Equateur : production latitude zéro
Très diversifiée, la production équatorienne de fruits et légumes a deux visages. L’un tourné vers l’exportation, l’autre centré sur le marché local et l’autosubsistance.
Très diversifiée, la production équatorienne de fruits et légumes a deux visages. L’un tourné vers l’exportation, l’autre centré sur le marché local et l’autosubsistance.
Traversé par la Cordillère des Andes qui descend d’un côté vers le Pacifique et de l’autre vers le bassin amazonien, l’Equateur s’étage du niveau de la mer à plus de 6 000 m d’altitude et est soumis à plusieurs influences climatiques. Comptant de ce fait une multitude de microclimats, le pays produit aussi bien des fruits et légumes tropicaux que des variétés des régions tempérées qui, pour certaines, donnent plusieurs récoltes par an contre une seule dans leur contrée d’origine. C’est par exemple le cas du raisin.
Les petites exploitations vivrières cohabitent avec de grandes plantations axées sur l'export.
Par ailleurs, la situation équatoriale venant tempérer les effets de l’altitude, il est possible de cultiver bananes, fraises, avocats, agrumes et mangues jusqu’à 2 000 m. Mais ce climat n’a pas que du bon. « Depuis quelques années, les saisons sont encore moins marquées qu’avant, peut-être un effet du réchauffement climatique. Le temps est aussi plus irrégulier. En octobre 2015, la grêle a fait des dégâts comme jamais et désormais il nous arrive d’avoir les quatre saisons dans une même journée, ce qui n’est pas sans conséquence en période de floraison ou pour la dormance des végétaux », note Jorge Duran, ingénieur agronome près de la capitale, Quito, située à 2 600 m d’altitude.
Des cultures jusqu’à 3 500 mètres d’altitude
Appelée Sierra par les Equatoriens, la région des hauts plateaux andins est le berceau du pays. Cultivée depuis toujours jusqu’à 3 500 m d’altitude, elle abrite plus de 560 000 des 800 000 agriculteurs du pays et ne compte pratiquement que des exploitations d'un à dix hectares. Très diversifiées, elles visent l’autosubsistance et l’approvisionnement des marchés de proximité. Les plus petites ne vendent que leurs surplus, les autres ont une approche plus commerciale et passent d’une production à l’autre en fonction des prix qui peuvent fluctuer de manière importante en fonction de la concurrence des pays voisins, la Colombie et le Pérou. Si l’on excepte la pomme de terre et le haricot rouge, aliments traditionnels des populations andines, les légumes les plus communs sont le chou, la laitue, l’oignon, la tomate et le concombre, cultivés depuis la colonisation. Dans les années soixante, sont venus s’y ajouter la carotte, le haricot vert et le petit pois. Puis, il y a une quinzaine d’années, sont apparues des productions spécialement destinées à l’exportation comme l’asperge et le brocoli, ce dernier étant exporté congelé par des entreprises agro-alimentaires équatoriennes. En ce qui concerne les fruits, s’il se produit des pommes, poires, pêches, cerises, abricots, les deux variétés les plus cultivées dans la Sierra sont propres à l’Amérique latine. Le tamarillo ou tomate d’arbre, et le narangille ou morelle de Quito, petit fruit rond de couleur orangée.
Exploitation intensive des terres
La filière fruits et légumes des Andes souffre toutefois de gros handicaps structurels. « L’extrême morcellement des terres et les difficultés rencontrées par les petits paysans pour avoir accès au crédit limitent la mécanisation, la modernisation et par voie de conséquence les rendements et la rentabilité des fermes. Le niveau d’instruction est faible, moins de 10 % ayant fait des études secondaires, alors diffuser les nouvelles techniques agronomiques demande du temps », souligne Jorge Duran. Des siècles d’exploitation intensive des terres entraînent érosion et appauvrissement des sols dans certains secteurs. Enfin, l’irrigation est encore insuffisante. A cela vient s’ajouter depuis ces dernières années un recul des formations et des soutiens de l’Etat qui a vu son budget gravement amputé par la baisse des cours du pétrole, sa principale source de devises.
