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Contractualisation : « J’appelle de mes vœux un accord interprofessionnel »

Bruno Le Maire a finalement décidé de répondre aux questions de fld. Malgré les difficultés que nous avons connues pour le bouclage de l’édition de ce mardi (cf. fld hebdo du 30 novembre), nous avons décidé de ne pas priver nos lecteurs de cette interview. Sur certains points (plans de campagne, contrats, gouvernance...), le ministre apporte des précisions qu’il nous semble utile de publier.

Fld hebdo : Vous allez intervenir mercredi au Congrès des producteurs de légumes. La campagne 2010 a été marquée notamment par la crise du melon. Les producteurs ont souhaité expérimenter l’accord sur la modération des marges. Ils en tirent un bilan négatif. Comment jugez-vous l’application de cet accord ? Faut-il en modifier les modalités de mise en place ?
Bruno Le Maire : Cet accord, voulu par le Président de la République, a été efficace. Il a permis de préserver le revenu des producteurs et de remettre de l’équité dans la filière. S’agissant du melon cependant, une forte concurrence liée au calendrier des récoltes des différents bassins a pesé sur les prix. L’état de crise a été déclaré à partir du 16 août, durant onze jours consécutifs.
Pour tirer les leçons, j’ai demandé un bilan exhaustif, quantifié et chiffré à mes services pour améliorer ces accords si nécessaire.

Fld hebdo : La LMA a instauré la possibilité de contractualiser. Vous avez décidé de prendre un décret pour le rendre obligatoire pour les f&l frais à partir du 1er mars prochain. Les producteurs, mais aussi d’autres familles de la branche, regrettent cette rapidité d’application, ainsi que ses modalités. Ils contestent notamment le fait que la contractualisation ne soit applicable qu’au premier stade de la mise en marché. Envisagez-vous d’apporter des modifications à ce décret ?
Bruno Le Maire : Ce sujet avait été soulevé clairement par le Président de la République lors de la réunion du 17 mai dernier avec la filière. Je pense qu’il est important que l’Etat donne l’impulsion pour la contractualisation. Nous savons depuis longtemps que les questions de l’équilibre et de la visibilité des relations commerciales sont cruciales pour le secteur. Que dirait-on si nous restions les bras croisés ? Ce projet de décret est la première étape vers l’évolution des relations commerciales. Cette évolution est indispensable.
On ne peut à la fois dire que la mise en œuvre est trop rapide et en même temps regretter que la contractualisation ne concerne pas tous les maillons de la chaîne de commercialisation.
J’ai transmis le projet de décret au Conseil d’Etat. Des évolutions seront envisageables à la lumière du bilan de son application. Rappelons aussi que, dans l’intervalle, tout accord interprofessionnel qui serait pris sur le sujet viendrait se substituer au décret que nous sommes en train de prendre. J’appelle de mes vœux un tel accord interprofessionnel, qui permettrait aux acteurs de la filière de définir eux-mêmes les conditions de la contractualisation écrite, en les définissant au plus près des réalités commerciales.

Fld hebdo : Vous avez fait baisser les charges sociales sur les travailleurs occasionnels. Le mécanisme mis en place en 2010 peut-il être étendu à l’ensemble des salariés agricoles ?
Bruno Le Maire : Le Président de la République a décidé, il y a un an, de diminuer les charges sociales pour l’emploi des travailleurs occasionnels. Cet allègement, applicable depuis le 1er janvier dernier, représente une dépense de l’Etat – c’est-à-dire tous les Français –  de près de 500 M€ par an. Elle concerne 90 000 entreprises et 870 000 contrats !
Cette mesure générale d’exonération des charges patronales dues à la MSA pour le travail saisonnier devrait permettre de développer l’emploi et également de mettre fin au travail clandestin. En contribuant à l’abaissement du coût du travail sur les bas salaires, elle devrait également permettre de soutenir l’emploi peu qualifié.
L’extension éventuelle de ce mécanisme est une question délicate dont il faut évaluer toutes les implications. C’est pourquoi nous avons décidé dans la Loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche de confier aux Assemblées la rédaction d’un rapport sur le financement de l’ensemble de la protection sociale dans le secteur agricole, attendu courant 2011.

