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Jean-Pierre PJ Stephan, fondateur du Festival International de la Photographie Culinaire
Grand angle sur un festival de photos culinaires

Rencontre avec Jean-Pierre PJ Stephan, le fondateur et président du FIPC, manifestation dédiée à ces artistes souvent oubliés, les photographes culinaires. Cette année, l’alimentation dans les rues du monde entier était l’invitée d’honneur.

Fld : Quelles sont les raisons qui ont créé le Festival International de la Photographie Culinaire ?
Jean-Pierre PJ Stephan : J’ai découvert la photo culinaire lorsque j’étais dans l’édition. J’ai alors découvert le milieu de la gastronomie, rencontré les grands chefs, les directeurs des plus grands hôtels. Et les photographes qui accompagnent les chefs, eux, étaient oubliés. C’était très injuste. Alors, en quittant l’édition, j’ai senti qu’il fallait créer un événement en leur honneur. Passionné d’art contemporain, j’estime que la photographie culinaire, lorsqu’elle est signée, doit être considérée comme une œuvre d’art à part entière. Il y a donc deux raisons à la création du Festival : d’une part il faut créer une manifestation pour montrer qu’il ne s’agit pas uniquement de photographies de plats et d’assiettes mais d’un travail pertinent, artistique. Je reste convaincu que l’image alimentaire a toute sa place dans une démarche culturelle, ethnologique, anthropologique, de reportage. Et d’autre part, il y a une vraie demande des éditeurs et de l’ensemble des professionnels de l’image pour une photographie culinaire intelligente. C’est un secteur très prometteur. Il existe un engouement pour tout ce qui touche à l’aliment, le culinaire. La photo culinaire a toute sa place. Elle est aussi un vrai souvenir d’une production éphémère, celle du plat que l’on a concocté pendant plusieurs heures avant de passer à table…

Fld : Quelle est l’origine de la photo culinaire ?
J.-P. PJ S. : Son histoire débute dans les années 60. On traitait alors d’un produit et on reproduisait ce que les peintres hollandais exécutaient en travaillant la lumière en composant des natures mortes. Il s’agissait de mettre en avant le produit et uniquement lui. Dans l’histoire de l’art, les natures mortes ont toujours été considérées comme un genre mineur. Or tous les plus grands peintres du XXe ont réalisé des natures mortes mais elles ont toujours été dépréciées. Par la suite, on est passé à la photo humanisée, on y a vu le public : les consommateurs ont pris leur place dans l’image. On s’est ensuite peu à peu dégagé de la recette et de la photo produit pour aller vers une image plus suggestive. Et puis il y a eu le basculement de l’argentique au numérique, au fleurissement constant d’images. Or, il est bon de rappeler la définition même de la photo : peindre avec la lumière. Avec le numérique on a peut-être moins travaillé la lumière… et la demande s’est développée avec la véritable révolution que nous avons connue dans l’édition de livres culinaires. Et les photographes se sont alors concentrés sur leur cœur de métier. On est arrivé à quelque chose de très décalé par rapport au sujet. Dans le cadre du Festival, sur un thème bien précis, nous attendons des photographes qu’ils se “lâchent”, qu’ils fassent fonctionner leur imaginaire. Cette année, nous avions choisi pour thème de la compétition officielle le concept alimentaire de la Street Food, la cuisine de rue, la cuisine nomade.

Fld : Le tout nouveau Grand Prix de la Photographie de l’Alimentation a été remis par Bruno Le Maire...
J.-P. PJ S. : En effet, c’est la première année que ce prix existe. Il fait suite au partenariat créé avec le ministère de l’Agriculture l’an dernier. Bruno Le Maire avait été emballé par l’idée du Festival et la création de ce prix n’est pas anecdotique, il correspond en tout point à la réflexion que mène le ministère dans le cadre du Plan National de l’Alimentation. C’est une vraie réflexion en termes de qualité alimentaire.

