Plants de contrefaçon
Droits d’obtention, plants fermiers : l’impasse
Certains obtenteurs ont poursuivi en justice des producteurs et marquent leur volonté de faire respecter “le droit de l’obtenteur”. Ils rappellent que le variétal a permis de développer le marché. Les jugements sont rendus publics alors que les négociations sur le plant fermier sont dans l’impasse.
Une dizaine de producteurs de pommes de terre marnais viennent de faire l’objet d’une publication judiciaire dans la presse à l’issue des jugements rendus en première instance en mars et avril 2006 par le Tribunal de Grande Instance de Paris. En outre, quatre à cinq autres producteurs ont préféré la transaction plutôt que la voie judiciaire, ce qui est habituellement le cas dans ce genre de dossier. Les jugements rendus en première instance font l’objet d’un appel.
Les plaintes concernaient un ou plusieurs obtenteurs suivant les dossiers et avaient été déposées en avril 2002. Il s’agit d’Agrico, de Germicopa, d’HZPC Holland ainsi que le GIE Station de Recherche du Comité Nord. Ces quatre obtenteurs reprochaient aux producteurs “d’organiser la contrefaçon de plants sauvages”. La Sicasov (qui gère les droits des obtenteurs) vient tout récemment de déposer de nouvelles plaintes concernant sept producteurs de Seine-Maritime.
Patrick Trillon, président de l’UNPT, vient de préciser que son organisation “a toujours rappelé à ses producteurs l’importance de s’acquitter des droits d’obtenteurs pour le financement de la recherche et qu’il convenait de respecter la réglementation en vigueur”.
Si de telles poursuites ont déjà eu lieu dans le passé, c’est la première fois que les obtenteurs vont si loin dans une procédure judiciaire, alors que dans le même temps les agriculteurs condamnés refusaient les transactions, entraînant de fait leur condamnation et la publication de jugements nominatifs.
Barrage aux tricheurs
Les quatre obtenteurs signifient ainsi leur volonté de “faire barrage aux tricheurs, de mettre sur un même niveau de concurrence l’ensemble des producteurs français en permettant de gérer au mieux l’adéquation offre/demande entre la production de plants et leurs débouchés sur le marché de la consommation. Cette action permet également de préserver l’état sanitaire de nos zones de production”, souligne Pierre Huchette, le président-directeur général de Huchette-Cap-Gris-Nez.
Les obtenteurs reprochent ainsi aux producteurs “d’avoir multiplié, produit, stocké hors de leur exploitation ou vendu des variétés protégées”… Les variétés concernées sont Charlotte, Agata, Monalisa (trois variétés sous protection nationale et totalement interdites à l’autoproduction), ainsi que Franceline. Charlotte et Monalisa devaient d’ailleurs tomber dans le domaine public en 2006, mais elles se sont vues prolonger leur protection jusqu’en 2011.
Les négociations sont au point mort
Les premiers jugements ont permis aux obtenteurs de réunir environ 750 000 euros de dommages et intérêts, “qui iront à la promotion des variétés, une fois les frais juridiques acquittés”, souligne-t-on du côté des obtenteurs concernés.
En 2002, à l’instigation des obtenteurs, le collectif “Carton Jaune” se créait en regroupant d’autres partenaires de la filière, notamment la FNPPPT, la FCD, Intermarché, Leclerc ou des négociants comme Ammeux ou Parmentine…
Car les obtenteurs souhaitent également impliquer la grande distribution dans leur combat. “Ils ont tous le devoir de s’interroger sur la provenance des tubercules mis en rayon qu’ils affirment tracés et cultivés selon les pratiques de l’agriculture raisonnée : cela commence déjà par l’utilisation de plants certifiés”, souligne Pierre Huchette.
Ces publications interviennent enfin au moment où les négociations sur l’encadrement de la production de plants fermiers sont au point mort. Tout se passe comme si chacune des parties attendait le vote final de la loi française sur les obtentions végétales votées au Sénat le 2 février dernier et qui attend toujours son passage devant les députés.