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Désormais acté, le Brexit va rebattre les cartes de l’import

Fin mars, le Royaume-Uni a confirmé son départ de l’Union européenne. Les conséquences pour la filière fruits et légumes sont encore à venir. Les inquiétudes françaises sont connues. Mais que dit-on de l’autre côté de la Manche ? Et comment pourrait s’articuler une nouvelle relation avec le Royaume-Uni après le Brexit ?

Le 29 mars dernier, une période d’incertitude s’est close : en envoyant la lettre de mise en œuvre de l’article 50 du traité de Lisbonne, Theresa May, Premier ministre du Royaume-Uni, a confirmé le retrait de son pays de l’Union européenne. Et une nouvelle séquence s’ouvrirait : comment vont s’organiser désormais et à l’avenir les relations commerciales entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, spécialement sur les fruits et légumes ? Trop tôt pour tirer des conclusions bien que certains sujets impacteront l’avenir : cours de la livre sterling face à l’euro, évolution de la production britannique et dans deux ans, si tout se passe bien, les modalités de l’accord commercial entre la perfide Albion et le bloc européen.

Interrogations en Europe

Même si le marché anglais est devenu d’année en année plus difficile, il demeure important pour certaines lignes de produits français. Selon FranceAgriMer (sources Douanes françaises), la carotte (20 % des importations), la salade (19 %) et le chou-fleur (16 %) forment le trio de tête de la présence française en légumes. Côté fruits, évidemment, la pomme est prédominante (24 % des importations). La France est aussi présente sur la poire, la cerise ou la prune (9 %). Pour les opérateurs français, c’est toujours l’interrogation sur les conséquences qui prévaut. Ce n’est pas une bonne nouvelle qui intervient dans le contexte d’un embargo russe appelé à durer. Ainsi lors de la dernière assemblée générale de la Sica Saint-Pol-de-Léon (dont 20 % de ses exportations de choux-fleurs se font avec le Royaume-Uni), Jean-François Jacob, président de la Sica, n’avait pas caché son inquiétude : « On n’en mesure pas encore l’impact, mais notre capacité d’exportation va s’en trouver diminuée ».

D’autres produits sont aussi impactés par le Brexit : c’est le cas, peut-être moins connu, de la cerise en saumure. Coopfruit Luberon évoquait le sujet lors de son assemblée générale. Alors que sa branche industrie avait connu une année 2016 satisfaisante, les chiffres étaient en baisse pour ce produit. Et comme on pouvait l’imaginer, le déroulement de la procédure du Brexit interpelle aussi l’Europe des fruits et légumes.

Ainsi, Rafael Dominguez, directeur de l’Association des producteurs et exportateurs de fraises de Huelva, expliquait dernièrement : « Le Royaume-Uni reçoit 40 % de notre production. Personne ne connaît les effets que la sortie de l’Europe aura pour la filière. La meilleure alternative serait de signer un traité sur le commerce, mais aussi dans ce cas, cela ne signifierait pas l’exclusion de droits d’entrée. Ce qui entraînerait un préjudice économique important pour tous les producteurs ».

Production locale et libre-échange

Face à cela, de l’autre côté de la Manche, on plaide pour une continuité des relations avec les Européens. Pour la distribution anglaise, cela coule de source. Ce qui n’empêche pas de sacrés questionnements outre-Manche. Helen Dickinson, directrice générale de BRC (l’équivalent britannique de la FCD), a bien résumé la situation : « Le Royaume-Uni bénéficie de l’un des marchés de détail les plus ouverts, dynamiques et compétitifs au monde. Il permet aux consommateurs de bénéficier d’un choix important. Les détaillants continuent de se concentrer sur l’offre à leur clientèle jour après jour. Quitter l’UE sera un processus compliqué et long. Un large éventail de règles, de politiques et de règlements de l’UE qui affectent les détaillants britanniques sera examiné. Dans ce contexte, il existe un certain nombre d’opportunités et de risques. Il existe un potentiel d’importations moins coûteuses sur les produits du reste du monde, mais il pourrait y avoir de nouveaux coûts et des normes différentes entre le Royaume-Uni et l’UE. » C’est du côté production que l’inquiétude est la plus probante. Laurence Olins, président de British Summer Fruit (interprofession britannique des fruits rouges) soulignait dans le quotidien The Guardian, les premières difficultés rencontrées dans le secteur : « À cause de la baisse de la livre sterling face à l’euro, d’environ 12 %, les employés qualifiés sont moins attirés par le Royaume-Uni. Nous perdons en qualité de main-d’œuvre ». La filière fruits britannique emploie environ 29 000 travailleurs saisonniers, principalement des Roumains, des Bulgares. Les craintes se portent surtout pour les campagnes 2018 et 2019.

En l’absence de solutions, Laurence Olins redoute « que des producteurs déplacent leur activité ailleurs, en France ou dans d’autres pays européens ». Certes, mais d’un autre côté, Thanet Earth (au capital duquel on retrouve entre autres l’anglais Fresca Group Ltd et le hollandais Rainbow Growers) a confirmé fin mars la construction d’une nouvelle serre de culture de tomates et de concombres sur son site du Kent qui couvre déjà 90 ha et dont la production représente, à elle seule, 12 % de la consommation de tomates dans le pays. Pas de surprise ici : le Royaume-Uni cherche à développer un approvisionnement “Made in Britain”, comme en France avec l’origine locale.

Brexit : quels gagnants, quels perdants en fin de compte ?

La banque néerlandaise Rabobank a évalué l’évolution des quotas d’importation (européens ou britanniques) qui émergeraient d’un nouvel accord commercial entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Elle en a tiré trois scénarios.

Scénario 1 : l’option “flux commerciaux gelés”

Les quotas d’importation seraient au niveau des flux commerciaux actuels. Des tarifs s’imposeraient sur des flux supplémentaires.

Les gagnants : les producteurs anglais bénéficieraient d’un meilleur taux de change £/€ et d’un marché intérieur fort.

Les perdants : les pays espérant augmenter leurs exportations vers le Royaume-Uni et les exportateurs britanniques.

Scénario 2 : l’option protectionniste

Les quotas d’importations sont inférieurs aux flux actuels. Les tarifs s’imposent sur toutes exportations hors quotas.

Les gagnants : les producteurs anglais bénéficiant d’un marché protégé par les tarifs à l’importation.

Les perdants : les exportateurs européens et anglais, les consommateurs anglais (hausse des prix au détail).

Scénario 3 : l’option “la Grande-Bretagne globalisée”

Aucun tarif à l’importation.

Les gagnants : les exportateurs des pays tiers, les consommateurs britanniques.

Les perdants : les producteurs britanniques et les exportateurs européens dans un marché intérieur beaucoup plus compétitif.

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