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Gérard Evin
De l'épargne pour l'avenir de l'arboriculture

Des fonds issus de l'épargne pour soutenir l'arboriculture française, cela est possible et souhaitable. C'est ce qu'expliquent pour fld Gérald Evin, président de Labeliance Invest, et Emmanuel Demange, directeur de la FNPF qui a signé en janvier dernier un partenariat avec l'entreprise spécialisée en solutions de financement.

FLD : pouvez-vous nous présenter en quelques mots Labeliance Invest ?

GÉRALD EVIN : Labeliance Invest est une entreprise qui conçoit et déploie des solutions de financement de fonds propres pour faciliter la politique de croissance des entreprises engagées dans des stratégies de développement ou de redéploiement, en privilégiant des partenariats de proximité pour accompagner dans la durée les entreprises. Nous nous intéressons aux réseaux de commerce et de service, aux filières agricoles et maritimes ou encore aux coopératives sur lesquels nous avons une connaissance approfondie des besoins en développement. En janvier dernier, nous avons constitué le fonds d'investissement Labeliance Agri 2013 (LBA 2013), doté à l'origine de 2,7 M€, qui est entièrement tourné vers l'agriculture française. LBA 2013 est intervenu sur un premier dossier de financement lié à la filière ovine, au profit d'une exploitation basée en Bretagne, qui a permis l'installation d'un jeune agriculteur. Ce dossier a été retenu par le Comité d'investissement du fonds, instance décisionnaire composée de professionnels n'ayant pas de liens avec Labeliance Invest et présidé par Georges Dutruc-Ros-set, une figure bien connue du monde agricole. Aujourd'hui, l'objectif est de porter le fonds à 20 M€ pour intervenir sur un plus grand nombre de dossiers.

FLD : Les aides et les soutiens à l'agriculture ne manquent pas. Qu'est-ce qui vous distingue des autres outils de financement existants ?

G. E. : LBA 2013 s'inscrit dans une approche tendant à favoriser les jeunes agriculteurs désireux de s'installer en agriculture. Jusqu'à présent, pour ces derniers, une fois leur projet défini, la seule option était de solliciter les banques traditionnelles pour le financer. Celles-ci, légitimement, demandaient en retour des garanties sur la solvabilité du contractant.

« L'arboriculture apporte les garanties nécessaires aux épargnants de voir leur argent investi dans une filière pérenne. »

En installation, il est quelquefois difficile de trouver les garanties nécessaires. De plus, la conjoncture économique et financière actuelle est plus dure. Le contexte bancaire est de plus en plus contraint. De nouveaux modes de financement adaptés aux spécificités du monde agricole devaient être trouvés. Labeliance agit différemment en analysant le dossier et en évaluant le potentiel de réussite afin de mettre en adéquation les fonds propres de l'agriculteur et sa capacité d'endettement.

FLD : A l'occasion de son dernier congrès à Lyon le 31 janvier dernier, vous avez signé une convention avec la Fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF). Qu'est-ce qui vous a convaincu de porter votre choix sur cette filière ?

« Labeliance Invest agit en analysant le dossier et en évaluant le potentiel de réussite afin de mettre en adéquation les fonds propres de l'agriculteur et sa capacité d'endettement. »

G. E. : C'est un secteur à la fois mal connu, voire méconnu, des grandes institutions financières. Et pourtant, il est fortement implanté sur le marché local et porte de belles perspectives pour un fonds d'investissement comme le nôtre. Il existe une véritable appétence de l'épargnant pour ce type de produit dans lequel il peut retrouver son engagement citoyen. Aujourd'hui, les investisseurs ne recherchent pas un rendement très haut à tout prix. Du moins, ils ne le recherchent plus. Ils sont désormais plutôt en quête de sécurité pour leurs investissements. On assiste à un retour aux fondamentaux de la pratique d'investir. La période des placements exotiques est close. L'arboriculture apporte les garanties nécessaires aux épargnants de voir leur argent investi dans une filière pérenne et porteuse tout en accomplissant un geste qui puisse, à terme, impliquer développement économique et création d'emplois. En ce sens, LBA 2013 est en phase avec la tendance actuelle.

EMMANUEL DEMANGE : Pour la Fédération nationale des producteurs de fruits, le message que nous voulions passer était clair. Les producteurs vivent dans un contexte où les surfaces en production et les volumes en fruits sont en baisse depuis plusieurs années. Cette situation entraîne une inquiétude forte et légitime quant à l'avenir des entreprises et de la filière en général. Avec Labeliance Invest, nous avons voulu dire : voici des personnes qui croient en l'avenir de l'arboriculture française, qui sont prêts à la soutenir, à investir pour elle afin qu'elle soit à même de répondre aux besoins du marché aujourd'hui et demain.

FLD : Quels sont les secteurs de l'arboriculture qui demandent aujourd'hui l'appui d'un fonds comme Labeliance Agri 2013 ?

E. D. : Le premier objectif est, pour la FNPF, de favoriser l'installation de jeunes arboriculteurs. Le taux d'installation est faible dans la filière. Cela demande un apport en capital et souvent les banques sont, pour le moins, frileuses à accompagner un jeune : les aléas climatiques qui détruisent une année de travail, l'émergence de maladies nouvelles, la raréfaction des moyens d'interventions phytosanitaires ou réputées en disparition à cause de l'interdiction de certaines matières actives sont autant de paramètres qui les font reculer. La FNPF ne voit pas LBA 2013 comme un mécanisme de défiscalisation mais comme un outil à même d'aider un jeune agriculteur dans la phase difficile de la reprise de l'entreprise familiale ou de la création de sa propre structure. De plus, l'arboriculture n'est pas une production éligible à la Pac. Même si demain de nouvelles formes d'aides devraient apparaître (DPB, Assurances, FEADER), aujourd'hui les soutiens au développement restent faibles. Il y a des entreprises arboricoles qui ont des projets de rénovation et de développement de leurs outils de travail. Elles sont inscrites dans le paysage de l'arboriculture française. Il aurait été dommage de passer à côté. C'est aussi vrai pour la rénovation des vergers, même s'il existe des aides à travers FranceAgriMer mais aussi des Régions et du FEADER dont les fonds vont être gérés par les Régions ou FranceAgriMer. Cela n'interdit pas, a priori, l'accès à un fonds privé. Nous ne sommes pas ici dans le cadre de prêts bonifiés. Nous laissons la porte ouverte.