Fld : Thierry Marx était le parrain du Festival, pourquoi ce choix ?
J.-P. PJ S. : Après Guy Savoy, et Alain Passard, avec le thème “Street Food”, il n’y avait qu’un seul grand chef possible : Thierry Marx. Ambassadeur de la cuisine moléculaire, il a également une vraie réflexion sur la cuisine nomade quotidienne. Depuis trois ans, il a créé un atelier de cuisine nomade à Blanquefort près de Bordeaux. Là-bas des jeunes en réinsertion sont initiés à la cuisine de rue et de qualité. Un deuxième centre devrait bientôt ouvrir à Paris. Plus encore, Thierry Marx vient juste de sortir son dernier livre qui porte le nom rêvé pour le FIPC : “Street Marx”. Accompagné de Mathilde de l’Ecotais, photographe culinaire, lauréate du Grand Prix du FIPC 2009, il s’est rendu à Tokyo, Kyoto, Tel Aviv, Bangkok et New York pour y faire son marché et concocter des recettes, le tout photographié avec un téléphone portable et présenté comme un manga !
Jean-Pierre PJ Stephan, directeur du FIPC
Fld : Le FIPC bénéficie de partenariats de prestige, vous pouvez en dire plus ?

J.-P. PJ S. : Pour lancer un événement culturel de cette envergure, il faut des professionnels et surtout des institutions, car elles sont d’une grande aide pour lui donner une assise. Le FIPC a cette particularité d’être bicéphale : culturel et alimentaire. Il me fallait donc les ministères mais aussi les ministres des deux univers pour asseoir sa notoriété.

Fld : Cette année, vous bénéficiez du haut patronage de Nicolas Sarkozy...
J.-P. PJ S. : Dès la première édition, je suis allé frapper à la porte de l’Elysée en expliquant que le FIPC était d’ordre culturel, alimentaire et qu’il touchait à la transmission du savoir, au patrimoine et à l’enseignement : thèmes chers au Président de la République. Il faut bien comprendre que ce n’est pas un dossier parrainé par l’Elysée, mais par le chef de l’Etat lui-même. Un autre patronage important dont nous bénéficions est celui du ministère des Affaires Etrangères via l’Institut Français, l’agence du ministère pour l’action culturelle extérieure de la France qui organise entre autres événements des expositions itinérantes d’artistes français. Cette année, nous avons obtenu que notre sélection de la compétition officielle, soit une centaine d’images signées de nos 41 photographes, fasse l’objet d’un catalogue adressé à toutes les ambassades et instituts français présentant cette exposition qui aura pour titre « Cuisine nomade, photographies culinaires » ; cette exposition itinérante aura donc la possibilité de tourner dans le monde entier et ce pendant trois ans ! C’est un cadeau formidable pour les photographes festivaliers d’être reconnus mondialement.

Fld : Depuis la création du Festival, la maison Sales vous soutient...
J.-P. PJ S. : C’est exact, c’est un partenariat fort car Jean Sales est un homme au discours très impliqué quant à la qualité et la production artistique culinaire intelligente. Il a d’ailleurs créé un laboratoire du goût dans son entreprise avec un photographe culinaire : Francesc Guillamet, photographe du grand chef catalan Ferran Adria. Et nous avons présenté cette année le triporteur de f & l, ce qui nous a permis d’associer aussi Légumes de France et Interfel. Angélique Delahaye, présidente de Légumes de France faisait également partie du jury du Grand Prix de la Photographie de l’Alimentation. L’an dernier déjà, nous avions fait installer une pyramide Légumes de France à Bercy qui avait remporté un énorme succès. Il nous fallait donc poursuivre cette année avec ce triporteur symbole même de la Street Food. Ce sont des échanges de ce type que je souhaite poursuivre avec des professionnels de qualité associés aux photographes culinaires, cela permet d’avoir des débats riches quant à l’image dans le discours alimentaire.

