Joue là comme le direct producteur

Depuis peu Amazon (via Amazon Fresh) et Ventes-Privées (via Miam-Miam) proposent des livraisons de nouveaux produits alimentaires à leurs clients. Des produits à valeur ajoutée qui arrivent directement dans les cuisines. Il y a de quoi déstabiliser les acteurs traditionnels de la distribution ne serait-ce qu'en vertu de leur atout concurrentiel : la relation de service qu'ils entretiennent avec leurs clients.
On connaît la puissance d'Amazon et la qualité de son service auprès du client. Après les produits manufacturés (couches Pampers, hygiène et beauté en France…), leur projet est d'étendre leur offre à l'ensemble des produits historiquement présents dans les grandes surfaces alimentaires. L'objectif d'Amazon Fresh ? Après le test de Seattle, Amazon livrera demain des produits à Los Angeles et en 2014 servira une vingtaine de villes.
C'est une autre logique qui anime (pour le moment) Vente-Privée. Déjà présent dans l'offre de produits alimentaires (café, thé, chocolat, saumon…), le e-commerçant aux 13 millions de membres en France (20 millions en Europe) propose une nouvelle “boutique” Miam-Miam, dédiée aux produits français, issus du terroir. Une première expérience est tenue avec Nectar de Bourgogne. A la différence d'Amazon Fresh, Vente-Privée reste dans son cœur de métier avec une offre de déstockage et d'événements proportionnels, limités, et de produits à la conservation longue durée.
Ces deux nouveaux coups de canif à la distribution traditionnelle sont possibles et probablement séduisants car ils rencontrent de fortes attentes, voire les besoins des consommateurs(1).
"Ces coups de canif à la distribution traditionnelle sont possibles et probablement séduisants car ils rencontrent de fortes attentes, voire les besoins des consommateurs".
Tout d'abord l'appétence pour les ventes directes producteurs. Un Français sur deux désire consommer autrement(2). Au palmarès des revendications : la qualité et la santé, le local, la traçabilité… voici les nouveaux imaginaires des consommateurs.
Ensuite le prix. Vente-Privée a assis sa marque sur le déstockage, le produit haut de gamme au prix sans concurrence. La sensibilité au prix, la tentation de l'achat malin (en avoir plus pour un euro dépensé), voici des motivations qui, alliées à la possibilité de recevoir des produits de qualité, redensifieront l'intérêt pour ces offres.
La dimension servicielle enfin. La modernité de l'offre “full service” dans sa forme elle-même est la pierre angulaire de ce type de commerce. Séduire le client en lui proposant d'alléger son quotidien (les courses sont une corvée pour nombre d'entre eux), lui proposer une autre façon de s'approvisionner…
Reste que, peut-être, là est la limite. Peut-être pas dans les volumes d'achat à terme, peut-être pas dans l'agilité logistique qui devrait satisfaire les clients, mais dans le rapport même aux denrées alimentaires. La tension qui risque de s'exercer pour le consommateur entre une logique d'approvisionnement hyperrationnelle et sans émotion particulière et une logique de plaisir (choisir ses produits, les sentir, voire les goûter) sera intéressante à observer. Sur cette tension même, les acteurs traditionnels ont un chantier en devenir.
(1) Voir les analyses de Jean-Marc Megnin sur le-furet-du-retail.com
(2) Observatoire des consommations émergentes, l'ObSoCo.