Technique
La conservation profite des avancées technologiques
Aux Vergers de la Blottière, la famille Socheleau a investi il y a trois ans dans le X-ULO, une technique pour préserver à long terme les saveurs des pommes parfumées.
En cette fin juillet, les chambres frigorifiques sont vides. Mais à la mi-septembre, soit avec une quinzaine de jours de retard sur la normale, les premiers pallox de pommes des Vergers de la Blottière devaient rentrer sur le site de stockage installé à 2 km du siège, à Saint-Georges-des-Gardes (Maine-et-Loire). La famille Socheleau y exploite un verger depuis trois générations. David et Quentin sont désormais aux commandes depuis l'an passé. La stratégie de l'entreprise est claire. Produire selon les règles du développement durable qui vise l'harmonie entre les trois piliers que sont l'environnement, le social et l'économie. La conservation des fruits, un poste important pour un arboriculteur, ne déroge donc pas aux principes des frères Socheleau qui profitent des avancées technologiques pour améliorer le stockage, le plus soft possible. Très pointues, ces techniques demandent du doigté, du savoir-faire et peu de stress.
Les capacités gérées par les Vergers de la Blottière s'élèvent à 12 000 t, soit un peu moins que le potentiel de production (15 000 t) de l'OP Mauges Loire Fruits à laquelle adhère la société des deux arboriculteurs. Eux-mêmes en produisent en moyenne 8 000 t et en commercialisent au total 30 000 t.
Comme pour tous les producteurs depuis les années 70, les pommes (et les poires) sont stockées en chambres frigorifiques pour freiner, voire stopper, la maturité des fruits afin de les conserver plus longtemps et échelonner leur commercialisation. En bientôt cinquante ans, la technique s'est affinée et a beaucoup évolué.
Les différents systèmes (X-ULO, SmartFresh...) permettent aux producteurs d'adapter le procédé le plus adéquat aux diverses variétés de pommes.
Trois modes de stockage différents
D'abord, par un simple refroidissement, toujours utilisé, qui abaisse la température en moyenne jusqu'à 1 °C, les fruits se conservent jusqu'à Noël. La baisse de température ralentit les métabolismes de la respiration et de la maturation. Mais comme pour toutes les autres techniques développées par la suite, les températures optima de conservation dépendent de la variété. Il est préférable d'abaisser la température à 2/3 °C pour des pommes rustiques comme Antarès ou Belchard. En conséquence, le stockage s'organise quinze jours à un mois avant la récolte en fonction des variétés dans des chambres de capacité variant de 150 à 300 t. Les rentrées peuvent être perturbées comme l'an passé où la cueillette s'est effectuée sous la pluie, occasionnant un développement de pourriture plus important que la normale durant le stockage. Quand de tels risques se manifestent, il n'est guère souhaitable de conserver ces fruits très longtemps. « Comme dit mon père, relève Quentin Socheleau, la chambre froide n'est pas un hôpital. En fait, le stockage stabilise la qualité obtenue à la cueillette. »
Avec le système dit d'atmosphère contrôlée (AC) que possèdent aujourd'hui toutes les stations de conditionnement, les pommes peuvent être stockées jusqu'en juin pour certaines variétés sans perdre en qualité, à condition que, parallèlement, elles soient traitées selon le procédé SmartFresh, une technique ayant reçu en 2006 le Sival d'Or et la médaille d'Or du Sifel dans la catégorie arboriculture. D'après le principe découvert au XIXe siècle, les fruits exposés à un faible taux d'oxygène ralentissent leur maturité. C'est cette caractéristique qui est utilisée dans le système AC. La température est abaissée après la récolte. Il en est de même pour l'oxygène (O2 ) grâce à une injection d'azote. Le CO2 dégagé par les fruits est évacué via l'absorbeur, installé en dehors de la chambre et qui fonctionne selon le principe du charbon actif. Les taux respectifs d'oxygène et de gaz carbonique dans le lieu de stockage doivent ainsi afficher 2 % environ. Le CTIFL de Saint-Rémy-de-Provence et les stations expérimentales (La Morinière et le Cefel) ont affiné les optima par variétés. Ainsi, Golden a la particularité de supporter jusqu'à 5 % de CO2 pour 3 % maximum de O2 . L'utilisation du procédé SmartFresh, à base de 1-MCP, protège les fruits contre les effets de l'éthylène qu'ils rejettent, véritable indicateur de l'évolution de la maturité et responsable des phénomènes d'échaudure. Là aussi, le procédé, ingénieux mais néanmoins délicat, demande toute la technicité des arboriculteurs. Il remplace avantageusement les traitements chimiques à base de diphénylamine, interdits depuis le début de l'année mais non utilisé aux Vergers de la Blottière depuis six ans. Substance similaire à un précurseur de l'éthylène, employée à dose infinitésimale (une cuillère à soupe pour 2 millions de pommes), le 1-MCP agit comme un leurre en se plaçant devant les récepteurs d'éthylène présents à la surface des fruits, les empêchant de ce fait de capter l'éthylène. Mais le résultat dépend de la maturité à la récolte, déterminée par le taux de sucre, la fermeté et le taux d'amidon.
