Production et industrie
Eric Delacour, président du Gappi : « Notre modèle économique va craquer ! »
La nouvelle campagne démontre tout l'intérêt de la contractualisation. En revanche, les prix bas observés ne doivent pas servir de prétexte à négocier les futurs contrats à la baisse !
Les exportations stagnent et la consommation fléchit dans des proportions inquiétantes.
Nombreux sont les opérateurs à redouter cette campagne. Tous les indicateurs sont au rouge, ouvrant la porte à “cette campagne de tous les dangers” pressentie depuis plusieurs années et qui pourrait même laisser quelques opérateurs au bord de la route ! Jamais de mémoire de “patatiers” français, on n'avait connu une telle situation. De gros rendements attendus, aucun accident climatique survenu dans les cinq plus gros pays producteurs, un embargo russe, une propension des agriculteurs européens à toujours emblaver plus et des cours qui flirtent à des niveaux jamais vus en début de campagne… Sans compter que nos exportations stagnent et que notre consommation fléchit dans des proportions inquiétantes. Les dernières campagnes avaient été annonciatrices. Mais les marchés de l'Europe de l'Est (2011), anglais (2012) ou italiens (2013) avaient absorbé nos excédents de production. Aujourd'hui, rien ne prouve que ceux-ci pourront être dégagés à l'export (1 Mt en Europe, dont la moitié en France, selon l'UNPT). « On est à un tournant de la production de pommes de terre », estime Eric Delacour, le président du Gappi* qui n'hésite pas à prévenir : « notre modèle économique va craquer ! ». Le représentant des 800 producteurs français contractualisant avec McCain lance donc un message très clair à l'industriel ainsi qu'à ses clients. A l'industriel : « Les prix excessivement bas ne justifient en aucune manière une baisse des prochains prix de contrats. On a déjà payé la facture. » Et aux chaînes de fast-food : « elles ne doivent pas s'imaginer qu'un industriel comme McCain s'approvisionne sur la base de 10 €/t ! » En effet, « si le marché actuel montre les effets bénéfiques de la contractualisation, l'industriel achète ses tubercules à environ 80 €/t sur la base d'un contrat/ha et d'un rendement moyen de 55 t/ha ». Car les contrats/ha signés pour 2013-2014 (environ 86 % des contrats signés) intègrent un système de prix fixe et de prix mini-maxi, le reste (“le libre”) étant payé sur la base d'une cotation hebdomadaire (moyenne de quatre cotations européennes) qui se situe aujourd'hui à environ 20 €/t. Le message envoyé par le président du Gappi est donc clair : « Il ne faut pas que les GMS s'imaginent que l'industriel nous achète des tubercules à 10 €/t ! » Du moins les industriels français, car outre-Quiévrain, les pratiques sont sensiblement différentes.
* Groupement d'agriculteurs producteurs de pommes de terre pour l'industrie.