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Guyane : pour l’avenir d’une agriculture équatoriale

La forêt amazonienne, qui constitue une grande partie de la Guyane, dispose de ressources agricoles et agroalimentaires inexploitées tant pour assurer son auto-approvisionnement en fruits et légumes que pour créer une filière d’exportation singulière comme le cacao ou la vanille.

Qui entend parler de la Guyane si ce n’est lors du décollage de la fusée Ariane depuis la station spatiale européenne de Kourou ? Et pourtant, cette région monodépartementale de l’Outre-mer est riche en biodiversité, en peuples humains tous aussi singuliers les uns que les autres de par leur histoire, leur langue et leur culture.

Satisfaction de la consommation en produits vivriers

Guyane, « Guiana » qui signifie « terre aux eaux abondantes » en langue amérindienne, montre à quel point les sols et les eaux imposent une adaptation particulière de la flore, de la faune et des hommes à différents écosystèmes, tous fragiles. Sur ses 83 846 km² de superficie, ce sont avant tout le couvert végétal de la forêt équatoriale (97 % du territoire) et le réseau hydrographique qui s’imposent. L’agriculture y représente moins de 1 % des emplois salariés. Pourtant, une dynamique positive de création d’exploitations agricoles existe.

Entre 2000 et 2010, leur nombre a progressé de 12 %. La population guyanaise de près de 300 000 habitants (en 2021) progresse de + 2,6 % par an. 50 % des Guyanais ont moins de 25 ans. Cette croissance démographique doit s’accompagner d’une satisfaction de la consommation et notamment en produits vivriers. De plus, alors que peu d’emplois sont disponibles dans ce département (le taux de chômage est à 20 %), l’agriculture et l’agroalimentaire peuvent offrir des débouchés notamment en favorisant les spécificités liées à ce territoire équatorial.

L’agriculture locale a ici tout son rôle à jouer même s’il y a la concurrence de produits importés notamment des pays voisins (Surinam et Brésil). La diversité de fruits et légumes est importante. Ainsi, les agrumes, ananas, ramboutans (litchi chevelu ou Nephelium lappaceum), pomme rosa (Syzygium malaccense), copuaçu (Théobroma grandifolium), pitayas (Hylocereus polyrhizus), awara (Astrocaryum vulgare), wassaï (Euterpe oleracea), etc. sont excellents et sont à développer (frais ou transformés).

Les besoins d’une recherche locale

Les pratiques agricoles méritent que l’on s’y intéresse de plus près… Le renforcement de la recherche pourrait permettre le développement pour certaines productions. L’implantation en cours du CTIFL ne peut que répondre à une demande de l’interprofession comme le mentionnent Albert Siong, président de la Chambre d’agriculture, et Gilles Sanchez, président de l’Interprofession des filières végétales de Guyane (IFIVEG).

Les besoins des agriculteurs sont importants et une recherche locale permettra de faire face aux spécificités climatiques notamment une très forte pluviométrie (plus de 3 300 mm/an) qui fait de la Guyane le département le plus arrosé de France. Les enjeux pédologiques avec la présence d’oxisols, caractérisés par une altération très poussée de la roche-mère et d’un horizon d’accumulation des hydroxydes de fer et d’aluminium, des terres inondables ou des sols salins sont également à maîtriser.

De même, les conditions sanitaires spécifiques sont souvent amplifiées par le climat équatorial. Il est par conséquent très important que soient financés et développés les plans de filières proposés par les professionnels. Car en tenant compte de la forte natalité, la demande de produits frais va exploser notamment en restauration collective (restauration scolaire, etc.), et pour ce faire, la production doit mieux se structurer.

Cacao et vanille de Guyane à valoriser

La Guyane a également des atouts à valoriser hors de son territoire. Ainsi la France, grande consommatrice de chocolat, pourrait s’enorgueillir de produire et transformer des crus de cacao amazoniens locaux car le cacaoyer endémique à la Guyane permet la fabrication d’un chocolat unique. La Guyane qui fait partie des aires d’origine du cacaoyer Theobroma cacao et ses trois groupes (Criollo, Forastero et Trinitario, commun dans le monde entier), se distingue aussi par la présence du groupe Guiana.

Ce cacaoyer pousse dans la forêt et le long de la vallée du fleuve Maroni. Il a été identifié en 1729 et les plantations créées au 18e siècle ont périclité avec la découverte de l’or en 1854. Il a fallu attendre la fin du 20e siècle pour que la recherche du Cirad s’y intéresse de plus près. Ces variétés endémiques doivent être protégées et valorisées. Elles font partie du patrimoine végétal local et méritent une reconnaissance au sein de la gastronomie régionale et nationale, à l’instar de producteurs du chocolat artisanal comme Olivier Dummett qui développe le cacao d’Amazonie depuis 2005.

