Segmentation-Distribution
La banane fait sa gamme
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La banane n’étant pas assez valorisée dans les rayons, l’UGPBAN et les mûrisseries Fruidor ont décidé de réagir avec un projet de segmentation. Rencontre avec Frédéric Girard, directeur de la communication et du marketing de l’UGPBAN et de Fruidor.



Fld : Quels sont les principaux atouts de la banane antillaise ?
Frédéric Girard : J’ai coutume de dire que la banane de Guadeloupe et Martinique est la meilleure du monde. Pourquoi ? Parce que d’abord, elle possède une saveur particulière liée à son terroir volcanique et son climat tropical. Ensuite, les producteurs antillais cultivent ce fruit dans le cadre de l’agriculture durable en s’appuyant sur trois éléments : l’environnement, le social et l’économique. Concernant l’environnement, il s’agit de la banane conventionnelle la plus propre du monde. Pendant qu’aux Antilles, nous faisons quatre traitements par an, dans les autres productions – notamment en Afrique et en Amérique du Sud – c’est un traitement par semaine. Sur l’aspect social, ce qui se passe est incomparable avec les autres pays du monde : liberté syndicale, formation, retraite, 35 heures avec 90 % de nos salariés en CDI. En résumé, nous sommes dans le cadre du droit social français. Enfin, du point de vue économique, la filière banane aux Antilles fournit environ 10 000 emplois. Les autres productions dans le monde étant le plus souvent aux mains de sociétés capitalistiques qui exploitent les plantations sans bénéfice pour la région.
Fld : Quel est le poids de l’UGPBAN sur le marché français ?
F. G. : Les Antilles produisent environ 250 000 t de bananes par an sur un marché français qui représente 550 000 t. Donc, nous occupons en moyenne entre 25 et 30 % de PDM. L’UGPBAN, née en 2003, est l’union des différents groupements représentant 750 producteurs de Guadeloupe et de Martinique. Elle a permis de bénéficier d’une force commerciale, marketing et surtout qualité. Et il y a moins de trois ans, pour maîtriser notre accès au marché, nous avons racheté Fruidor, le premier réseau de mûrisseries français. Ce dernier travaillant à plus de 50 % avec la grande distribution et proposant en cœur de gamme et en exclusivité la meilleure banane du monde. Fruidor mûrit également toutes sortes d’origines et de variétés de bananes et est en mesure de proposer une large gamme. Nous nous sommes dit que c’était une force de frappe extraordinaire de pouvoir proposer à l’année une gamme de bananes répondant à toutes les attentes des consommateurs : vrac, flow pack, roses, freyssinettes…
Fld : Alors pourquoi les Français sont-ils sous-consommateurs de banane ?
F. G. : La banane, qui est là toute l’année, souffre de monotonie, surtout en France. La consommation moyenne mondiale est à 12 kg/pers./an, alors qu’en France on est plutôt à 8,5 kg. Il y a donc une marge de progression. D’autres pays européens sont gros consommateurs : Angleterre 15 kg, Allemagne 17 kg… Il n’y a pas de règles mais normalement, un pays qui consomme beaucoup de fruits, consomme beaucoup de bananes. En France, c’est un marché qui ronronne et qui représente depuis des années en moyenne 5 % du chiffre d’affaires d’un rayon f&l, avec dans le meilleur des cas, trois références : une variété 1er prix, un cœur de gamme et une bio. Nous pensons que l’on peut faire augmenter la consommation de bananes en général. Une offre plus alléchante et variée permettrait de créer de la valeur et de limiter les 1ers prix qui tirent le marché vers le bas. Nous disons donc : à partir du moment où le choix est plus grand, la consommation augmente. C’est ce qui s’est passé pour les tomates, les pommes…
Fld : Quelle est votre proposition concrète aujourd’hui pour booster la consommation ?
F. G. : Pour les bananes, la segmentation que nous avons créée se présente de cette façon : les économiques, les cœurs de gamme classiques, les bio, les Amusantes et Délicieuses (petits formats enfants, plantain) et les Prestigieuses et Délicates (roses, montagnes, freyssinette). Nous sommes donc capables d’animer un vrai rayon avec huit références, qui peuvent occuper sans forcer jusqu’à 6 m de linéaire. Le tout pouvant s’adapter à n’importe quel meuble de magasin. Et sur chacune des gammes, nous avons prévu une explication du produit et une recette pour que les consommateurs soient tentés par la découverte de nouvelles variétés.
Fld : Six mètres, n’est-ce pas trop important pour un rayon fruits et légumes ?
F. G. : Grâce à Fruidor, nous mettons à la disposition de la grande distribution une offre merchandising complète et surtout ajustable, adossée à une compréhension du marché précise : semaine par semaine, nous sommes capables de dire aux chefs de rayon quelles références ils doivent implanter, à quel moment il faut passer à six références, puis quatre… Ce serait, par exemple, une hérésie de dire qu’il faut continuer à proposer huit références en plein été alors qu’il y a une offre pléthorique en fruits de saison. La pertinence est là : avoir la capacité d’offrir un full service et suivre les opérations avec le point de vente.
Fld : Avez-vous déjà des réactions de la part des distributeurs ?
F. G. : Nous avons testé ce concept au salon de la différenciation chez Cora avec un excellent accueil. Il faut dire que ce secteur recherche en permanence ce genre d’initiative.
Fld : Et aujourd’hui, où en êtes vous du projet ?
F. G. : Tous nos indicateurs aujourd’hui nous disent qu’en faisant ça, on devrait augmenter de 20 à 30 % le chiffre d’affaires, ainsi que la marge de façon non négligeable. En partant du principe que c’est le client et le terrain qui ont raison, nous avons besoin d’expérimenter en conditions réelles. C’est pourquoi des tests sont en cours dans trois points de vente, notamment chez Cora, pour vérifier et quantifier les variations des ventes. Après, nous aurons des chiffres concrets pour argumenter et contribuer à déployer notre concept. Si la distribution est d’accord pour marcher avec nous, il ne s’agira pas d’un partenariat d’une semaine pour voir, nous aurons besoin d’un engagement d’au moins un an. Ce n’est pas un investissement à court terme.