Focus en Pays de Loire
Des aides régionales pour “manger local”
Pour répondre aux attentes sociétales, la région des Pays de Loire octroie des aides pour développer de nouveaux circuits de proximité. Focus à travers la tomate, le concombre et la fraise.



La région des Pays de Loire s'investit largement depuis trois ans dans le financement de projets structurant la restauration collective. Plusieurs leviers sont actionnés. Depuis 2010, plus de 422 000 € ont été distribués via des appels à projets qui ont concerné dix-sept programmes. En 2012, par le Fonds régional d'études stratégiques et les nouveaux contrats de régions, les Pays de Loire ont aussi apporté financièrement leur soutien à six territoires pour un montant de plus de 342 000 €. Il s'agit par exemple de structurer l'approvisionnement en partenariat avec des producteurs locaux ou encore de subventionner des études de structuration de circuits alimentaires de proximité. Pour bénéficier de subventions, l'adhésion des collectivités à la charte régionale est un préalable. Cette charte formalise les notions de circuits alimentaires de proximité et de qualité. Les fruits et légumes doivent être produits en Pays de Loire en s'appuyant sur une démarche qualité certifiée ou apparentée.
L'association SAS Bon App'Filière Locale en Vendée a ainsi bénéficié d'une aide pour mettre en place une société commerciale de plats cuisinés avec des ingrédients locaux pour la restauration collective. L'entité commerciale a été créée le 1er janvier 2014. SAS Bon App'Filière Locale a vocation d'acheter des produits auprès de fournisseurs locaux, de sous-traiter leur transformation (pour l'instant uniquement en surgélation) et de les commercialiser. La cible est essentiellement scolaire mais des demandes pour des maisons de retraite ont été formulées.
Les Pays de Loire ont apporté financièrement leur soutien à six territoires en subventionnant, entre autres, des études de structuration de circuits alimentaires de proximité.
En 2015, il est prévu de proposer des produits semi-élaborés, par exemple des tomates concassées. Des tests ont été réalisés en 2013 avec un premier plat individuel de bœuf ratatouille. Ainsi, 1,5 t de tomates ont été travaillées, dont 75 % en bio. Des contrats définissant le prix et le volume pour la saison sont passés avec des maraîchers. Mais l'entreprise ne se prive pas de saisir les opportunités. La saison dernière, une chute brutale des prix a entraîné une mévente régionale, une occasion si elle se renouvelle de profiter de ce marché.
L'atelier Aria 85 – qui emploie des travailleurs handicapés – et Servilégume Industrie se sont chargés de la préparation et de la découpe des légumes frais. L'intérêt d'une telle démarche permet aussi de limiter le gaspillage en amont. « Nous recherchons un produit sain, consommable, revendique Rachel Dothée, fondatrice de l'association et dirigeante de SAS Bon App'Filière Locale. Nous n'avons pas besoin de produits trop calibrés et nous acceptons les mélanges de variétés. Cela permet aux maraîchers de vendre des produits qui ne correspondent pas à leurs cahiers des charges. » Les circuits traditionnels sont aussi sollicités. Par exemple, le grossiste Devaud du réseau Le Saint est intervenu dans le transport des légumes et Fleury Michon pour la transformation. En parallèle, l'association, dans le cadre d'animations pédagogiques, envisage des cueillettes effectuées par des élèves dont les produits seraient distribués dans leur cantine scolaire. La fraise, un produit saisonnier, fragile et onéreux pourrait être envisagée.
Une plate-forme logistique est envisagée
Autre projet financé par la région, une étude de marché réalisée par Le Mans Métropole sur la faisabilité d'une plate-forme logistique. L'histoire commence en 2009 quand les élus décident de s'intéresser au développement de l'approvisionnement en produits locaux au sein de la RHD. Dans le cadre du programme européen Leader (Liaison entre actions de développement de l'économie rurale), la communauté de communes a mené à terme une coopération transnationale sur les circuits courts en zone périurbaine. Des rencontres ont été organisées en 2010 avec la péninsule de Setùbal au Portugal. Une charte de qualité commune a été élaborée concernant à la fois les agriculteurs et les restaurateurs.
« Cette collaboration a permis un regard extérieur, note Hélène Penven, chargée de mission Europe du Pays du Mans. Les Portugais ont apporté leur expérience en matière de restauration commerciale et nous, celle de la restauration en milieu scolaire. » La charte définit ce qu'est un produit local de qualité, c'est-à-dire de proximité, en lien avec la saisonnalité, la traçabilité et la durabilité au niveau environnemental et sociétal. L'association qui gère la charte fédère une vingtaine (bientôt une trentaine) d'adhérents, producteurs, restaurateurs et collectivités. Un comité de suivi apprécie le niveau d'implication de chaque adhérent selon une grille d'évaluation qui se traduit par l'attribution de quatre fleurs au maximum. L'étude de marché a constitué la deuxième étape du projet. Réalisée par le Cabinet Gressard Consultants (Rhône), elle vient de préciser la non-faisabilité de la construction d'une plate-forme physique sans subvention. Les volumes concernés, 1 100 t (contre 3 000 à 4 000 t pour une plate-forme classique), sont trop faibles pour l'instant. Il faudrait une marge de 35 % pour rentabiliser les 1 100 t. L'autre scénario, l'utilisation des structures existantes, a donc été retenu. D'ici avril 2014, les acteurs vont réfléchir à un plan d'action pour valoriser cette logistique dans le cadre d'un comité de promotion.
