L’effet Meilleur ouvrier de France
Jacoulot Primeurs, une affaire de famille
Après avoir été couronnée MOF en 2011, Clotilde Jacoulot est retournée avec plaisir à son quotidien, son métier de primeur. Elle nous en parle avec passion et engagement, et fait le bilan de “l’effet MOF”.
Après avoir été couronnée MOF en 2011, Clotilde Jacoulot est retournée avec plaisir à son quotidien, son métier de primeur. Elle nous en parle avec passion et engagement, et fait le bilan de “l’effet MOF”.






L’histoire de Clotilde Jacoulot, médaillée par le Président de la République, est une histoire de famille. « Adolescente, je ne savais pas ce que je voulais faire, mais ce dont j’étais sûre, c’est que je ne voulais pas être primeur ! » La formule fait sourire son père qui, avec trois filles, n’imaginait pas que Jacoulot Primeurs perdurerait après lui, et encore moins que Clotilde serait un jour couronnée MOF (cf. fld hebdo du 17 mai 2011). L’arrière-grand-père vendait des farines, le grand-père des pommes de terre dans l’arrière-boutique de l’actuel magasin où le père a commencé à travailler à 14 ans, pour finalement reprendre l’affaire en 1978. Clotilde le rejoint en 1998, après avoir réalisé qu’elle n’était pas faite pour enseigner les mathématiques…
Du temps de son père, l’activité se répartissait à parts égales entre le gros, le demi-gros et le détail. Aujourd’hui, elle repose aux deux tiers sur le magasin, en parallèle Clotilde sert quelque 150 restaurateurs, boulangers-pâtissiers et des supermarchés de la région, qui sont aussi ses seuls concurrents. Le magasin de 150 m2 ouvre à 6h le matin. « A cette heure-là, on prépare les rayons, on ne va quand même pas fermer la porte... Le vendredi matin, par exemple, dès 7h, le magasin est plein. Il faut compter une personne à la caisse en continu. »
Le point de vente a été totalement repensé et réaménagé en 2009. De l’espace a été gagné avec le remplacement du mobilier. « Avant la moitié de nos clients – ceux qui n’achetaient que des fruits – n’allait pas jusqu’au fond du magasin. Depuis que les fruits sont implantés au fond et les légumes devant, notre chiffre d’affaires a nettement augmenté et l’attitude des gens a changé. Ils ont moins peur de cuisiner les légumes, et nous les aidons avec nos fiches recettes qu’ils peuvent consulter en attendant aux caisses » [fiches qui viennent d’être rassemblées dans un livre de cuisine, le premier d’une série de quatre, NDLR].
Un maximum de produit et à tous les prix
Début mars, le magasin comptait 150 références de légumes et 80 de fruits frais différents. « Notre clientèle, c’est tout le monde, alors j’essaie d’offrir un maximum de produits, à tous les prix. Nous proposons 27 sortes de salades, 6 sortes d’asperges et, en pleine saison, l’offre monte à 12 ! Toute une gamme d’agrumes et de fruits exotiques. A Noël, nous proposions 17 variétés de citrons (citron feuille bio, orange amère de Séville, main de Bouddha, véritable bergamote, citron de Tunis, gros pomelos chinois, citron caviar, véritable mandarine (qui a plein de pépins, mais quand tu manges ça tu as l’impression d’avoir dix ans !), lime, calamansi, cédrat, petit mexicain…). J’avais affiché une photo du producteur Michel Bachès (installé à Eus, près de Perpignan) et un texte d’explication sur qui il est et ce qu’il fait. Plus une fiche pour chaque produit : j’ai fait des recherches et j’en ai fait profiter mes clients. Je reproduis cela pour les fraises, les pommes de terre… Les gens aiment voir que tu t’investis. »
A cela il faut ajouter un rayon de légumes et fruits secs en vrac, et un rayon “cagettes” à l’entrée du magasin. « Ce ne sont pas des promos, insiste Clotilde. Ce sont les produits du magasin, en grande quantité, parce que certains clients qui habitent dans des endroits reculés [on est en zone de montagne, NDLR] ne viennent pas à la ville tous les jours mais une fois par semaine, voire moins. Ils repartent avec un sac de pommes de terre, une cagette de kiwis, une de carottes des sables, une caisse de pommes, une d’oranges. Avec ce rayon, nous répondons à un besoin local. C’est une part importante de nos ventes ». Près des caisses, on trouve un bel assortiment d’épices, d’aides à la cuisine et à la pâtisserie et une multitude de “tartinables”, depuis les confitures jusqu’à la tapenade. Sur le comptoir, des jus de fruits frais maison qui connaissent un franc succès, ainsi que des corbeilles de fruits frais en libre-service.
