Melon - Sud-Est
Etablissements J. Meffre ou la notoriété d’une marque
Dans le Comtat Venaissin, plusieurs entreprises spécialistes du melon ont bâti leur notoriété sur le nom de leur fondateur, sans oublier d’évoluer pour s’adapter aux règles du commerce moderne. Retour sur l’évolution des établissements J. Meffre.



La société Meffre est née en 1936 à Monteux, fondée par Julien Meffre pour commercialiser les melons de son père producteur. En 1962, la SA J. Meffre voit le jour avec cette seconde génération. Entre-temps, le gel de 1956 est passé par là. La société – qui à l’origine travaillait également les olives – va se concentrer sur le commerce de fruits et légumes et plus particulièrement le melon qui se trouve à Monteux dans son bassin naturel de production. En 1973, Alain Meffre prend la succession de ses parents et insuffle un élan nouveau à l’entreprise.
Aujourd’hui J. Meffre ce sont quatre produits : le melon, la fraise, la cerise et le raisin. En ce qui concerne le melon, l’entreprise table, pour cette saison, sur 7 000 t de produits. « Sur le melon de saison, nous combinons les origines et les modes de culture, explique Alain Meffre. Nous avons commencé à la mi-mai avec le melon espagnol de serres. Nous continuerons avec le melon de serres provençal avant de retourner en Espagne pour les premiers melons de plein champs avant de revenir sur le melon de plein champ du Sud-Est. A fin juillet-début août quand les melonnières du Sud-Est sont écrasées par la chaleur, nous partons alors dans le Gers et dans les Alpes. Au final, la période de commercialisation s’étale de début mai à fin octobre pour le melon de saison. »
En dépit des difficultés conjoncturelles d’une saison qui débute de manière chaotique, cette année le potentiel de l’entreprise sera en progression. « Bien sûr qu’il faut y croire, souligne Alain Meffre. Il est bien connu que “qui n’avance pas recule”. L’enjeu, aujourd’hui, est d’intéresser et de fidéliser la clientèle avec de gros volumes. Qui n’a pas ce potentiel est forcément en stagnation. »
L’entreprise ne compte pas beaucoup d’apporteurs, six au plus, mais s’est lancée dans la production. « Nous travaillons entre 150 et 200 ha dans le Sud-Est et environ 50 ha dans le Sud-Ouest. Nous avons mis en place un partenariat avec les producteurs dans le sens où nous les aidons financièrement pour la mise en culture ou encore pour la mécanisation des cultures. En échange de quoi, nous commercialisons tous les volumes. C’est vrai, que c’est un métier différent. Mais, par exemple, ces petits producteurs qui détenaient de petites surfaces de 2 ou 3 ha, qui étaient la charpente de la production locale dans le Sud-Est, sont de plus en plus nombreux à s’arrêter. Par ailleurs, il faut bien admettre que la production de melon est de plus en plus intensive. La logique de diminution des coûts de production amène à travailler sur des modèles de cultures plus mécanisées. Tout cela a fait que nous nous sommes investis à l’amont pour garder le potentiel évoqué précédemment. »
La qualité optimale permet de fidéliser les clients
En Espagne (Alicante, 20 ha de serres et 50 ha de plein champ), dans le Sud-Est ou dans le Gers, les melons sont produits selon un cahier des charges propre à l’entreprise. « Nous faisons partie du groupe Melon Plus, qui réunit plusieurs expéditeurs locaux pour mettre en commun les services d’une technicienne qui suit les différentes étapes de la culture et vérifie le respect du cahier de charges de production. L’objectif est de parvenir à une qualité optimale afin que le consommateur puisse reconnaître nos marques de melons et de le fidéliser. »
Un cahier de charges de production doit prendre en compte l’indispensable évolution variétale. « Nous sommes effectivement très attentifs à l’évolution variétale et nous testons de nouvelles variétés toutes les années. Ceci étant, même si elles ne sont pas très nombreuses, il faut admettre qu’un grand pas a été franchi avec des nouveautés dont le Luna, qui nous ont exonérés des problèmes de vitrescence. Nous sommes maintenant sur des variétés qui posent peu de problèmes tenant à la conservation et au transport. En contrepartie, je déplore quand même qu’elles ont perdu en arôme et en saveur par rapport aux variétés anciennes. Je pense que c’est irréversible et que nous ne reviendrons pas aux variétés de nos parents ou de nous grands-parents. »
