ne savons pas pour le moment si d’éventuelles pénalités de retard des clients finaux ont été appliquées aux opérateurs. Les mesures annoncées par le gouvernement le 21 janvier ne concernent absolument pas les opérateurs commerciaux.

 

 

La réponse du gouvernement, « insuffisante » pour les organisations professionnelles, et Didier Guillaume qui ne sait pas

 

 

En effet, après avoir reçu les fédérations professionnelles de la filière du transport de marchandises et de la logistique le 21 janvier, le gouvernement a annoncé une série de mesures de soutien. Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’Etat à l’Economie, a annoncé des dispositifs d’accompagnement en faveur des entreprises qui subissent des difficultés financières, au cas par cas : accélération du remboursement de la TVA, report d’échéances sociales ou fiscales, étalement des créances, crédit bancaire via Bpifrance, recours à l’activité partielle… Soit les mêmes mesures que annoncé le 10 décembre.

 

De même, Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’Etat aux Transport, a, lui annoncé sept mesures : remboursement accéléré de la TICPE du gasoil professionnel ; exonération des pénalités de retard en cas de blocages ou barrages filtrants ; souplesse quant aux temps de repos des conducteurs ; « bienveillance » de SNCF Réseau envers les opérateurs de fret ferroviaire et de transport combiné (non facturation des péages et des pénalités pour les circulations non réalisées) ; dispositif d’aide à l’exploitation de services réguliers de transport combiné de marchandises pour 2019-2023 (27 M€/an) ; incitation « à la prise en compte des coûts liés aux mouvements sociaux dans le cadre d’accords au niveau de chaque place portuaire » ; communication pour rassurer les clients étrangers.

 

 

« Aucune solution n'a été proposée par le gouvernement pour pallier les dizaines de millions d'euros de pertes sèches par port depuis le début du mouvement », ont déploré le 21 janvier dans un communiqué les fédérations de transporteurs TLF, TLF Overseas et FNTR, jugeant la réponse du gouvernement « clairement insuffisante ». Elles souhaitent à présent intenter une action en justice et des « constats d'huissiers » seraient en cours dans différents ports, concernant les blocages, pour « mettre en cause l'inaction de l'État » et « faire respecter le droit de travailler des entreprises et des salariés ».

 

 

Lors de ses vœux à la presse le 23 janvier, interrogé par FLD, Didier Guillaume a estimé : « Dès le début [du mouvement de grève et de blocage des ports], le gouvernement a été très mobilisé. Nous pensions arriver à des résultats plus probants qu’ils ne l’ont été. Des mesures ont été annoncées pour les entreprises de la logistique et du transport, oui. Des mesures spécifiques aux entreprises agroalimentaires sont-elles prévues ? Franchement, je ne peux vous répondre pour le moment. Nous verrons une fois que les choses se seront arrangées. »

 

 

L’image des ports français mise à mal

 

Autre problème à long terme : l’image des ports français. Outre la perte de trafic, c’est la crédibilité et la confiance dans les ports français, durement mise à mal et regagnée ces dernières années, qui est en train de partir en poussière. « Une minorité met à mal tous les efforts qu’on a fait pour gagner en attractivité », regrettent les opérateurs économiques. « C'est catastrophique pour l'image, on est en train d'assister au démantèlement de dix ans de travail commun entre salariés et entrepreneurs portuaires pour redorer l'image du port de Marseille et sa fiabilité", a estimé le président de la CCI Jean-Luc Chauvin. Des armateurs étrangers appellent déjà à ne plus passer par Marseille, c'est l'emploi qui est menacé. »

 

Lire aussi lire aussi l'interview de Christophe Artero, directeur général de FDA International

 

 

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Le Port de Marseille, contacté par FLD, « ne souhaite pas s’exprimer pour le moment et attend la fin du conflit social ».

 

Sur Dunkerque, l’UGPBAN se félicite du partenariat historique avec le Port, les dockers, Conhexa et la CMA CGM, « partenariat qui a protégé le trafic de bananes » et ne déplore aucune perte.

 

Sur le port du Havre, selon Philippe Bonneau, secrétaire général Normandie OTRE (transporteur routier) : « Le Havre est le port le plus touché par le conflit. Vous avez des transporteurs qui sont littéralement en train de crever, car 90 % des entreprises de transport routier sont des TPE et des PME. »

Et Alain Adam, président du Medef Seine Estuaire : « 25% des escales prévues initialement au Havre ont été détournées vers Anvers en décembre, et entre 30 à 40% sont annulées en janvier et réorientées vers Anvers ou Rotterdam. » (AFP)

 

A la CMA CGM, Liliane Hohl, directrice de l’agence marseillaise, regrette : « Quand il y a une grève perlée des dockers en plein chargement de navire, on ne peut pas rester à quai éternellement. On prend parfois la décision de partir et de laisser des containers derrière nous. » (AFP)

 

A Sea Air Services, Harry Maillard, directeur commercial de cette société de transport maritime et aérien, estime : « Le mouvement de grève impacte le transport de manière générale. Pas seulement le transport maritime, mais aussi le transport routier et aérien, ce qui a limité les approvisionnements des marchandises vers les plateformes et vers les ports. » (AFP)

 

« Les entreprises de fret ferroviaire ont été durement touchées par le mouvement, alors que le report modal s’impose plus que jamais comme une nécessité dans la redéfinition de notre politique de transport pour faciliter la transition écologique », a reconnu le gouvernement dans un communiqué de presse du ministère de la Transition écologique le 21 janvier.

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