FLD : Dans le processus de sélection des projets, vous mettez en avant la notion de Groupement d'utilisation de financements agricoles. Pouvez-vous nous expliquer de quoi il s'agit ?

G. E. : Le Groupement d'utilisation de financements agricoles (Gufa) est la pierre angulaire du dispositif. Il est l'intermédiaire privilégié entre les porteurs de projets et Labeliance Agri. C'est une structure, dirigée par un conseil d'administration composé de professionnels de la filière agricole concernée, qui a pour premier objectif d'assurer la sélection des projets d'un point de vue technique et économique. Elle est chargée aussi d'accompagner les futurs associés exploitants dans le déploiement du dispositif. Le Gufa permet ainsi de faciliter les contacts entre le fonds et les producteurs et de les accompagner dans leur projet, et cela grâce au réseau des personnes qui le composent, toutes impliquées d'une manière ou d'une autre dans la filière. Il ne faut pas pour autant croire que son rôle s'arrête là. Il ne se contente pas de conseiller et de sélectionner. Pour donner tout le crédit nécessaire à la démarche, le Gufa prend aussi part au capital social des exploitations sélectionnées pour LBA 2013. Certes, de façon symbolique mais suffisamment pour prendre part aux décisions stratégiques aux côtés de l'exploitant et ainsi de l'accompagner. Cette prise de responsabilité est à nos yeux le gage de l'engagement fort et pérenne, au-delà d'une simple attribution de ligne de crédit.

E. D. : Nous avons constitué au sein de la FNPF un groupe de travail appelé à faire partie du futur Gufa. Nous avons sollicité divers organismes de référence pour qu'ils en fassent partie (CTIFL, Felcoop, Interfel, la Safer et les JA) et nous attendons leur réponse. Ce sera au début un Gufa réduit, un Gufa de combat si j'ose dire, qui pourra ensuite être étendu. Surtout, par un regard que nous espérons bienveillant, il participera à convaincre ceux dans la filière qui pourraient être réticents à la notion d'investissements privés. Le fonds ne sera présent que dix ans dans le capital de l'entreprise. Ensuite, ce sera à elle de faire perdurer son projet. D'où l'importance que ce dernier soit, dès l'origine, porteur de pérennité.

FLD : Qu'est-ce qui aurait pu décider Labeliance Invest à ne pas s'intéresser à la filière ?

G. E. : Le manque de potentiel pour un fonds d'investissement comme Labeliance. Comme je vous l'ai expliqué, ce n'est vraiment pas le cas pour l'arboriculture française. Bien évidemment, cette dernière présente un certain nombre d'aléas éventuels, liés aux conditions climatiques, qui peuvent impacter une récolte d'une année sur l'autre et donc la capacité financière de l'entreprise, ou à l'émergence d'une concurrence nouvelle. Mais, les autres filières connaissent, à leur niveau et de manière peut-être différente, des aléas similaires. Un des objectifs de LBA 2013 est justement la mutualisation des risques qui permet de mieux aborder certaines passes difficiles. D'ailleurs, dans le cadre des frais de prestation de suivi demandés aux exploitations financées, une partie des fonds est bloquée pour constituer au fil des ans un mécanisme de mutualisation des risques. Le Groupement d'utilisation de financements agricoles aura en charge la gestion de cette réserve pour intervenir en cas de difficultés particulières.

LA BIO EXPRESS DE GÉRALD EVIN

Titulaire d'un DESS en fiscalité et d'une maîtrise en finance (Université Paris-Dauphine), Gérald Evin débute sa carrière dans le conseil juridique et fiscal. En 1995, il rejoint la Coopération Maritime (130 coopératives de pêche, 1 600 salariés). Il en devient secrétaire général en 2008. Labeliance Invest est créé en 2012.

COURSE DE FONDS POUR TERRALIA

En septembre, le pôle de compétitivité Terralia lancera, avec Synthèse Finance, un Fonds commun de placement à risque (FCPR) pour les entreprises du pôle recherchant un financement. Il interviendra en fonds propres (actions, éventuellement obligations), à hauteur maximale de 30 % du capital social des PME et TPE avec un ticket d'entrée entre 200 000 et 750 000 €, « un montant un peu inférieur à ce que l'on voit ailleurs mais cadrant avec les besoins d'une PME voulant accélérer son développement », souligne Gilles Fayard, directeur de Terralia. Le rôle du pôle, avec l'analyse financière des projets, est d'apporter son expertise en matière de marché, de technologies et de produits. « Ce fonds est le résultat de deux constats : un besoin clair de financement de nos adhérents et la mise en place de la phase 3 des pôles de compétitivité qui demande un accompagnement plus important des entreprises en matière de compétitivité, d'export, et donc de financement. Nous avons déjà détecté une dizaine de dossiers éligibles », explique-t-il. Ce fonds sera doté de 20 M€ : le tour de table des partenaires (banques, fonds privés et régionaux...) est en cours de finalisation pour fin juin.

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