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Flambée des coûts
Prix de l’énergie : les mûrisseurs de bananes veulent aussi être entendus

L’Association interprofessionnelle de la banane a poussé un cri d’alarme le 13 octobre : ses mûrisseurs sont en danger devant la flambée des coûts de l’électricité et surtout des risques de coupure. L’AIB veut faire reconnaître le caractère indispensable du mûrissage. De manière générale, tous les stades de la filière banane sont touchés par la flambée des coûts. Témoignage et reportage.

A contexte exceptionnel, journée exceptionnelle. Pour la première fois de son histoire, l’AIB (association interprofessionnelle de la banane) a réuni la presse pour une journée sur Rungis, le 13 octobre. Au programme : visites de mûrisseries et échanges sur les difficultés de la filière face au contexte actuel. Pour une filière peu habituée à se mettre en avant, c’était inédit. « Notre filière a besoin d’être expliquée, nous devons rappeler les enjeux, d’autant plus dans le contexte actuel », contextualise Philippe Pons, président de l’AIB.

 

L’AIB appelle les pouvoirs publics à réagir

Face aux risques de coupure d’électricité cet hiver et à la flambée des coûts de l’électricité, l’AIB a appelé les pouvoirs publics (ministères de l’Agriculture, de la Transition écologique, des Transports, chapeautés par Bercy) à réagir.

L’AIB demande :

  • De faire reconnaître le caractère indispensable du mûrissage ;
  • Que les mûrisseurs fassent partie des secteurs exemptés de coupure d’électricité ;
  • Qu’un bouclier tarifaire soit mis en place.

Certes, un bouclier tarifaire a été mis en place par le ministère de la Transition écologique pour les entreprises grandes consommatrices d’énergie mais les critères d’éligibilité prennent en compte la part de la facture énergétique sur le chiffre d’affaires et non sur la marge nette.

L’AIB se coordonne en parallèle avec Interfel qui gère les autres fruits et légumes nécessitant un mûrissage (comme les avocats) ou du stockage froid (endive, pomme poire).

« Nous sommes mi-octobre. Nous espérons être fixés d’ici un mois à six semaines, au moins sur les coupures d’électricité », espère Philippe Pons.

 

Le mûrissage, une étape indispensable et énergivore

Fruit essentiel dans la consommation des ménages, de par son accessibilité prix et sa disponibilité toute l’année, riche nutritionnellement, la banane nécessite, avant d’être consommée, une étape indispensable : le mûrissage en chambre, qui nécessite une énergie conséquente pour contrôler la température et la ventilation dans les chambres de mûrisserie et ne peut souffrir aucune coupure électrique possible.

Après le transport, maritime, de la banane, qui se fait à une température de 12°C à 12,5°C, les colis passent à leur arrivée en Europe par le stade de mûrisserie, une étape indispensable pour transformer l’amidon des fruits en sucres simples et leur donner la couleur plus ou moins jaune.

 

« Le mûrissage industriel ou artisanal est en effet nécessaire puisque le mûrissage naturel sur pied prend 13 à 14 semaines depuis l’apparition du régime. Et il se fait de manière tout à fait hétérogène [plutôt de haut en bas]. C’est pourquoi on récolte le régime de bananes bien avant et qu’on le fait mûrir en chambre, afin de gagner du temps et surtout d’obtenir un mûrissage homogène sur toutes les bananes d’un même colis », souligne Lina Renel, cadre Fruidor UGPBAN. La filière utilise une échelle colorimétrique, homogénéisée par l’AIB à l’échelle française, afin « que tout le monde parle le même langage ». Cette échelle va de 2 (vert clair) à 6 (jaune).

Le mûrissage en chambre dure au moins 5 jours (6-7 jours en moyenne), à une température qui varie entre 13 et 18°C, en fonction de la météo, de l’état des fruits, de leur origine, des conditions lors de la production. On ne parle donc pas de fortes puissances pour contrôler cette température. C’est surtout la ventilation qui consomme de l’énergie.

 

Plus de craintes quant aux coupures qu’aux tarifs de l’électricité

Philippe Pons explique : « L’évolution de la température intérieure de la banane est exponentielle. Elle peut monter jusqu’à 30 °C ! Ce qui donne une banane dont la pulpe est liquide. Si la phase de ventilation venait à s’interrompre ne serait-ce que 2h, le processus est irréversible. C’est l’arrêt de mort de la banane, donc des pertes potentielles énormes. »

Philippe Pons précise encore : « On craint davantage la discontinuité de l’accès à l’énergie que la hausse des prix. »

Quelques chiffres pour y voir plus clair : mûrir 1 kg de bananes, c’est 0,063 à 0,075 KW, selon les données du Cirad, une quantité d’énergie dédiée davantage à la ventilation qu’à la température. C’est l’équivalent de 8h de fonctionnement d’un ordinateur fixe ou pour faire bouillir 6 L d’eau.

