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Italie, un pays condamné à exporter
La filière du raisin italien est à la croisée des chemins

Les producteurs de raisins de la Botte connaissent une campagne très difficile. Et cherchent toujours de nouveaux débouchés pour leur produit.

La perception par les opérateurs italiens de l'impact des accords de libre-échange n'est pas franchement positive.

L'Italie est un opérateur majeur du marché européen du raisin. Selon Eurostat, le pays demeure le principal fournisseur de la communauté européenne avec une moyenne de 480 000 t exportées chaque année. Il est aussi la principale origine sur le marché français en assurant entre 100 000 et 115 000 t importées sur les 180 000 t de consommation apparente, soit une part de marché de 58 %.

2014 : 40 % de volumes en moins

La campagne de raisin de table en cours en Italie (elle s'étend de mai-juin à décembre) ne devrait pas atteindre les 1,3 million de tonnes enregistrées la saison précédente. Le volume total devrait reculer d'au moins 40 %, toutes régions confondues, selon les professionnels. L'hiver doux qu'a connu le pays n'a pas donné de jours de froid suffisants pour autoriser un plein rendement des vignes. Les reculs en production varient selon les régions. Par exemple dans les Pouilles à la mi-juillet, on estimait un potentiel en baisse de 20 % pour les variétés à pépins et de 30 % pour les apyrènes. Dans la même région, plusieurs attaques de mildiou et d'oïdium ont été signalées au cours de l'été et elles auraient touché entre 30 et 40 % de la production locale, selon les premières estimations réalisées fin août. La région de Tarente a été moins concernée à l'inverse de celles de Foggiano et de Bari. La capacité financière des producteurs à traiter immédiatement ou non a aussi beaucoup influé.

La variété Victoria semble avoir été la plus impactée par cette situation phytosanitaire difficile. Il est admis qu'environ 50 % des volumes sont restés trop verts à cause des maladies, ce qui a réduit d'autant les achats en général et de la France en particulier où le Victoria est très prisé. La saison était de toute façon mal engagée : les premiers lots, récoltés avec dix jours de retard, n'avaient pas été à la hauteur qualitativement entraînant une chute des prix de l'ordre de 15 %.

Seule la variété Sugarone semble avoir tiré son épingle du jeu. Les producteurs doivent enfin faire face à une consommation intérieure peu enthousiaste à cause d'une météo capricieuse dans la péninsule italienne.

Une filière “condamnée” à exporter

Les exportations de fruits transalpins ont connu un léger passage à vide en 2013, reculant de 1 % par rapport à 2012 avec un total de 2,43 millions de tonnes, selon les chiffres du CSO. Si certains produits ont connu de sévères déconvenues (-25 % pour la poire, - 11 % pour le kiwi), le raisin de table, avec une progression de 7 % et 498 000 t, a fait partie des bonnes nouvelles pour la filière transalpine. La valorisation du raisin italien à l'export s'est aussi améliorée : le pays a facturé pour 600 millions d'euros en 2013 contre 589,9 millions d'euros en 2012. L'Italie a conforté ses positions pour ce produit sur l'Arabie Saoudite (+ 9 %) et la France (+ 4 %) mais a reculé sur les marchés polonais (-3 %) et russe (-5 %).

En 2013, l'Institut de services pour le marché agricole et alimentaire italien (Ismea) a publié un rapport sur le marché du raisin de table en Italie. Son constat a été celui d'une filière qui, si elle conserve tout son poids dans l'offre italienne en fruits, n'en arrive pas moins à la croisée des chemins face à une demande en évolution. Ainsi, la production est supérieure à une demande intérieure qui montre des signes de faiblesse. Selon l'Institut, entre 2008 et 2012, les achats des ménages ont reculé de 1,9 % en valeur et 1,4 % en volumes. Comme dans d'autres pays producteurs, les coûts de production ont fortement augmenté. Et surtout, l'Ismea a souligné que la filière raisin italienne se caractérise par une concentration de l'offre encore trop peu aboutie : seulement 20 % des tonnages proviennent d'organisations de producteurs.

Cependant, la forte production implique aussi que les producteurs de raisins italiens sont “condamnés” à se tourner vers l'exportation. En 2012, 480 000 t de raisins ont été destinées à l'exportation sur une production globale de 1,08 million de tonnes (le marché intérieur absorbant 405 000 t, soit 37 %). La situation est aussi périlleuse sur les marchés extérieurs : l'Italie doit faire face à la baisse de la demande de ses marchés traditionnels, aujourd'hui matures comme l'Allemagne ou la France, et en même temps au renforcement de la concurrence d'autres pays (Turquie, Egypte, Espagne, Israël...). Du coup, les flux d'exportation ont été orientés vers de nouveaux marchés comme le Moyen-Orient, l'Europe de l'Est et la Russie (avant la mise en place de l'embargo du 7 août 2014). L'ensemble de ces contingences ont impacté la filière de plusieurs façons : baisse de la production et des surfaces dédiées au raisin, perte de compétitivité, apparition récurrente de crises de marché...

