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arboriculture
Eviter la fatigue de sol

La fatigue de sol est un sujet émergent dans de nombreuses situations de replantation de vergers de pommier. Ce manque de vigueur des arbres est essentiellement lié à des déséquilibres au niveau du sol .

« Si des dégâts extérieurs sont visibles, alors il ne s’agit pas de fatigue de sol »

MICHEL GIRAUD, Ctifl

« La fatigue de sol est un phénomène complexe et multicausal », a souligné Michel Giraud, du Ctifl, lors des Entretiens techniques fruits au Sival. Elle se traduit par une baisse de vigueur et une chute de production durant les trois premières années. Elle ne doit pas être confondue avec le dépérissement. « Si des dégâts extérieurs sont visibles et qu’il y a mortalité des arbres alors il ne s’agit pas de fatigue de sol », souligne le spécialiste. Cette baisse de vigueur est liée à des déséquilibres du sol, des conditions agronomiques inadéquates et à un dysfonctionnement du système racinaire. « Elle n’est pas liée directement à des agents pathogènes, insiste l’ingénieur mais ceux-ci peuvent intervenir dans le processus et accentuer le phénomène ». Elle intervient toujours lors d’une replantation d’une même espèce sur la même parcelle. « Les symptômes ont souvent été observés lors de la troisième génération de pommier sur le même sol », note Nicola Dallabetta, de l’Edmund Mach Foundation, située dans la région de Trento en Italie.

Des causes agronomiques et biologiques

Un jeune plant introduit directement après un arrachage se retrouve dans un environnement défavorable à son développement. Le sol est souvent compacté par le passage successif de tracteurs et déstructuré par l’arrachage des plants. Dans certains cas, les résidus racinaires de la précédente plantation peuvent produire des toxines. « Le cas est avéré et connu en vergers de pêchers », note le biologiste du Ctifl. Après une monoculture pendant plusieurs dizaines d’années, le sol est souvent appauvri en matière organique et déséquilibré en minéraux. Ces trois facteurs diminuent la capacité d’enracinement des jeunes plants et donc leur vigueur. S’y ajoutent des causes d’ordre biologique. Une monoculture favorise le développement de micro-organismes parasites de faiblesse, responsables de nécroses racinaires. La sensibilité des plants à ces parasites de faiblesse est accrue par des déséquilibres de la microflore bactérienne. Parfois, mais pas systématiquement, la présence de nématodes et de champignons pathogènes est aussi accrue. Les plants dont les racines sont ainsi nécrosées perdent leur capacité à s’alimenter. Mal alimentés, les plants s’enracinent mal et donc leur vigueur est faible. « C’est un cercle vicieux », conclut Michel Giraud. « Une des clefs du problème est la vie du sol », ajoute Nicola Dallabetta. Les solutions sont donc essentiellement agronomiques. Décompaction et apport de matière agronomique pour une structure aérée du sol. Retrait d’un maximum de racines et plantation en dehors du rang précédent pour éviter les problèmes de toxines. « L’idéal serait un repos du sol pendant au minimum cinq ans ou une rotation », ajoute Michel Giraud.

Planter ses fruitiers sur substrat

Economiquement, le repos du sol pendant plusieurs années est difficile pour les producteurs. « La replantation dans l’inter-rang n’est pas possible avec des structures paragrêle, note Claude Coureau, de La Morinière. Il faudrait inventer des structures mobiles ». D’où l’idée de changer le sol sur le rang. « L’échange de terre entre celle du rang et celle de l’inter-rang donne des résultats insuffisants », explique Philippe Guignebault, de La Morinière. En revanche, l’utilisation de substrat dans le trou de plantation s’est avérée être la méthode la plus efficace parmi toutes celles testées par la Morinière. En essai, sur six variétés de pommes et deux de poires, cette méthode a permis dans tous les cas un gain de vigueur par rapport à une replantation dans un sol fatigué. « Les gains de croissance sont différents selon les variétés et la qualité des plants, fait remarquer le spécialiste de La Morinière. Ils ont varié de + 22 % à + 166 %. Plus la croissance est faible dans la parcelle témoin, plus le substrat a un intérêt ». Sur une parcelle de Bigigalaprim®cov clone Jugala, la production a été supérieure de 7 t/ha en deuxième pousse mais équivalente en troisième pousse. Sur Opal® UEB 32642cov en deuxième feuille, la différence est de 3 t/ha. L’incidence sur le développement racinaire est visible avec un chevelu plus développé et plus dense dans la modalité avec du substrat. Le substrat testé était composé de 40 % de tourbe blonde baltique, 30 % de tourbe noire, 20 % de compost végétal et 10 % de terre végétale. Plusieurs méthodes d’apports ont été testées : ajout dans le trou de plantation, enfouissement sur le rang ou dépôt dans une rigole de 30 cm sur la ligne de plantation. Elles ont toutes le même effet sur la croissance des arbres. L’ajout dans les trous de plantation est la plus économique puisqu’elle nécessite seulement de 60 à 70 m3/ha de substrat contre 150 m3/ha pour les deux autres. « Un apport conséquent est toutefois nécessaire pour voir un effet, note l’expérimentateur. A 15 litres de substrat par arbre, les effets sont moindres qu’à 30 l/arbre ». L’ajout d’engrais à libération lente ou de fertirrigation n’ajoute pas d’effet à celui du substrat. Même observation pour la mycorhization. « L’apport de substrat améliore la structure du sol et permet un réchauffement plus rapide, explique Philippe Guignebault. Mais l’irrigation est indispensable, sinon les racines se dessèchent ».

