Salade & Mâche - Alpes-de-Haute-Provence
Haute Provence Plein Champs et la “salade d’altitude”
Le Pays de Forcalquier, celui des romans de Pagnol, n’est pas seulement producteur de melons. Plusieurs millions de pieds de salades sont produits, notamment par la coopérative HPPC.
Bien que relativement confidentielle, la production de salades du Pays de Forcalquier est l’affaire de quelques spécialistes dont les adhérents de la coopérative Haute Provence Plein Champs (HPPC) à Niozelles. « La coopérative, explique Régis Chauvet, président de HPPC, est la suite logique du syndicat des producteurs de légumes des Alpes-de-Haute-Provence, lui-même émanation de la chambre d’Agriculture du département. Il a été créé dans les années 1988-1989. A cette époque le groupe de maraîchers produisait essentiellement pour la IVe gamme. Puis beaucoup de producteurs ont arrêté alors que deux indépendants travaillaient avec le groupe qui s’était spécialisé en frisées, chicorées et scaroles. Un virage a été pris en 1995 lorsque nous avons lancé une gamme laitue. Entre 2000 et 2007, nous produisions alors plus de 8 millions de têtes de salades. Ensuite, la IVe gamme a fixé de nouvelles orientations : des prix plus bas – elle jouait sur la concurrence interbassin – et des exigences plus hautes. En 2009 nous avons donc pris la décision de ne plus travailler pour la IVe gamme. Il y a eu des problèmes de fonctionnement et nous avons aussi réalisé que la frisée était un produit vieillissant qui peinait à être vendu. Pourtant aux périodes les plus propices, 60 % de nos volumes partaient vers l’industrie. Après, le marché du frais a représenté 80 % de nos débouchés. Nous avions aussi des projets structurants. Nous souhaitions investir dans un nouveau bâtiment. Seulement, des tracasseries administratives nous en ont empêchés. A partir de là, deux adhérents du groupe se sont lancés seuls dans d’autres projets, notamment l’hydrocooling dont ils se sont dotés, financés sur des fonds propres. Sans subventions. » Dans le même temps, le groupe s’est offert une nouvelle identité : « “Producteurs de légumes des Alpes-de-Haute-Provence” n’était pas très lisible. Nous avons donc opté pour une nouvelle dénomination, “Haute Provence Plein Champs” et nous en avons fait une marque déposée avec un logo que chacun de nous utilise sur son exploitation. » Aujourd’hui, la coopérative HPPC compte quatre producteurs de salades pour 2,8 millions de têtes (30 % batavias, 30 % feuilles tendres, 15 % rouges et 25 % laitues). « Les commandes sont dispatchées entre les producteurs tous les jours, après un briefing avec le commercial. Les salades sont conditionnées dans des emballages identiques fournis par la coopérative, voire hydrocoolées sur les exploitations d’où elles partent directement chez le client. Avec ce fonctionnement dématérialisé, notre commercial organise les commandes, et le producteur n’intervient jamais chez le client ni dans les rôles dévolus à la coopérative. »
Les adhérents de HPPC sont installés entre Manosque Reillane, Niozelles et Murs à une altitude proche de 500 m. « La salade de Haute-Provence tire sa notoriété de la qualité induite par les fortes amplitudes thermiques entre le jour et la nuit très importantes en été. Néanmoins, la génétique permet maintenant à d’autres régions – qui ne sont pas en altitude – d’obtenir des résultats intéressants sur notre créneau. »
Une nouvelle politique de plantation
« Jusqu’en 2010, nous récoltions entre mai et novembre, soit six mois de coupe, mais plusieurs années négatives nous ont conduits à revoir notre stratégie. Cette année, nous avons planté pour ne récolter que quatre mois entre juin et septembre. Cette baisse des volumes a permis de limiter la prise de risques liée à l’augmentation des intrants et de la main-d’œuvre alors que les prix conso n’ont pas augmenté. Auparavant, nous n’avons jamais planté que ce que nous pouvions vendre, sur la base des résultats de la campagne précédente. A une époque nous avons trop planté, mais nous nous sommes toujours débrouillés et sommes devenus plus sages. Ce qui n’empêche pas les problèmes conjoncturels comme en 2011 où nous n’avons pas hésité à broyer des feuilles de chêne. Nous nous étions interdit de vendre au-dessous d’un certain prix pour éviter de perdre de l’argent. » De plus, le parcellaire étant peu adapté à la culture de plein champ, car trop vallonné et dispersé, le taux de ramassage dans cette zone est inférieur à la moyenne du plein champ.
Au sein de HPPC qui fonctionne sur le principe « d’une vraie coopérative, nous organisons un tour de table pour établir un planning collectif. Chacun gardant sa spécificité, nous adaptons les volumes en fonction des périodes de production : sur un créneau où les salades ont eu des difficultés, nous allons réduire les volumes et inversement », précise Régis Chauvet.
Distribution via les réseaux grossistes du Sud-Est et la distribution
« Nous avons choisi de livrer les centrales car, ici, trop de magasins et de producteurs pratiquent l’apport direct au motif de la proximité. Sur le plan du développement économique local, je le conçois. Je n’ai rien contre eux, ni contre ceux qui pratiquent la vente directe. Néanmoins, je constate que ces circuits cassent les circuits plus longs. Transporter quinze colis sur 15 km ou six palettes sur 100 km, notre choix est fait mais nous ne pouvons pas proposer les mêmes prix. Je vais faire une suggestion : que certains distributeurs prennent enfin en compte les difficultés ou les efforts des agriculteurs. Une année, nous avions décidé d’introduire de nouvelles techniques culturales, mais jamais nous n’avons été payés de nos efforts. »
Au pays de Pagnol, les étés ne sont pas toujours bucoliques. « Nos principaux concurrents sont les producteurs de l’Ain qui connaissent un climat moins rude que nous, commencent plus tôt et finissent plus tard. Ce sont eux qui font les prix depuis quatre ans, au détriment de la qualité que nous pouvons proposer. » L’été 2012 est présenté comme une petite campagne, mais correcte grâce aux volumes moindres. Ce qui permet de formuler des intentions. « Pour ma part, je pense augmenter la superficie de production l’an prochain. Depuis quinze ans, la coopérative a adopté une stratégie de diversification vers les fleurs, les courges, les céréales, etc. J’ai constaté que multiplier les productions est difficile à gérer en termes d’organisation de gestion de la main-d’œuvre, etc. J’ai envie de revenir à des fondamentaux », conclut Régis Chauvet.