Portrait d’entreprise
La Ferme de la Motte, numéro un de l’oignon bio
Dans le Loir-et-Cher, les bulbes condimentaires font partie du paysage. La production en bio, initiée par la famille Lemaire, existe depuis une dizaine d’années. La demande est en pleine expansion.
Leader en production d’oignons issu de l’agriculture biologique, La Ferme de la Motte en commercialise 1 500 t, pour les trois quarts auprès des GMS. Elle cultive aussi des pommes de terre, des courges et des betteraves rouges sur une exploitation de 84 ha reconvertis en 2001 à Villefriou en Loir-et-Cher. Ce n’est pas un hasard si l’oignon a été la première production labellisée AB. La Ferme de la Motte cultive ce condiment depuis 1976. Aujourd’hui, ce sont cinq associés, dont quatre exploitants de la famille Lemaire, qui se partagent quatre exploitations spécialisées dans les bulbes, oignons, échalions, échalotes, mais aussi betterave rouge. Mathieu et Bertrand dirigent le Gaec de la Ferme de la Motte, Nicolas celle du lieu-dit Arlesthis et Julien a choisi de reconvertir la ferme d’Obi en agriculture biologique. « Nous avons commencé à produire sans engrais chimique et sans pesticide sur quelques parcelles en 1996-1997 alors que je n’étais pas encore arrivé sur l’exploitation, indique Julien Lemaire. A l’époque, j’étais étudiant dans une école de gestion. Mais tous les étés je participais aux récoltes, j’appréciais le grand air et j’ai compris que je ne voulais pas travailler dans un bureau. En 1998, la famille m’a proposé de m’installer. » Après un stage de quatre mois en Tasmanie, le pays des oignons, et son diplôme de BPREA en poche (Brevet professionnel responsable d’exploitation agricole), Julien Lemarie s’est lancé dans cette production sur une exploitation nouvellement acquise. « Il y a dix ans, c’était un véritable défi que de cultiver des oignons en bio sur de grandes surfaces. Philippe Bernard, à l’époque directeur des achats fruits, légumes du groupe Carrefour, nous a encouragés à le faire. Et nous ne le regrettons pas aujourd’hui. »
Des productions délicates
A présent, les oignons et pommes de terre de la ferme d’Obi sont cultivés sur 13 ha chacun, les betteraves rouges et la courge sur 15 ha chacun. Hormis les betteraves rouges qui sont commercialisées directement auprès de cuiseurs orléanais, les produits sont conditionnés dans deux ateliers aménagés au sein de La Ferme de la Motte puis vendus par l’équipe commerciale du groupe. L’un est consacré aux bulbes. L’autre, mis en place depuis deux ans, permet le lavage des pommes de terre bio, les conventionnelles étant livrées non lavées.
En oignons, les rendements oscillent entre 7 et 30 t/ha avec une moyenne comprise entre 20 et 25 t/ha quand en conventionnel ils dépassent les 50 t/ha. Il en est de même en pommes de terre avec une productivité qui s’échelonne entre 15 et 35 t/ha et une moyenne de 25 t/ha. La culture de l’oignon exige beaucoup de technicité. Les attaques de mildiou sont à craindre mais le plus gros handicap reste le désherbage. Le temps passé à désherber manuellement un hectare d’oignons varie de 100 à 250 heures. Les outils mécaniques et thermiques en limitent le temps. « Mais c’est toujours une affaire de compromis pour respecter un certain équilibre économique entre l’objectif de maintenir les parcelles propres et d’éviter de trop lourdes charges », précise Julien Lemaire.
La Ferme de la Motte passe des contrats fondés sur les volumes et les prix avec dix producteurs pour les oignons. Ce qui n’est pas sans risque mais assure un potentiel de production. L’équipe de Julien Lemaire, qui durant les trois mois de récolte avoisine les vingt-cinq personnes, assure le semis et l’arrachage chez les collègues producteurs qui se situent dans un rayon de 25 à 30 km autour de la ferme. Pour compléter et diversifier la production, La Ferme de la Motte importe une partie des oignons et la totalité des aulx et échalotes. Les oignons sont importés d’Argentine entre avril et juin et d’Italie en début de printemps. Quant aux pommes de terre, les importations complètent la production de mai à septembre, d’abord d’Israël puis d’Italie et éventuellement de Belgique ou de Hollande. En dix ans, La Ferme de la Motte n’a rencontré qu’un souci quant à la détection d’un pesticide dans ses produits qui, après contre-expertise, s’est avéré négatif. « En attendant les résultats, les lots sont bloqués, se désole l’agriculteur. Cela complique lourdement la gestion. Ces analyses sont délicates. Il suffit que le laborantin ait des traces sur ses doigts et contamine l’échantillon. C’est déjà arrivé ! » Cependant, les importations sont toujours un risque. « Nous entretenons des contacts de longue date avec nos producteurs de l’étranger, note Thierry Saleix, commercial. Les producteurs, notamment argentins, se calquent sur notre cahier des charges. Nous avons d’ailleurs formé l’un d’entre eux à Villefriou. Et régulièrement nous nous rendons là-bas. »
A la recherche de nouveaux producteurs
Depuis deux ans, les cours de l’oignon bio sont assez soutenus, répondant aux lois de l’offre et de la demande. Les faibles rendements associés aux coûts élevés de production, entre 4 000 et 6 000 €/ha voire plus, expliquent aussi les écarts très importants avec le conventionnel. « Le rapport peut être de 1 à 5 comme de 1 à 100 », relève Thierry Saleix. Et il est toujours difficile d’établir un pronostic quelques mois avant la récolte. « Cette année s’annonce difficile tant la levée des oignons a été compliquée, souligne Julien Lemaire. Les re-semis se sont imposés, augmentant le retard à la récolte, les risques de maladies et la mauvaise formation des bulbes. » En revanche, la saison de pommes de terre s’engage relativement bien. Comme en conventionnel, les MDD bio se sont beaucoup développées (70 % de la production bio). La Ferme de la Motte travaille avec pratiquement toutes les enseignes et particulièrement pour Carrefour Agir Bio. Une seule référence en général est proposée. Les emballages, qui coûtent cinq fois plus cher qu’en conventionnel, sont à base de maïs ou de coton. Outre leurs prix, ces emballages sont plus fragiles. « Il a fallu mettre au point des machines et trouver les réglages adaptés », confie Thierry Saleix.
Aujourd’hui, La Ferme de la Motte espère trouver de nouveaux producteurs en France pour assurer le potentiel de commercialisation et se développer en oignons et en pommes de terre bio. « Il existe de moins en moins de conversion à l’agriculture bio dans la région, constate Julien Lemaire. Alors nous prospectons dans le Nord de la France et en Seine-Maritime. »