Fld : La pomme Juliet vous soutient aussi ?
J.-P. PJ S. : Je l’ai découverte au Salon de l’agriculture. C’est un partenaire produit fort depuis deux ans. La pomme Juliet arrive sur le marché avec l’ouverture du Festival. Leur communication est dynamique et, dans notre développement international, c’est un soutien fort, car ils sont présents à l’étranger. L’an prochain, je veux consolider les nouveaux Prix lancés cette année autour de l’alimentation, du tourisme gastronomique et du champagne. Après, les partenariats que nous avons déjà ne sont pas acquis définitivement... Il n’existe malheureusement pas d’engagement partenarial sur trois ans. Il faut donc convaincre et se battre chaque année.

Fld : L’inscription du repas gastronomique à l’Unesco a-t-elle joué en votre faveur ?
J.-P. PJ S. : Cela a effectivement joué. Pierre Sanner, directeur de la Mission Française du Patrimoine et des Cultures Alimentaires, instigateur de l’inscription du repas gastronomique des Français au patrimoine culturel immatériel de l’humanité près l’Unesco, est membre du jury du Grand Prix Festival. Qui a lancé le train de cette inscription à l’Unesco ? Le Président de la République lors de son discours au Salon de l’Agriculture en 2008. Il s’est donc investi personnellement. Obtenir son patronage était donc important. Nous avons aussi un soutien institutionnel de poids : le Sénat et l’Assemblée Nationale avec le Club Parlementaire de la Table Française. Un jury composé de sénateurs et de députés décerne le Grand Prix de la Photographie du Patrimoine Gastronomique. Leurs regards sont liés à leurs circonscriptions et aux produits du terroir. Le but étant dans ce cas de mettre en valeur une recette, un produit, une cuisine qui a des racines culturelles et le photographe qui a été récompensé cette année a magnifiquement conceptualisé la Street Food. Il s’agit de Guillaume Ferrari avec ses trois photos : un cornet d’escargots, un burger de St Jacques et un hot-dog de homard ! Une vraie démarche créatrice et humoristique pour faire la promotion de bons produits, pour une cuisine de rue saine et raffinée, alternative qualitative à la malbouffe.

Fld : Quand dévoilez-vous le thème du Festival ?
J.-P. PJ S. : Il est choisi un an avant. L’an prochain, je peux déjà vous le donner, il portera sur un produit alimentaire emblématique, qui vit seul ou en ingrédient : il s’agit de l’œuf, mais pas uniquement de poule, mais tous les œufs… L’œuf est présent dans 80 % des recettes du patrimoine culinaire français. En Chine, il n’existe pas moins de 356 recettes d’œuf ! L’œuf, pour les cuisiniers, est quelque chose d’essentiel, de basique. Et c’est le chef triplement étoilé Pierre Gagnaire qui sera le parrain de l’édition 2012.

Fld : Les candidats proposent trois images. Est-ce suffisant pour statuer de leur travail ?
J.-P. PJ S. : Oui, car je considère qu’avec trois images on peut comprendre l’univers et le discours de l’artiste. Pour accompagner les œuvres, je donne au jury une sorte de fiche de lecture, un portrait le plus objectif possible de chaque artiste. Et puis chaque membre du jury donne son tiercé gagnant en argumentant ses choix. On fait alors le résultat du premier tour, jusqu’à un troisième tour si nécessaire. Pour le prix de l’Alimentation, le lauréat a été choisi dès le deuxième tour à une large majorité. En effet, le travail de Gildas Paré était très représentatif de l’idée de ce nouveau prix de la photographie liée à l’alimentation (le produit, l’humain et l’acte de consommation). Ce qui a été apprécié aussi, ce sont les légendes apportées à ses photos. Ce photographe a une vraie démarche anthropologique liée à l’alimentation, il a décidé de faire le tour de France et d’Europe et d’établir une sorte de cartographie alimentaire, or c’est un sujet qui passionne tout le monde.