Fld hebdo : L’installation de la nouvelle gouvernance économique de la filière ne s’est pas faite sans mal, sans opposition. Des filières, des régions s’estiment mises à l’écart. Comment jugez-vous la situation ?
Bruno Le Maire : Je pense que cette année nous avons passé un cap. Les associations d’organisations de producteurs nationales sont aujourd’hui représentées au sein du CTIFL, le centre technique interprofessionnel pour les fruits et légumes, et de l’interprofession Interfel. La bascule est faite et je m’en réjouis. Quand on conduit une réforme, rien n’est pire que de ne pas la conduire jusqu’au bout.
Je regrette, bien sûr, que certaines organisations ou certaines régions ne soient, pour l’instant, pas partie prenante à ce nouveau schéma. Personne n’y gagne. Il n’est pas et n’a jamais été dans ma volonté de mettre à l’écart qui que ce soit. Bien au contraire, j’espère qu’avec les efforts conjugués de chacun, nous finirons par résoudre ces difficultés.

Fld hebdo : Le dossier dit des plans de campagne est en train de rentrer dans sa dernière phase, celle du remboursement. Cela met en péril de nombreuses entreprises, dont certaines sont parmi les fleurons de la filière française. Quelle est votre analyse de la situation ? Comment éviter que le règlement de ce dossier ne menace l’avenir de ces entreprises ?
Bruno Le Maire : L’action que j’ai engagée depuis mon arrivée est guidée par deux objectifs. D’une part, éviter une condamnation certaine de la France qui nous exposerait à une lourde amende sans annuler la procédure lancée par la Commission. D’autre part, défendre les intérêts de la filière des fruits et légumes et réduire autant que possible, au regard du droit,  les sommes en cause.
Le dialogue avec les acteurs concernés et la difficile négociation que j’ai engagée avec la Commission européenne ont d’ores et déjà donné des résultats. Par exemple, la Commission européenne a pris note de l’impossibilité d’identifier les bénéficiaires des aides sur la période 1992-1997 ; nous avons fait exclure de la procédure tous les montants pouvant être associés à des aides notifiées et agréées par la Commission à l’époque.
J’ai également obtenu de la Commission l’autorisation d’allouer des mesures financières à chacune des entreprises concernées qui seraient en difficulté. La négociation avec la Commission se poursuit.
En parallèle, nous approfondissons avec les professionnels l’expertise des montants en cause et les allègements envisageables. Le dialogue avec chacun des opérateurs concernés doit aussi permettre de voir avec eux les aides légales dont ils peuvent bénéficier pour faire face à la crise économique. Je me suis engagé à ce que chacun soit écouté pour trouver les solutions adaptées à chaque cas. Je réaffirme cet engagement sans hésitation.
Je veux enfin saluer l’esprit de responsabilité des acteurs de la filière et de l’engagement sans faille des agents du ministère.

Fld hebdo : Dacian Ciolos a présenté son document sur la Pac d’après 2013. Il n’est question ni d’organisation de la production, ni de concentration de l’offre, et encore moins d’une OCM f&l. En ce qui concerne le secteur des fruits et légumes frais, quelle note donnez-vous à la copie du Commissaire européen ?
Bruno Le Maire : Nous partons de loin. Il y a encore un an, la Pac était en danger ; les instruments de régulation étaient en voie de démantèlement systématique. Aujourd’hui, la communication de Dacian Ciolos est un signal positif. Elle reflète beaucoup d’éléments de la position franco-allemande pour une Pac forte que j’ai présentée le 14 septembre après dix mois de négociations avec le gouvernement allemand. Cette communication reconnaît que l’agriculture est cruciale pour le développement politique et économique de notre continent.
La Commission propose comme je le souhaitais de renforcer et de moderniser les instruments de régulation. J’ajoute que le document de Dacian Ciolos mentionne explicitement le déséquilibre des rapports de force au sein de la chaîne alimentaire, l’importance des contrats et la nécessité de consolider le secteur agricole. Il s’agit bien de mieux organiser la production en permettant aux producteurs de se regrouper. C’est un bon point de départ mais je souhaite que l’Europe aille plus loin.
C’est normal que la communication de Dacian Ciolos n’évoque pas spécifiquement tel ou tel secteur. Mais, comme vous le savez, notre intention est de renforcer l’OCM fruits et légumes qui tient compte des spécificités de ce secteur. La dernière réforme de l’OCM fruits et légumes date de 2007 et une évaluation des programmes opérationnels mis en œuvre dans les États membres est prévue dès 2012. Je prépare d’ores et déjà ce rendez-vous avec tous les professionnels. Et comptez sur moi pour assurer la cohérence de ces différentes négociations qui sont clés pour notre avenir.

Rédaction Réussir

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