Marché de la banane
La filière française reste vigilante devant la naissance de ChiquitaFyffes
Même si le marché français n'est pas vraiment concerné par la banane dollar, les opérateurs, relativement favorables à un rapprochement qui fait sens, attendent la suite.
Pour Philippe Ruelle, directeur général de l'UGPBAN, il faut maintenant « mettre la distribution française devant ses responsabilités ».
L'annonce de la fusion entre Chiquita et Fyffes a été une surprise (cf. fld hebdo du 12 mars). Sur la structuration de la filière internationale, la nouvelle n'est pas considérée d'un mauvais œil du côté français. Mais elle doit être vue dans un contexte global comme précise Philippe Ruelle, directeur général de l'UGPBAN : « La naissance d'un tel groupe, dans l'absolu, n'est pas forcément une mauvaise chose, sa taille lui donnant une forte capacité de régulation de l'offre sur le marché européen. En fait, c'est plus le contexte dans lequel cette fusion s'opère qui suscite des inquiétudes. Depuis 2009, les droits d'entrée sur le marché européen baissent régulièrement pour arriver à 127 €/t aujourd'hui, 114 € en 2020, voire 75 € dans le cadre d'accords bilatéraux. D'autre part, il faut compter avec la faiblesse du dollar face à l'euro. Ces deux points offrent de facto des gains de productivité à la banane dollar vis-à-vis de celle de la zone Euro (Antilles, Canaries) et Afrique. » De même, Philippe Pons (AZ France) analyse ce rapprochement : « Au-delà de l'attitude qu'adoptera le nouveau colosse constitué, je pense que cette fusion va modifier la stratégie des premiers metteurs en marché sur l'UE. Mais je relativiserai : il s'agit plutôt d'un signe de la nécessité qu'ont ces opérateurs à se regrouper pour affronter la grande distribution dans leur combat pour la nécessaire valorisation du produit. » La complémentarité des activités des deux entités est aussi soulignée. « Aux vues des synergies possibles cette fusion fait sens. Il y a une forte complémentarité entre les deux sociétés qui apportent ici une réponse globale : Fyffes est très présent dans la distribution de fruits en Europe et Chiquita très implanté aux Etats-Unis », précise Vincent Omer Decugis, directeur général de la SIIM. Paul Bouzon (directeur marking Compagnie Fruitière) souligne que « cette fusion entre deux gros opérateurs fait de la Companie Fruitière, en termes de chiffres, le deuxième opérateur bananes en Europe. De plus, elle montre que le marché est en train de se restructurer pour améliorer l'offre, ce qui est une bonne chose. Enfin, si on schématise de manière simpliste, ChiquitaFyffes est la réunion d'un opérateur commercial (Fyffes) et d'un producteur (Chiquita), un modèle d'intégration verticale que la Compagnie Fruitière a développé depuis plusieurs décennies et qui se trouve aujourd'hui confirmé. » Quel impact sur le marché français ? La vigilance est de mise. « L'origine dollar n'est pas très présente en France mais le prix de la banane sur le marché français est lié à celui du marché européen. La pression que pourrait potentiellement exercer ChiquitaFyffes sur ce dernier aurait des répercussions, explique Philippe Ruelle. Il faut donc mettre la distribution française devant ses responsabilités : elle ne pourra pas demander un produit local, de terroir, respectant les normes françaises et européennes comme le nôtre et en même temps acheter de la banane dollar. » Et Paul Bouzon d'ajouter : « Nous restons vigilants sur les évolutions possibles que pourrait amener ChiquitaFyffes en France, comme pour toute modification du paysage concurrentiel (Del Monte dernièrement) la banane africaine est plébiscitée pour sa qualité, et l'objectif de la Compagnie Fruitière est de renforcer cet atout, en réduisant les coûts de production. » Sujet récurrent depuis des années, l'arrivée en France de Fyffes reste d'actualité comme le souligne Philippe Pons : « On peut légitimement penser que Fyffes est depuis longtemps en mode “veille” sur le marché français. Ses liens, même indirects avec Total Produce, pourraient faire de ce dernier une tête de pont privilégiée sur le marché français pour son produit. »