Il en est de même pour la vanille et d’autres cultures emblématiques (voir encadré) de cette région des Amériques. La vanille de Guyane, Vanilla pompona Schiede, subsp. grandiflora, est à l’origine de la vanille Bourbon de l’Océan indien, la Vanilla planifolia qui est un croisement de la vanille de Guyane et de la vanille de Oaxaca au Mexique. Elle se distingue par des arômes légèrement vanillés, de coumarine, d’amandes, de tabac blond et de pommes mûres. Elle est rare, peu connue mais son prix atteint des sommets. Elle a un avenir prometteur. Et à la différence des autres régions du monde, elle y possède ses pollinisateurs naturels, comme les euglossines et les mélipones.

La Guyane abrite ainsi un réservoir génétique utile au devenir de cette culture car la faible diversité génétique de la vanille cultivée dans le monde est une fragilité face à la pression sanitaire et à la modification du climat. L'agriculture guyanaise a de belles années devant elle pour peu que l’on y mette les moyens humains et financiers. Ce territoire isolé de la République semble vivre selon une économie insulaire alors qu’il se trouve sur l’un des continents les plus dynamiques de la planète.

En chiffres

6 000 exploitants et coexploitants agricoles

6 300 ha de cultures fruitières (dont banane 1 000 ha, lime 900 ha, ananas 720 ha, orange 500 ha et ramboutan 430 ha)

7 700 ha de plantes à tubercules (dont 6 600 ha en manioc pour 32 300 t)

1 550 ha de légumes frais

Les peuples de l’agriculture

 

Un cacaoyer endémique du groupe Guiana permet la fabrication d’un chocolat unique. © Y. Narbesla

Les premiers peuplements de la région (7000 ans avant J-C) ont pratiqué la culture sur brûlis et ont domestiqué les premières plantes. Cette technique est encore pratiquée en lisière de forêt, notamment pour cultiver le manioc, le taro, la patate douce ou l’igname. Au début de la colonisation française, des domaines agricoles ont été créés pour fournir la France en sucre de canne, cacao, café, roucou, indigo et coton. L’abolition de l’esclavage aura raison de ces pratiques coûteuses en main-d’œuvre avec des résultats médiocres comparativement aux autres colonies.

C’est aussi à partir de cette époque que des bagnes sont créés et que la main-d’œuvre carcérale est affectée aux travaux agricoles (70 000 personnes). De 1973 à 1990, un plan de développement de l’agriculture est mis en place. En 1977, des populations Hmong du Laos, réfugiées de la guerre du Vietnam, arrivent en Guyane et s’installent dans l’agriculture avec l’autorisation de défricher la forêt. Aujourd’hui, ce sont les agriculteurs les plus dynamiques de la région. Ils se sont spécialisés dans la production de fruits et légumes.

 

Des opportunités de transformation

 

La culture sur brûlis est encore pratiquée en lisière de forêt, notamment pour la culture du manioc et du taro. © Y. Narbesla
L’agriculture de Guyane dispose de cultures pouvant alimenter un secteur agroalimentaire de produits transformés et qui gagnent à être connues et développées.

 

Le manioc est un héritage des populations amérindiennes. C’est depuis ces régions équatoriales d’Amérique du Sud qu’il a été propagé dans le monde entier. Une transformation agroalimentaire traditionnelle permet des valorisations de la racine, notamment en semoule et cassave. La production locale nécessite une meilleure organisation afin de contrer les importations des pays voisins (importation de semoule brésilienne). Ce tubercule a un bel avenir devant lui. A l’heure du développement des aliments sans gluten, la semoule de manioc, encore appelée « couac », pourrait conquérir les tables de l’Hexagone.

L’awara, fruit du palmier Astrocaryum vulgare, entre dans la composition du plat emblématique de la Guyane, le « bouillon d’awara » qui possède en plus de ses intérêts culinaires, des vertus médicinales et cosmétiques mais manque d’investissements.

Le wassaï, baie du palmier-pinot ou Euterpe oleracea, est présent dans toute la région et est fortement consommé. Très riche en antioxydants et en fer, il a un succès grandissant. Son fruit possède de multiples usages et est aussi très populaire au Brésil. Ce dernier l’exporte aux USA, au Japon et en Europe. Une usine de transformation voit le jour mais l’approvisionnement est un challenge.

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