 

Des marges extrêmement faibles chez les mûrisseurs, affectées par la facture énergétique

Mais même si la part de l’électricité est faible dans le processus, il faut souligner la marge extrêmement faible des mûrisseurs, inférieure à 2,5 % selon les données de l’UFMB (Union française des mûrisseurs de bananes). En 2021, l’énergie comptait pour 26 à 30 % de la marge nette maximale dégagée par les entreprises. « La facture énergétique des mûrisseurs compte pour au moins un quart de la marge nette des entreprises donc oui, la rentabilité va être affectée », traduit Philippe Pons.

A date, c’est le marché spot de l’électricité qui impacte déjà les entreprises, et « beaucoup de nos membres » voient leur contrat prendre fin en décembre 2022, d’autres en décembre 2023.

Le stade mûrisserie en France compte 40 à 50 entreprises et une centaine d’unités (des mûrisseurs indépendants et des mûrisseurs en réseau), dont les capacités varient de 1 500 t mûries par an à 40 000 t.

 

Témoignage de Frank Lliso, président de Select’Agrumes : peu de marges, surtout quand on s’investit en production

Franck Lliso est président de Select’Agrumes, mûrisseur indépendant. Il témoigne de son métier de mûrisseur (« comment restituer au mieux les qualités intrinsèques du fruit ») et des marges faibles, avec des chiffres concrets.

« Prenons ce colis [18,5 kg] de bananes conventionnelles, origine Colombie (commercialisé sous la marque Terra, marque de Select’Agrumes). Prix FOB (Free on bord, c’est-à-dire sans les taxes, le transport maritime et les assurances), il coûte 9 $ en 2022. A ceci il faut ajouter la parité €/$, le fret maritime qui représente environ la moitié du prix FOB soit 4,5 $, puis les taxes douanières, environ 1,4 € pour la banane dollar. Ce colis de 9 $ prix FOB, je le paye départ du port d’Anvers dédouané environ 16,33 €. Le transport routier c’est environ 1 €. Le colis va ensuite être mûri et je le vendrai au prix de 1 à 1,10 € le kilo. Soit 18,5 €-20,35 € le colis. Nos marges sont très faibles. »

 

D’autant plus que les mûrisseurs sont souvent impliqués en production. C’est en tout cas la philosophie de Select’Agrumes. « Les négociations en production peuvent se faire en annuel ou en pluriannuel. Nous, nous faisons en annuel, avec tous les risques que cela comporte. Mais cela permet une visibilité et des salaires décents pour les producteurs, avec lesquels nous travaillons depuis parfois très longtemps. Nous les connaissons, nous allons souvent les visiter. » Chez Select’Agrumes, la part des volumes sous négociation est de 80 %, les ajustements se font sur le spot (20 % des volumes).

Les labels permettent de valoriser les bananes. Le colis de bananes origine Colombie est valorisé +0,02 $ pour le label Rainforest ; +2 $ pour le label bio ; et + 2,45 $ pour le label Demeter, par rapport à un colis conventionnel, selon les chiffres de Franck Lliso.

 

La solution mais de long terme : la technologie

Les dernières technologies pour équiper les chambres de mûrissage participent à réduire la facture énergétique : panneaux photovoltaïques sur les toits, cellules de murissage dernière génération type ECOTOP à basse consommation (-30 %), remplacement des ventilateurs par des ventilateurs plus performants associés à un système de variation de vitesse (-25 %)… Fruidor met en place ces solutions et est engagé dans un plan pluriannuel de remplacement des anciennes installations frigorifiques par des installations plus performantes et non polluantes ( zéro gaz à effet de serre…). L’entreprise prévoit aussi le relamping des entrepôts, bureaux, chambres de murissage par une technologie LED (totalité du réseau fin 2023) et la la certification ISO 50 001 du réseau sous 2 ans pour une bonne gestion de l’énergie.

Select’Agrumes a installé des chambres de mûrissage tri-zones, c’est-à-dire qu’une seule chambre peut être “séparée” en trois zones distinctes de température et de ventilation, ce qui permet d’utiliser moins d’énergie en cas de volumes moindres, d’étaler les sorties de fruits mûris en fonction des contraintes des fruits et des marchés…

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