Des commandes bien organisées
Le rythme de ses approvisionnements est bien réglé. Le lundi, le mari de Clotilde s’occupe des achats sur le Marché St-Charles de Perpignan (dont les agrumes de chez Lulu, très présents dans l’assortiment), d’où un camion remonte, parfois complété lors d’un arrêt au marché de Châteaurenard, notamment pour la salade. Le mercredi, c’est elle qui descend à Lyon pour faire ses achats au marché de Corbas pour remplir un autre camion de dix-huit palettes. « Sur le marché de Lyon, je suis une des plus anciennes acheteuses. J’y allais déjà à l’âge de 10 ans et j’achète depuis 15 ans. J’y suis connue pour être dure en affaires. Je suis exigeante, mais comme je fais du volume, on peut discuter. La réputation, c’est important. Mon grand-père payait bien, mon père payait bien et je paie bien. Les gens me font confiance. » Le vendredi, un autre camion vient de Lyon, cette fois via un courtier. Le magasin possède sa propre flotte de véhicules, non par choix, mais par nécessité, parce que « quand il neige et qu’il fait - 25 °C, plus personne ne veut livrer à Morteau. » En haute saison, un camion supplémentaire part de Corbas le lundi.
Seule aux commandes depuis 2008, elle est à la tête d’une équipe de quatorze personnes dont son mari fait partie. « Je suis de nature positive et j’essaie de le transmettre à mes employés. Je parle beaucoup avec eux. Il y a une bonne ambiance. A 7h on prend le café, à 8h30 on casse la croûte... Pour obtenir une bonne équipe, il faut être attentif à chacun. Ce matin j’ai un client qui m’a avoué qu’il fait 22 km pour venir ici, je l’ai embrassé, spontanément. Je dis à mes jeunes employés qu’il faut dire “merci” et non pas “bonjour” aux clients qui arrivent ! Lorsque tu es maman, avec des enfants, un boulot, c’est plus facile d’aller au supermarché et de tout prendre là-bas. Nos clients décident de prendre sur leur temps pour venir chez nous, et ça c’est énorme. C’est le plus beau cadeau qu’ils nous font. Notre force, c’est que les gens viennent au magasin. A Noël par exemple on vend des sapins. Je pose une affiche “Sapins toutes tailles, 17 E”. En huit jours on en a vendu 600 ! Certains arrivaient et disaient “Je veux un sapin”. On leur répondait “Si vous ne faites pas le tour du magasin, on ne vous vend pas de sapin !” Ils riaient, faisaient le tour, achetaient ou pas. Ils reviendront peut-être...» Outre son professionnalisme et son expertise, c’est bien son intérêt pour les gens et sa proximité avec eux qui caractérise la jeune primeur.
Une relation avec les fournisseurs très importante
Pour tous les produits venant de France, souvent travaillés en direct, elle essaie autant que possible de connaître ses fournisseurs et de les visiter une fois par an. C’est le cas de Christian Anglade, qui produit des pommes en Corrèze, et fournissait déjà son grand-père, ou encore de la famille Bellemare avec son Muscat du Ventoux, de Sylvain Sabatier en Ardèche, qu’elle a rencontré cet été. « On campait en Corrèze, on a pris deux jours pour aller voir les producteurs avec qui on travaille. Il faut être proche de ses clients mais aussi de ses fournisseurs, pour savoir les garder, leur dire qu’on est content qu’ils nous servent et qu’on les soutient. En se rencontrant, on se trouve des atomes crochus, on se comprend mieux, on discute de nos attentes, des produits, c’est important. » Cette année, elle a prévu un tour de France d’une semaine avec son mari pour aller visiter des primeurs, voir ce que font les autres, faire naître de nouvelles idées, de nouvelles envies.
En effet, la place manque et Clotilde rêve d’espace, « pour proposer un vrai rayon “Fraîche découpe”, de soupes fraîches, et encore plus de produits ».
Le site Internet de Jacoulot Primeurs vient d’ouvrir : www.jacoulotprimeurs.com