A la recherche de nouveaux marchés

Spécialisée dans la production et la commercialisation de raisins sans pépin, la société Apirene Puglia, située à Tarente dans les Pouilles, a été créée en 2006 mais elle est la continuité d'une exploitation qui prend ses racines au début du XXe siècle (1928). C'est dans les années 1980 qu'elle s'est tournée à 100 % vers la culture de variétés apyrènes. Aujourd'hui, 100 ha sont en production, ce qui fait d'Apirene Puglia l'un des principaux opérateurs italiens sur ce créneau, avec plus de 1 000 t exportées chaque année, principalement en variétés Crimson Seedless, Superior et Thompson Seedless, entre le 15 juillet et la fin décembre.

« Du côté de l'exportation, la demande est soutenue, ce qui est compréhensible, vu les tonnages en moins cette année, indique Amleto Elia, en charge de la structure d'exportation d'Apirene Puglia. Les prix sont restés élevés jusqu'à l'arrivée de la production grecque aux alentours du 20 août, ce qu'attendent traditionnellement les importateurs. Je pense que cette année, entre le 15 septembre et le 5 octobre, il devrait y avoir un bon marché pour le raisin blanc tardif. On s'attend aussi à une présence forte du Brésil sur la fin de saison, qui devrait venir combler le marché caractérisé cette année par la précocité de la production. » Amleto Elia reconnaît les difficultés de la filière : « Il n'est pas évident pour les producteurs italiens de trouver de nouveaux débouchés à l'extérieur. Le Moyen-Orient n'est pas intéressant parce qu'il demande des produits à prix discount et plus loin, l'Asie du Sud-Est reste le domaine des Californiens qui produisent au même moment que nous. En revanche, nous sommes en train d'essayer le Vietnam. Les marchés européens sont aussi en baisse, mis à part la Russie. Enfin jusqu'à l'embargo. Pour notre part, nous avons cessé d'exporter vers le Royaume-Uni : les distributeurs demandent une qualité insensée, mais ne sont pas disposés à la payer. Petit à petit, le marché italien se tourne vers la production de variétés rouges sans pépin. Elles sont plus résistantes, plus tardives dans la saison et se vendent mieux sur le marché. »

Un potentiel encore important en France

Le groupe Del Gaudio, présent sur le marché de Rungis, exploite 1 850 ha de raisins dans la péninsule italienne. « Nos surfaces sont réparties entre la Sicile pour 45 %, les Pouilles 40 % et la Campanie 15 %. Cette dernière région, spécifiquement dans la plaine d'Eboli (Piana del Sele), dispose d'un microclimat particulier et offre des raisins précoces, ce qui nous permet d'étendre notre saison de commercialisation à début mai. Notre potentiel à l'export est d'environ 30 000 t », explique Pino Del Gaudio, président-directeur général. La production est assurée essentiellement par les variétés blanches (Victoria, Italia) avec en complément les raisins rouges de type Black Magic et Red Globe. « Le marché est de plus en plus difficile avec des marges étroites, reconnaît-il. Mais un producteur italien connaît les mêmes problèmes que ses confrères européens. La première référence sur la France en termes de variété demeure le Victoria puis l'Italia. Les variétés à pépins constituent 90 % du marché et la demande demeure limitée pour les variétés apyrènes. Je pense qu'il reste néanmoins des marges de développement pour le raisin italien sur la France avec le retour de la notion de goût qui, avec la couleur et le parfum, sont les trois critères réclamés par nos clients. D'ailleurs, la tendance commence à poindre aussi en Allemagne même si le prix demeure toujours le premier point. » Pour le groupe Del Gaudio, cela doit passer par un travail étroit avec les distributeurs. Il organise ainsi des animations en magasins, au mois de septembre, et a développé plusieurs marques pour couvrir l'ensemble des segments du marché (du standard au Premium).

Accords internationaux, pas d'illusion

La perception par les opérateurs italiens de l'impact des accords de libre-échange n'est pas franchement positive. « Ils peuvent apporter des opportunités, reconnaît Amleto Elia. L'Italie a développé des marchés sur l'Afrique, plus particulièrement sur des zones à fort potentiel touristique comme le Kenya, la Tanzanie, l'Afrique du Sud, en contre-saison. Mais il faut reconnaître qu'ils ont ouvert la porte à certains concurrents. Par exemple, les accords avec l'Egypte ont détruit la production de pommes de terre précoces dans les Pouilles parce qu'elles sont produites au même moment. Le libre-échange avec les pays du pourtour méditerranéen pose beaucoup de problèmes et est vraiment perçu comme une menace. Au contraire, les producteurs italiens ne s'inquiètent pas du tout d'accords avec le Brésil ou le Pérou par exemple. » Pino Del Gaudio considère que le développement des accords de libre-échange dans le monde doit être abordé avec prudence. « Le marché canadien est intéressant, mais il faut faire face à l'importante concurrence du produit californien et mexicain, ce dernier étant en forte progression ces dernières années, explique-t-il. Les Etats-Unis sont un marché très strict sur le phytosanitaire (obligation de fumigation, filet anti mouche...) et même si l'accord de libre-échange entre ce pays et l'Union européenne peut potentiellement offrir des opportunités, je ne doute pas que les Américains trouveront d'autres manières de protéger leur marché. »

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