En production
La culture sous serre nécessite de plus en plus de compétences
En région nantaise, le serriste Cheminant – qui emploie l'équivalent de 85 salariés – a mis en place plusieurs procédés pour rendre la formation et le recrutement efficaces. Expérience.


« D ans nos exploitations, nous avons besoin de plus en plus de compétences, affirme Laurent Cheminant, codirigeant l'entreprise éponyme avec son frère Jean-Pierre. Qui aurait prédit il y a dix ou vingt ans que nous aurions embauché deux ingénieurs dans notre entreprise ? » La SCEA Cheminant produit 3 550 t de tomates, 3 000 t de concombres, de la mâche et du muguet à Carquefou (Loire-Atlantique). Elle emploie 85 salariés Equivalent temps plein (ETP), soit 50 permanents, entre 45 et 100 saisonniers essentiellement en été et plus de 200 durant la cueillette du muguet. Tous les ans, quatre à six personnes sont embauchées en CDI. « Comme dans toute entreprise, le personnel part en retraite, déménage, souhaite expérimenter d'autres métiers ou plus rarement est arrêté pour maladie professionnelle, détaille le dirigeant. Cela ne concerne que deux ou trois salariés par an. En fait, nous embauchons surtout en raison de notre développement. » L'entreprise, créée en 1989, a construit progressivement un parc de serres qui s'étend aujourd'hui sur 11 ha. Tous les corps de métiers sont représentés, du comptable aux saisonniers en passant par les responsables administratifs, financiers et ressources humaines, le spécialiste en production bio intégrée (PBI), les chefs de culture, les chefs d'équipe, les responsables de ligne de conditionnement et les agents de production. « Quand nous avons débuté, le rendement en tomates était de 30 kg/m2 , se rappelle Laurent Cheminant. Désormais, c'est le double. Ce type de performance passe logiquement par plus de technicité. » C'est la raison pour laquelle la formation au sein de l'entreprise est multiple et concerne tous les salariés. Six à sept personnes suivent des cours tous les ans, dont au moins quatre sont concernées par l'apprentissage de la PBI. Les nouveaux entrants sont initiés à cette technique le plus souvent dans une exploitation de la région, le financement étant pris en charge par le FAFSEA (Fonds national d'assurance formation des salariés des exploitations et entreprises agricoles). Un deuxième stage leur est assuré l'année suivante ou deux ans après. L'information peut aussi être divulguée en interne, soit en continu par la spécialiste, soit par les fournisseurs de PBI (commercialisation de prédateurs de pucerons, trips, aleurodes…).
Après la PBI, le management
Les stages en management sont l'autre volet important. Ils peuvent être organisés sur le lieu même de l'exploitation par un centre de formation nantais reconnu par la Fédération des Maraîchers Nantais. Ce dernier suit leur évolution et vient sur le site plusieurs fois par an. Les chefs d'équipe – une dizaine sur l'exploitation – sont principalement concernés. Mais d'autres salariés le sont aussi. Laurent Cheminant a embauché, il y a deux ans, Quentin Deneuve, un ingénieur diplômé d'Agrocampus Ouest comme chef de culture. Il ne le regrette pas. « La complexité de la culture demande aujourd'hui des compétences très pointues et une bonne aptitude à l'analyse et à la logique, assure-t-il. Il doit comprendre pourquoi telle plante pousse moins bien ou beaucoup mieux. Pour éviter le stress et anticiper les freins à la croissance, de nombreux facteurs sont à prendre en compte depuis le lever du jour, la direction du vent jusqu'aux bioagresseurs. Au chef de culture ensuite de renseigner la base de données pour paramétrer les différents outils de pilotage des serres. » Très rapidement, une formation en management s'est imposée. « Nous avons remarqué que les écoles d'ingénieurs en agriculture dispensaient rarement de tels cours, regrette Laurent Cheminant dont le fils prépare un diplôme Bac + 5 à l'Esa. Or les ingénieurs ont toujours à diriger du personnel. Pour un chef de culture, le management correspond à la moitié de son temps. » Après la PBI et le management, les besoins en apprentissage se rapportent à des sujets techniques ou réglementaires comme le Certiphyto, l'application de l'insecticide métam sodium, le brevet de secourisme, le maniement du défibrillateur...
Un mode de recrutement efficace
Aborder la formation revient à parler d'embauches et de ses modalités. Depuis cinq ans, le serriste pratique les tests “habilité” pour le recrutement des saisonniers. Le principe est basé sur l'aptitude et non sur la présentation d'un CV. Pôle Emploi a mis en place des tests qui simulent le travail en serre. Les demandeurs d'emploi effectuent ces tests en salle, au sein de l'entreprise, après une présentation des conditions de travail et une visite de l'exploitation. Chaque année, deux sessions de 60 personnes sont organisées (environ 45 personnes sont ensuite convoquées à un entretien avec l'équipe dirigeante). « Nous recevons quatre personnes par semaine de février à avril, relève Laurent Cheminant. En 2014, nous avons retenu dix candidats. Notre objectif est bien de transformer à terme leur CDD en CDI. » Ce mode de recrutement permet d'approcher un grand nombre de personnes en peu de temps comme le job dating (mise en relation directe de l'employeur et du demandeur d'emploi) que pratique quelquefois la SCEA Cheminant. En s'investissant dans le recrutement et la formation de qualité, l'entreprise est mieux à même d'attirer les salariés compétents et d'assurer son développement.
Eric Tesch est chargé de mission à la Maison de l'emploi de Nantes. Son poste est financé pour un mi-temps dans le cadre d'une convention entre les instances publiques (Région, Conseil général et Etat) et la Fédération des Maraîchers Nantais. C'est ainsi qu'il accompagne les maraîchers dans plusieurs projets. A été redéfini, par exemple, l'ensemble des métiers : 32 ont été fichés ainsi que 500 compétences. Cette base de données permettra un recrutement à la carte et une évaluation plus fine des besoins en formation. Un projet est en cours sur l'épanouissement et la valorisation au travail. « Très souvent, le cueilleur n'a pas connaissance de ce qui se passe en amont et au sein de l'entreprise, explique le chargé de mission. Chaque salarié maîtrise plus ou moins bien le travail des autres et n'a souvent pas connaissance des instances de la filière elle-même comme les OP. » Ces formations dispenseraient des notions techniques sur la culture, sur les évolutions des métiers au sein de la profession, sur le comportement entre collègues, la façon de parler de son travail et enfin le management. « Trop peu de personnes osent se positionner dans ce domaine », relève Eric Tesch.