L’autre monde des grandes plantations de bananes
Manque de moyens et de technicité sont aussi d’actualité pour les agriculteurs du bassin amazonien qui sont pénalisés par l’enclavement et l’éloignement des grands centres de consommation. Ils produisent avant tout pour subvenir aux besoins locaux et seules quelques productions sont acheminées dans d’autres régions, bananes, bananes plantain et agrumes. Sur la Costa, la plaine littorale au climat tropical bordant le Pacifique, c’est un autre monde, celui des grandes plantations de bananes, de mangues, de fruits de la passion, dont l’Equateur est le principal producteur en Amérique du Sud, d’ananas et depuis une dizaine d’années de coeurs de palmiers dont il est aujourd’hui l’un des plus gros producteurs au monde. Des exploitations de taille moyenne y cultivent aussi melons et pastèques ainsi que quelques légumes, en particulier tomates et oignons. Très mécanisées, utilisant largement les intrants, les grandes plantations axées sur l’exportation peuvent compter sur l’appui de filières très structurées menant elles-mêmes prospections commerciales, recherche agronomique et génétique. Les petits agriculteurs engagés dans ces productions fruitières parviennent eux aussi à profiter des opportunités offertes par l’exportation en se regroupant en coopératives et en passant par l’Empresa Publica Unidad Nacional de Almacenamiento (UNA EP), créée en 2007, qui leur apporte des solutions de stockage et de commercialisation pour le marché domestique ou international.
Thierry Joly
Exportations dans le monde entier
Peu nombreuses, les exportations de légumes se limitent aux pays limitrophes, hormis les coeurs de palmiers qui ont pour principal débouché la France. Faisant vivre 120 000 paysans, sans compter la banane, la production fruitière est par contre en majorité exportée. Bananes, mangues, fruits de la passion et ananas constituent le plus gros des volumes. Sont également expédiés à l’étranger papayes, agrumes, tamarillos, avocats, goyaves, corossols, kiwis, etc... Les plus gros marchés sont les Etats-Unis, principal partenaire commercial du pays, l’Union européenne, puis l’Amérique latine. Cependant, le premier acheteur de bananes équatoriennes est aujourd’hui la Russie et de gros volumes partent aussi en Turquie, Iran, Arabie Saoudite, Japon et Chine où sont en outre depuis peu vendues des mangues.
La banane, fruit roi
La banane est l’une des principales sources de devises de l’Equateur qui, avec 7,4 Mt par an, est le 5e producteur mondial et aussi le premier exportateur avec 6 Mt. Si des variétés qualitatives sont cultivées en Amazonie, celles qui se retrouvent à l’étranger proviennent essentiellement de grandes plantations de la Costa où se trouvent près de 180 000 ha sur les 220 000 ha dédiés à ce fruit. Pour éviter surproduction et effondrement des prix, toute nouvelle plantation est soumise à autorisation des autorités. Une contrainte que la filière voudrait voir disparaître pour répondre à la demande mondiale. 40 % de la production est assurée par les 5 % d’exploitations faisant plus de 100 ha. Il s’agit en quasi-totalité de plantations aux mains ou sous le contrôle de l’entreprise équatorienne Noboa, connue pour la marque Bonita, et des multinationales américaines Dole, Chiquita et Del Monte. Ce sont elles, tout autant sinon plus que le gouvernement équatorien, qui ont fait pression sur l’OMC pour que l’UE ouvre ses frontières à ces bananes. 30 % de la superficie bananière est toutefois exploitées par quelque 5 000 petits agriculteurs qui vendent leur production aux grands groupes exportateurs ou qui l’écoulent via l’UNA EP.
EN CHIFFRES
SAU : 7,5 millions d’ha Surface cultivée : 2,6 millions d’ha Banane : 220 000 ha Autres fruits : 170 000 ha.