« Aujourd'hui, les plus grosses stations de conditionnement de pommes en France ont adopté le système X-ULO », affirme Lucie Nouaillac d'Absoger, entreprise du Tarn-et-Garonne fabricant en exclusivité cet équipement depuis quatre ans. La société a déjà installé directement – ou via des concessionnaires – 500 chambres d'une moyenne de 300 t chacune, soit un potentiel de 150 000 t. Le coût de cet investissement est très variable selon l'état des chambres frigorifiques. Pour une installation neuve, le X-ULO revient à 0,06 €/kg de pommes d'après Absoger. En revanche, le coût de fonctionnement est très difficile à apprécier car s'y ajoute le coût de refroidissement. Le procédé X-ULO est peu utilisé pour les variétés sensibles à l'échaudure. Là, le système SmartFresh est employé pratiquement à 100 %. Il revient à 6 €/m3 , soit en moyenne 25 €/t. Il existe aussi le système d'atmosphère contrôlée dynamique distribué par Isolcell, peu usité en France. Selon les essais, il donne les mêmes résultats que l'X-ULO avec parfois un léger avantage dans certaines conditions (déstockage très tardif, année à risque fort, variété sensible).
Jusqu'en mai sans conservateur
Aux Vergers de la Blottière ces procédés sont couramment utilisés. Depuis trois ans, ils ont investi dans le X-ULO, l'extrême Ultra Low Oxygen. Douze chambres sont potentiellement réservées à cette technique qui se caractérise par des taux d'O2 et CO2 très bas, de l'ordre de 0,9 %, le procédé ULO étant en moyenne obtenu à des taux de 1,5 % de O2 et CO2 . « La station expérimentale La Morinière obtenait des résultats positifs depuis plusieurs années, explique-t-il. Et nous voulions trouver un moyen de conservation efficace en agissant uniquement sur le traitement de l'air dans le but d'allonger la conservation d'Antarès sans en altérer ses qualités gustatives. » Les Vergers de la Blottière ont donc pris le risque de se lancer dans le X-ULO, le stockage d'Antarès par exemple n'ayant jamais été testé dans ces conditions. Après deux ans de recul, les arboriculteurs sont satisfaits. « Ce procédé couplé avec le système du retardeur(1), conclut Quentin Socheleau, a permis de prolonger la durée de conservation d'Antarès jusqu'au mois de mai avec seulement 5 % de défauts qualitatifs au lieu de 25 % pour l'AC. Avec l'X-ULO, il n'est pas indispensable d'utiliser le SmartFresh ; la maturation peut ainsi reprendre naturellement et libérer les arômes pour des fruits parfumés comme Antarès. Il n'est pas question de supprimer le SmartFresh par ailleurs très utile pour d'autres pommes comme Golden ou Gala. »
Le développement de cette technique monte en puissance. D'un potentiel de 250 t en 2011, elle est passée à 1 500 t l'année suivante. Il est prévu de conserver 2 000 t de pommes sous X-ULO en 2013 sur les 2 500 t de potentiel.
(1) Granulés à base de permanganate de potassium qui permettent d'absorber l'éthylène dans les chambres frigorifiques.