Fld : Comment avez-vous choisi les lieux d’expo ?
J.-P. PJ S. : A Bercy Village, les photos sont mises en valeur, exposées en grand format, on est en extérieur et c’est un lieu public bien connu des Parisiens comme lieu d’exposition de photographies et ce durant toute l’année. Je connaissais déjà les lieux, j’avais organisé une exposition de photographies de Thomas Garçon d’un livre de recettes de Jean-Luc Petitrenaud. L’Espace Mobalpa est symbolique. Quoi de mieux que de retrouver et d’exposer des photographies culinaires dans un lieu tout entier dédié à la cuisine ? C’est le sens de ce Festival de démocratiser la photographie culinaire, de la faire entrer dans l’univers privé des gens. Nous y étions déjà présents l’an passé. Enfin, La Coupole. C’est une première pour nous. Nous parlons de cuisine de rue, il nous a paru intéressant d’exposer dans un lieu gastronomique et culturel français, connu dans le monde entier comme La Coupole.

Fld : Pourquoi le Festival a-t-il lieu en novembre ?
J.-P. PJ S. : Le FIPC s’inscrit dans un calendrier de manifestations riche à Paris pour la photo. Il se passe toujours quelque chose en novembre à Paris autour de la photographie. Cela veut donc dire que les professionnels, les collectionneurs et la presse sont présents à Paris en cette période de l’année. Il y a notamment Paris Photo et certains des photographes festivaliers y exposent également. C’est donc un bon moment pour le FIPC et puis on s’approche des fêtes de fin d’année, on pense aussi aux cadeaux…

Fld : Outre les prix, que gagnent les lauréats ? Palmarès du FIPC 2011
J.-P. PJ S. : Il y a tout d’abord l’exposition de leurs œuvres. Cela leur permet d’avoir la réaction des professionnels et du grand public face à leur travail. Et puis les lauréats sont sollicités. Cette année, par exemple, nous avons créé le Grand Prix Champagne Vranken/FIPC. J’ai contacté le groupe Vranken, Pommery, Monopole, très impliqué dans l’art contemporain. Il organise des installations d’art contemporain d’une très grande qualité au domaine Pommery, et également dans le cadre du Printemps de Cahors et à Toulouse, deux très importantes manifestations d’art contemporain. La photographie de la lauréate, Mathilde de l’Ecotais, fera l’objet de plusieurs parutions dans la presse française et étrangère. Cette année nous avions choisi pour thème : le champagne en ville. Les photographies du Prix Champagne sont exposées à La Coupole. Par ailleurs, les photographies de la compétition officielle seront présentées au Salon de l’Agriculture.

Fld : Dans le cadre de la transmission des savoirs, vous avez créé un prix jeunes talents...
J.-P. PJ S. : Oui, le Festival s’intéresse aussi à la formation. Le but est de sensibiliser les jeunes de l’importance de la place de l’image dans le culinaire et l’alimentaire et nous travaillons avec l’Ecole Gobelins, école de l’image et l’Ecole Ferrandi du culinaire, deux écoles consulaires de la CCIP, partenaire du FIPC. Des binômes sont créés dès la rentrée de septembre, un élève photographe/un élève cuisinier. Au total, vingt binômes travaillent sur le thème de la compétition officielle avec chacun un budget de 50 € pour réaliser une image. Les élèves sont très impliqués et ce travail entre dorénavant dans le cursus de formation des deux écoles. Nous avons le soutien plein et entier de la CCI de Paris, cela entre totalement dans une démarche d’éducation. A tel point que l’Ecole Gobelins devrait organiser pour les photographes professionnels un Master Class dédié à la photographie culinaire dès 2012.

Fld : Un nouveau lieu d’exposition est prévu, vous avez d’autres pistes de développement ?
J.-P. PJ S. : Nous sommes en effet en négociation avec un nouveau lieu pour exposer davantage d’œuvres. Les travaux des photographes culinaires évoluent sans cesse. Une des nouveautés, ce sont ces mini-vidéos dites les pom’s. L’an prochain nous remettrons un nouveau prix qui portera sur ces petites vidéos de 2-3 min maximum. A ce sujet, la lauréate du Grand Prix du FIPC de cette année, Isabelle Rozenbaum, a réalisé un web livre fantastique qui comporte nombre de ces petites vidéos. 

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