Interview de Philippe Binard, secrétaire général de Freshfel
« Il va falloir agir vite pour retrouver la confiance des consommateurs et du marché »
Fld Hebdo : Quel est l’impact d’une telle crise sur le marché européen des f&l ?
Philippe Binard : Il est encore trop tôt pour faire un bilan tant que l’on n’aura pas définitivement confirmé et isolé la source de l’épidémie. Les attitudes selon les pays sont différentes, le marché français, par exemple, a eu une attitude très nationaliste. Les effets sont importants sur le marché du concombre, de la tomate et des salades en particulier. Une fois la source connue, cela pourra rassurer le marché tant européen qu’à l’export et permettra tout doucement de revenir à la normale. Les fruits en revanche se sont bien comportés la semaine dernière. En termes de restrictions d’importation, l’impact est fort, il faut citer la Russie, l’Ukraine, les pays du Golfe, les Etats-Unis, le Canada… Et la Russie se posait la question sur les fraises et produits similaires originaires d’Europe, il y a des annulations de commande.
Fld Hebdo : Quelles sont les pertes pour le marché ?
P. B. : Le marché du légume en Europe s’évalue à 1 Md€/semaine. On ne peut pas dire qu’il se soit arrêté totalement. Selon les pays, nous pouvons établir que les Pays-Bas parlent de pertes avoisinant les 30 M€, la Belgique 3,5 M€, l’Espagne 200 M€, un chiffre qu’il faut comprendre par une image totalement dépréciée des produits d’origine espagnole. L’Allemagne annonçait 2,5 M€/jour. Le marché a été perturbé en quantité et en prix. Des effets à long terme sont à prévoir.
Fld Hebdo : Quelles sont les pistes de travail pour soutenir le secteur après une telle crise sanitaire ?
P. B. : La DG Sanco a fait tout ce qu’elle pouvait pour faire la lumière sur cette affaire. Il y a le travail politique à mener sur l’aspect de la microbiologie et l’attitude des autorités allemandes. Pour autant, il faut souligner que le bilan est assez positif en termes de traçabilité et tout le monde peut être exposé par ce genre de crise : producteurs, restaurants, transformateurs, marchés de gros… Personne ne peut dire : je ne suis pas concerné. On travaille avec la DG Trade et nous attendons de connaître avec précision la source. Si les cas de maladies diminuent, l’Europe aura des arguments solides pour que la plupart des pays lèvent leurs restrictions à l’importation. En termes de compensation, les légumes doivent retrouver une bonne image. Une réunion des ministres de l’Agriculture est prévue toute la journée le 7 juin, à ce sujet. Un conseil extraordinaire de la santé a lieu (lundi 6 juin) autour du Commissaire à la santé, John Dalli, et un comité de gestion fruits et légumes portera sur l’évaluation de la crise, la semaine prochaine. Le 14 juin, un conseil extraordinaire est prévu et le sujet sera forcément abordé lors du comité consultatif fruits et légumes le 23 juin. Quant aux compensations, des mesures d’aide sont possibles à la production par le biais des OP, entre autres. Pour les autres secteurs de la filière, il faudra trouver un moyen de compenser les pertes, c’est une évidence. Par rapport à l’image de nos produits, la DG Sanco a dit qu’elle repositionnerait l’image des f&l dans ses communications. Quant à la promotion et la communication, nous avons déjà pris contact avec la DG Agri. Il va falloir agir vite pour retrouver la confiance des consommateurs.