Maine-et-Loire
La Cornet d'Anjou sur les marchés angevins
La région saumuroise préserve encore des productions locales comme la chicorée scarole en cornet d'Anjou. Expérience d'un maraîcher au talent d'orfèvre.
Entre fin octobre et le début des gelées, les consommateurs angevins ont la possibilité de s'approvisionner en chicorée scarole d'un genre particulier appelée Cornet d'Anjou. Légume typique de la région, il a fait l'objet, avec l'échalote et le topinambour, d'une étude organoleptique dans le cadre d'un projet labellisé par Végépolys entre 2007 et 2009. Résultat de l'expérimentation : la Cornet d'Anjou est aussi sucrée que la chicorée scarole mais présente plus d'amertume et moins de jutosité. Visuellement, elle apparaît plus fripée. Avec 1 ha de production chaque année, Jean-Claude Cornilleau est l'un des plus gros producteurs angevins de cette salade “régionale”. « Il ne faut pas la confondre avec la Cornet de Bordeaux, plus petite », tient à préciser ce maraîcher qui, depuis dix-sept ans, produit cette salade à Longué-Jumelles près de Saumur. Pour lui, l'effet terroir sur les qualités de son produit est très important. « Les gens l'apprécient, affirme-t-il, parce qu'elle est croquante, douce, teintée d'amertume et d'acidité. » Secondé par sa femme pour la production, il vend la Cornet d'Anjou à sept ou huit commerçants sur les marchés locaux. Et de citer : « Angers, Longué-Jumelles, Montreuil-Bellay en Maine-et-Loire et Loudun en Indre-et-Loire. »
Durant la saison, quinze à vingt caisses partent de la ferme tous les jours. En début de campagne, le pied pèse 450 à 500 g quand, en fin d'hiver, avec les épluchures de feuilles, il ne dépasse pas les 300 g. Au total, environ 15 t sont vendues, entre 8 et 10 €/kg au consommateur. D'après le maraîcher, sa marge est faible, de l'ordre de 0,60 €/kg environ. Il serait plus rentable de la commercialiser directement à la ferme. Mais les conditions ne sont guère réunies. « Nous sommes assez éloignés des grandes voies de circulation, note-t-il. Et notre emploi du temps est chargé. En pleine période de récolte, nous travaillons plus de 8 heures par jour, le double au moment de la récolte des fraises, notre seconde culture. »
Jean-Claude Cornilleau, ancien salarié de France Champignon, consacre beaucoup de temps à ses cultures et entretient son savoir-faire. Il réussit ainsi le tour de force de produire de la belle salade sans utiliser de pesticides. Il préfère garder ses petits secrets de fabrication comme les dates de semis. Tout au plus sait-on que le premier se situe avant le 14 juillet. « Il arrive que je me trompe, admet-il. Mais je choisis toujours la date en fonction de la lune et des conditions climatiques. C'est très important pour la vigueur du jeune plant, le risque de montaison et de collet creux. Si en trois jours la semence n'a pas levé, je recommence. » Avant le semis, il fertilise avec des purins végétaux qu'il incorpore juste en surface. Ce seront les seuls intrants. Les maladies comme le mildiou, le botrytis ou le sclérotinia ne se développent pas. Pour cause : grâce à son sens de l'observation, il connaît la façon d'implanter ses salades pour qu'elles soient le plus aéré possible et le moins exposé à l'humidité, propice aux maladies. En serre, les rangs sont regroupés par deux ou par trois afin de laisser le soleil sécher les pieds et favoriser la circulation d'air.
Le Groupe d'étude et de contrôle des variétés et des semences (Geves) basé à Brion (Maine-et-Loire) coordonne un réseau de dix partenaires (obtenteurs, groupes de producteurs, stations expérimentales), qui entretient, évalue et conserve le type chicorée. A ce jour, sont répertoriées 1 400 accessions. C'est ainsi que l'on nomme l'ensemble des variétés anciennes, populations, hybrides, matériel sauvage et lignées de sélection conservées (en tomate : la collection comprend 50 accessions d'origine française). Deux groupes sont à distinguer dans les chicorées, celui des Cichorium intybus (endive, chicorée “Leroux”, chicorée italienne à longues feuilles, les trévises et chioggia) et celui des Cichorium endivia (frisées et scaroles). Ce dernier affiche 500 accessions. Le premier groupe est beaucoup travaillé par les obtenteurs, d'où le nombre important d'accessions. Le réseau a participé au programme européen Leaf veg, axé sur les ressources génétiques des légumes-feuilles. Terminé en 2010, il devrait faciliter les recherches des obtenteurs pour diminuer l'amertume des chicorées.