En Loire-Atlantique, une plate-forme logistique a été mise en place dès 2009 par l'association de producteurs Manger bio 44 pour la restauration collective à l'aide, là aussi, d'une subvention mais départementale. Un catalogue des propositions a été créé en ligne. L'équipe de trois salariés tente d'optimiser l'adéquation de l'offre et la demande par une planification annuelle, pas toujours facile en fruits et légumes pour la restauration scolaire. Les commandes sont clôturées le mardi pour une livraison le lundi suivant. L'acheminement des produits s'effectue directement par les producteurs ou à partir de la plate-forme basée au Min de Nantes (Loire-Atlantique). Information diététique, animations pédagogiques en milieu scolaire sont les moyens retenus pour sensibiliser le public et développer l'activité. « Le légume est plus difficile à structurer que le lait, regrette Catherine Urvoy, en charge de coordonner les projets. Les volumes sont faibles. En légumes, nous nous posons donc la question de la IVe gamme. »
Le prix, un frein au “manger local”
En restauration scolaire, les tomates et concombres d'origine locale ne sont donc guère au menu, de même que les fraises. Dans le premier cas, il s'agit d'une inadéquation avec le calendrier de production. Pour le second, une affaire de prix. Ce constat est valable aussi bien pour les produits conventionnels que le bio. A l'association de producteurs Bio Loire Océan, la restauration collective constitue un petit marché, essentiellement scolaire. Les demandes sont nombreuses mais elles n'aboutissent pas, le prix étant le premier frein à l'achat du bio.
La tendance est néanmoins à la hausse. « Les fruits et légumes frais sont de plus en plus intégrés dans les menus », souligne Sylvain Pouillot, directeur commercial restauration chez TerreAzur groupe Pomona qui livre plus de 40 000 restaurateurs en France. La tomate et le concombre sont livrés toute l'année. Les références sont des plus conventionnelles : tomates rondes calibre 47/57 et tomates cerise classiques. La tomate grappe est marginale, les tomates de couleur encore plus. Les cuisines centrales qui veulent réduire leur coût de main-d'œuvre apprécient les tomates travaillées, notamment tranchées en dés ou en rondelles. Le concombre élaboré est peu demandé. Contrairement aux tomates et concombres, la fraise est réputée pour son prix onéreux, trois fois plus chère environ qu'une pomme. Chez TerreAzur, elle est travaillée dix mois sur douze, en provenance d'Espagne ou du Maroc. La fraise locale est dans les menus à partir de février. Chez le grossiste Palmer, basé sur le Min d'Angers et spécialiste de la restauration, les produits commercialisés viennent souvent eux aussi d'Espagne ou du Maroc. « Il est même très difficile de proposer de la fraise française, souligne Christophe Praizelin, responsable administratif chez Palmer. Les prix ne sont jamais en dessous de 5 €/kg. »
Outre le prix, essentiel, l'origine et la saisonnalité sont venues s'immiscer dans les négociations commerciales. Chez Sodexo, certains clients ont demandé à retirer de leur menu les tomates produites en plein hiver. Mais les habitudes sont trop fortes. Certaines restaurations sont revenues sur cette position. En fraise, des restaurateurs préfèrent limiter le nombre de services et n'opter que pour la fraise française. En régime scolaire, les calculs sont rapides. Sur 140 jours de restauration et la base d'un fruit proposé un jour sur deux, la fraise ne peut être servie que six ou sept fois dans la saison. Celui qui choisit uniquement de la fraise française le fera seulement trois ou quatre fois. Toute une méthodologie a donc été développée chez le spécialiste de la restauration collective, pour répondre aux attentes commerciales du produit local. Ainsi, des références françaises spécifiques sont désormais suggérées.
Les volumes en restauration collective ne représentent jamais de gros volumes. Au CHU de Nantes (12 000 couverts par jour), les cuisiniers travaillent 32 t de tomates par an (1,5 t à 2 t/mois d'octobre à mai et 4,5 t/mois de juin à septembre). Les fournisseurs qui répondent aux appels d'offres (mise en concurrence de trois fournisseurs, soit par trimestre pour les produits standards, soit par mois pour les produits de saison) doivent fournir une tomate de calibre 57/67 en 6 kg vrac. Les tonnages sont moindres en concombre (15 t/an) et achetés en prétranché. En fraise, le pic d'achat en mai 2013 a été de 2 t avec une demande de catégorie I en barquettes de 500 g ou 1 kg, le nom de la variété n'étant pas signifié dans le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) et dans le cahier des clauses techniques particulières (CCTP).