Interview de Joël Boyer
Joël Boyer : « La prune est une filière dynamique »
Joël Boyer a pris la présidence de l'AOPn Prune au printemps (cf. fld hebdo du 27 mai 2015). Il répond à fld sur le déroulement de la campagne actuelle et les ambitions de l'association.

FLD : Comment se déroule la campagne de prunes 2015 ?
JOËL BOYER : Cette année est un très bon cru, surtout au niveau qualitatif. Il y a un tiers d'américano-japonaises en moins sur les arbres, mais on espère des prix rémunérateurs pour les producteurs. Les rendements des européennes sont normaux sauf en reine-claude, où l'on a perdu entre 10 et 20 % en fin de récolte, sur les 20 000 t habituelles, à cause de quelques matinées très froides en semaine 31, suivies de grosses chaleurs et d'orages. Les dernières sont difficiles à récolter. On a laissé quelques fruits aux champs.
FLD : C'est donc beaucoup mieux que l'an dernier ?
J. B. : Oui, en 2014, ça avait été beaucoup plus compliqué. Les mois de mai et juin avaient été très pluvieux, ce qui avait donné lieu à des problèmes qualitatifs sur les variétés précoces. La reine-claude avait aussi grave-ment été impactée par des alternances de chaud et de froid encore plus marquées : la moitié de la récolte avait été perdue.
FLD : Vous avez pris la tête de l'AOPn Prune au printemps dernier. Quels en sont les chantiers prioritaires ?
J. B. : Tout d'abord, nous voulons communiquer, montrer que nous sommes une filière dynamique. Nous allons mettre en place une communication poussée sur le produit “prune”, tournée vers les médias avec les moyens dont on dispose. Cela passe par une présence accrue sur Internet et les réseaux sociaux notamment.
Nous exerçons un suivi très avancé sur les nouvelles variétés pour ne pas laisser nos voisins européens prendre le dessus. Nous cherchons à apporter de nouvelles références qualitatives et gustatives sur les américano-japonaises. Autre point : développer la segmentation par les couleurs et les calibres.
Nous travaillons également à conserver la génétique des anciens vergers.
L'AOPn encourage aussi le renouvellement du verger.
FLD : D'autres ambitions pour la prune ?
J. B. : J'entends représenter politiquement la prune en favorisant le dialogue avec l'interprofession : même si nous sommes une filière mineure, je veux montrer que la prune existe, qu'elle est bien présente, qu'elle est importante pour nos régions, et que nous voulons aller de l'avant. Nous gardons la pression pour conserver nos produits. Autre projet : lever les barrières sanitaires et montrer que la prune est alerte et active pour l'export.
FLD : Un mot sur les manifestations engagées par les éleveurs qui ont eu lieu dernièrement ?
J. B. : Si nous étions dans la même situation que l'an dernier, nous aurions nous aussi été sur les routes. Si cela pouvait faire prendre conscience de la difficulté des agriculteurs... Il y a notamment un problème grave en France au niveau du coût de la main-d'œuvre par rapport aux pays tiers. Les contraintes des lois s'ajoutent aux contraintes naturelles et ça rend le métier très compliqué !
S'il n'y a pas de prise de conscience, un jour en France, on pourrait avoir faim et finir par dépendre de l'extérieur. Il y a trop d'acharnement sur les agriculteurs.
Il ne faut pas oublier que nous faisons partie des pourvoyeurs d'emplois. Il faut qu'on arrive aujourd'hui à avoir des coûts égalitaires pour la main-d'œuvre.
Le consommateur devrait savoir qu'au niveau national quand un fruit ou un légume est vendu en rayon en dessous de 1,50 € le kilo, il y a forcément quelqu'un qui perd de l'argent dans la filière.
L'AOPn Prune est née en 2009. Elle fédère une dizaine d'expéditeurs, treize organisations de producteurs, 330 producteurs essentiellement du Sud-Ouest et du Nord-Est qui représentent 40 % de la production nationale.
Joël Boyer, président du directoire de la SAS Boyer (marque Philibon) à Moissac (Tarn-et-Garonne), est membre de l'association depuis le début. Il ne produit pas encore de prunes, mais en commercialise 2 500 t/an.