3 questions à Dominic Gray
« La distribution britannique est orientée par le prix »

Créée en 1979, Direct Produce Supplies plc (DPS plc) est spécialisé depuis 1998 dans l'approvisionnement en fruits à noyau de la distribution britannique. Son chiffre d'affaires a été de 55 M£ (68,6 M€) en 2013. Dominic Gray est en charge du sourcing en France depuis 1989.
FLD : Comment pourrait-on caractériser les grandes surfaces britanniques concernant leur approvisionnement en fruits à noyau ?
DOMINIC GRAY : La notion de saisonnalité n'est pas la première chose qui vient en tête à la distribution britannique. Ce qui lui importe, c'est d'avoir un approvisionnement continu tout au long de l'année. Elle considère que, lorsqu'une rupture intervient entre les envois de l'hémisphère Nord et ceux de l'hémisphère Sud ou inversement, il est très difficile de changer de cap. C'est un peu comme conduire un paquebot : une fois lancé, il est délicat de le manœuvrer. La distribution s'est donc organisée afin d'éviter toute rupture, en y apportant en plus des modulations par le prix. L'autre caractéristique de la distribution britannique est justement d'être systématiquement orientée par le prix. A produit égal, quelle que soit l'origine, elle se tournera vers l'offre la moins chère. On ne retrouve peut-être pas outre-Manche chez certains distributeurs cette forme de loyauté rencontrée chez des confrères de l'Europe continentale, en Belgique ou en Suisse.
FLD : Quelle est la place, aujourd'hui, de l'offre française dans les fruits à noyau sourcés par DPS plc ?
D. G. : Lorsque la filiale française de DPS plc a été créée, nos achats représentaient environ 4 000 t de pêches et de nectarines sur les deux mois et demi de l'été. En 2012, notre approvisionnement n'a pas dépassé cinq palettes sur l'année. La concurrence de l'Espagne est passée par là, en particulier de la région de Lerida où les vergers de pommes ont été remplacés par de la pêche et de la nectarine, offrant ainsi un fort potentiel à un prix concurrentiel. En revanche, l'abricot a toujours été un marché plus spéculatif avec des années fastes et d'autres non. Nous avons traité au maximum entre 700 et 800 t sur la saison pour être aujourd'hui dans une moyenne de 300 à 500 t. Là aussi, la présence espagnole, avec la région de Murcie, se fait un peu sentir.
FLD : Ressent-on outre-Manche la même tendance pour les produits locaux qu'en France ?
D.G. : Il est clair que l'attrait pour la proximité est de plus en plus fort au Royaume-Uni. DPS plc est dans cette mouvance. Il y a deux ans, nous avons planté des abricotiers (variétés IPS) dans le Kent, aujourd'hui en production. Cette année, nous pensons pouvoir récolter entre 7 et 10 t d'abricots. Un autre exemple : il y a quarante ans, le Kent produisait environ 20 000 t de cerises et, au fil des décennies, cette production a été réduite à zéro. Cela jusqu'à ces dernières années où de nouveaux vergers ont été plantés, les producteurs utilisant les dernières technologies en date en matière de protection. Aujourd'hui, la production est relancée avec environ 4 000 t cette année. Le consommateur britannique, s'il a le choix, privilégie la production locale. C'est une pression forte pour les distributeurs qui ont souvent tendance à préférer le produit importé. La pression des producteurs anglais est aussi de plus en plus présente. Mais si la demande est vigoureuse, alors le distributeur s'y engage. Sommes-nous dans un effet de mode ou une tendance lourde ? L'avenir seul pourra le dire.