En 2013, 25 ha seront plantés en bio
En revanche, la pression sociétale et l’envie des consommateurs ont conduit l’entreprise à s’intéresser au bio et, pour cela, 25 ha seront plantés en 2013 conduits en AB. L’entreprise Meffre est engagée dans la démarche “Engagement producteur contrôlée” (EPC) qui garantit par un triple contrôle (chez les producteurs qui sont tous certifiés GlobalGap, en station et en externe par Ulase) une traçabilité du produit de la parcelle au conditionnement, des fruits récoltés au stade optimal de maturité et une production, respectueuse de l’environnement, conduite en agriculture raisonnée. Les melons produits en Espagne – comme ceux qui le sont dans le Gers – sont ramenés en pallox et tous conditionnés dans les deux stations de l’entreprise, à Monteux et Pernes-les-Fontaines. « Nous faisons en sorte d’équilibrer le travail entre les deux sites car il n’y a pas vraiment de spécialisation de l’un ou de l’autre. De plus il serait irrationnel d’ouvrir une troisième station dans le Gers pour ne travailler que deux mois par an. » A moyen terme, Alain Meffre songe d’ailleurs à transporter l’activité du site de Monteux, devenu très enclavé pour avoir été rattrapé par le centre-ville, à Pernes-les-Fontaines où les réserves foncières permettent l’extension des bâtiments existants. Et à l’heure du Grenelle de l’Environnement, la question de l’empreinte carbone s’est posée. « Nous avons été sensibilisés par un de nos client. Il est vrai que faire venir des melons de République dominicaine coûte cher en kérosène. De ce fait, nous avons adhéré à l’association Forest Avenir et parrainé une plantation durable dans le Sud de la France. » De ce fait, tous les cartons portent la signature “J’ai planté contre l’effet de serres” et une explication de cet acte.
A leur arrivée les melons subissent un passage au tri infrarouge. « Le taux de sucre n’est qu’un élément pour obtenir un bon melon. Il y a également la texture, les arômes ou la saveur de la chair. » L’entreprise dispose de quatre marques : Le Ruban (fer de lance de l’entreprise qui n’admet que la sélection de melons très qualitatifs issus de la première passe sur les parcelles), Meffre, Pétanque (la plus ancienne) et Melonnière alors que « le pourcentage de MDD est anecdotique. En dépit des demandes de la distribution, il est encore possible de maintenir une marque en propre. »
Meffre innove
J. Meffre va proposer un nouveau conditionnement : une boîte carton (pour des melons de calibre 12) dotée de deux anses pour un transport facile. Ces boîtes seront logées dans un emballage de couleur rose fuchsia pour une meilleure identification de la marque. L’étape suivante sera d’imprimer des fiches conseils sur cet emballage. « C’est en projet car les petites entreprises doivent gamberger pour sortir de l’ordinaire. Pour l’heure, nous nous contentons de distribuer un peu de PLV auprès de grossistes. » Des grossistes spécialisés qui représentent environ 30 % des débouchés commerciaux, pour 40 % en GMS et 30 % à l’export (Italie, Belgique, Allemagne, Royaume-Uni et même… Espagne). Alain Meffre s’est aussi interrogé sur les circuits plus courts : « Cela me paraît difficile dans notre région. Il y a beaucoup de concurrence et les producteurs sont nombreux à vendre en direct. »
Quant à l’avenir du melon dans le Sud-Est, Alain Meffre analyse la situation avec lucidité : « Elle me paraît délicate, en raison de la concurrence de régions où le melon est produit de manière plus intensive. Ici, et en particulier dans le Comtat Venaissin, nous n’avons pas d’étendues de terres pour une culture à grande échelle. » La région a-t-elle raté le coche en ne se dotant pas de signe de qualité ? « Est-ce que c’est valorisant pour les gros opérateurs ? Je n’en suis pas sûr. Dans le melon, il y a toujours eu un phénomène de marque et des stratégies qualité propres aux entreprises. Plus que jamais, le melon, dans l’avenir sera affaire de spécialistes. On ne pourra plus faire comme avant et nous ne pouvons plus vivre à travailler deux mois par an comme des saisonniers. Maintenant, il faut travailler toute année », conclut Alain Meffre.