La perte de vigueur, un problème à surveiller

Les problèmes de vigueur végétative concernent 14 % des 123 personnes ayant répondu à l’enquête sur les sols organisée par le GIS Fruits. Mise en ligne de juillet à octobre 2016, cette enquête avait pour objectif de recueillir les observations de terrain sur les problématiques liées au sol. Les 123 réponses exploitables proviennent pour plus de la moitié de producteurs et l’autre de conseillers techniques de tous les bassins de production. Les réponses concernent pour un petit tiers les fruits à noyaux et pour les deux tiers les fruits à pépins. Si le problème de vigueur végétative est le premier problème cité, il n’est pas considéré comme le plus préoccupant. Une analyse plus complète des données est attendue au printemps 2017.

Trois leviers pour réduire les symptômes de fatigue du sol

  1. 1 Qualité sanitaire des plants

    « Un plant faible aura une moindre capacité à résister aux stress », rappelle Sandrine Codarin, du Ctifl. La qualité du matériel végétal est donc un aspect à ne pas négliger à la plantation. La qualité des plants se juge à la hauteur et au diamètre du tronc, au nombre d’anticipés et au développement du système racinaire. Les plants CAC répondent aux exigences européennes d’absence de maladies de quarantaine et de maladies de qualité par des observations et analyses éventuelles faites par les pépiniéristes et les SRAL.

  2. 2 Conserver un ratio entre biomasse aérienne et souterraine

    Beaucoup de plants sont vendus avec des ramifications pour une mise à fruit précoce. « Or ces plants ont un ratio entre leur biomasse aérienne et leur biomasse souterraine supérieur à un », selon Nicola Dallabetta, de l’Edmund Mach Foundation (Italie). Le système racinaire est donc sous-dimensionné par rapport aux besoins de la canopée. Pour retrouver un équilibre, il est conseillé de sélectionner des ramifications lors de la plantation. « La taille doit donc être courte mais pas trop ».

    1. 3 Repos du sol

      Attendre quelques années avant de replanter son verger reste la solution la plus facile à mettre en oeuvre. « Après deux ans de repos, la vigueur des arbres est supérieure d’un tiers par rapport à une replantation immédiate à l’issu de la première année », note Philippe Guignebault, de La Morinière. Un repos de sept ans a donné de meilleurs résultats sur la vigueur et les rendements en Italie qu’un changement de porte-greffe. Un repos d’un an avec semis d’engrais verts, notamment du sorgho du Soudan, donne des résultats contrastés selon les parcelles.

AVIS DE PROFESSIONNEL

JEAN-RENÉ GOURDON, entreprise Dalival

La réussite de la plantation conditionne les volumes de rendements des premières années

« Nous conseillons à nos clients arboriculteurs de prendre des mesures agronomiques au moment de la plantation pour limiter les symptômes de fatigue du sol. Avant toute plantation, il faut semer des précédents culturaux type : tagete, seigle, sorgho du soudan ou encore moutarde ou phacélie. Puis, au moment de préparer le sol, il faut faire des analyses de sol. Une quinzaine de prélèvements sont à faire par parcelle à 20 cm et 30 cm de profondeur. Il est important de demander le taux de calcaire actif afin de pouvoir affiner les amendements. La structure des sols doit être améliorée par un décompactage, un apport de matière organique, un passage de roto bèche et deux passages de herse rotative. De bonnes conditions météorologiques sont nécessaires pour ces opérations. Les rangs peuvent être recouverts d’un film plastique. Cette technique permet de planter les jeunes arbres au meilleur moment sans avoir un sol détrempé. A la réception des plants, il faut les stocker en chambre froide à 2°C et les arroser trois fois par semaine ou en jauge dans du sable. Plus la plantation se fait tôt après réception des plants, moins le risque de mortalité est élevé. Juste avant la plantation, il faut ôter les bâches et préparer le système racinaire. Les racines ne sont pas à couper sévèrement, il s’agit surtout de placer le manchon antilapin. Autre étape importante, notamment dans les régions du Sud : l’hydratation des arbres par immersion totale pendant 48 heures. Idéalement, il est préférable de planter mécaniquement. Juste après la plantation, le sol au pied des arbres doit être tassé. Il faut ensuite installer le palissage et le système d’irrigation afin de pouvoir irriguer les arbres le plus rapidement possible ».

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